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Troyen. La fin est le retour d'Achille à la tranquillité; ce qui commence d'arriver lorsqu'il se réconcilie avec Agamemnon je dis ce qui commence d'arriver, car pour être tranquille, il faut qu'il ait auparavant tiré vengeance du vainqueur de Patrocle. Toute sa colère n'est appaisée qu'après qu'il s'est laissé fléchir par les larmes du vieux Priam. Le P. Le Bossu passe ensuite à l'Odyssée, dans laquelle il trouve les mêmes conditions, et ensuite à l'Énéide.

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Le commencement et la cause de l'action de ce poëme sont le renversement de Troye. Il faut donc que le poëte en parle. Si l'on remontoit plus haut, c'est-à-dire, à la cause du renversement de cette ville et du siége qui l'a précédé, on seroit obligé de faire l'histoire de l'enlèvement d'Hélène par Páris ; mais cela n'étoit pas nécessaire. Cette histoire étoit connue de tout l'univers et d'ailleurs ce n'étoit point la guerre de Troye qui faisoit le sujet du poëme; c'eût donc été une double action. Je le répète, il ne doit être question que des suites de la ruine de cette ville. Elle est détruite, voilà la vraie cause du départ d'Énée. Virgile laisse donc à part tout ce qui avoit précédé cette destruction. Il rapporte seulement ce grand événement qui fut la source de ses travaux. Les Grecs, dit-il, fatigués d'un siége aussi long qu'inutile, eurent recours à un dernier strata÷ gême, et là dessus il parle du cheval de bois, cause immédiate et prochaine de l'embrasement d'Ilion. Ce n'est pas tout à fait ainsi que le P. Le Bossu s'explique à ce sujet ; mais je n'ai pas résolu d'adopter tous ses sentimens, quoique je suive à peu près l'ordre qu'il suit lui-même dans son trop long traité. Je profite de ce qu'il a de meilleur, et je fonds mes idées avec les siennes ; je prends aussi la liberté de m'en écarter très-souvent, et d'en omettre une trèsgrande partie qui me paroissent tout au moins inutiles on peu importantes. Il pouvoit réduire son ouvrage au quart, et il seroit devenu meilleur et plus utile.

Virgile ne commence pas son récit par le commencement

de l'action de son poëme, et en cela il a fait sagement, comme nous le verrons dans la suite.

Le milieu de cette action sont ses courses sur mer et la guerre qu'il essuya dans le Latium. Il suit, comme on le voit, du commencement, c'est-à-dire, de la prise de Troye, et de la volonté des dieux, autre cause antérieure à tout, et dont ce n'est pas ici le lieu de parler. Ce même milieu exige une fin et la prépare. La fin, c'est la mort d'Amate et de Turnus, le changement de Junon à l'égard des Troyens, et la paix faite aux conditions qu'Énée demandoit. Il étoit parti de Troye parce qu'elle étoit en cendre, et que le ciel le destinoit à la rétablir en Italie: il surmonte tous les obstacles qui s'y opposoient, obtient Lavinie et ses états par la mort de son rival et d'Amate. Lavinie, le royaume de Latinus, étoient le prix du vainqueur; et dès qu'Énée n'a plus d'ennemis, le lecteur sait, sans que Virgile le dise, que ce héros est paisible possesseur de ce qu'il a desiré. Mais ce n'étoit pas seulement afin qu'il trouvât un asile dans le Latium qu'il y est arrivé par l'ordre des Destinées, c'étoit afin qu'il y jetât par Jui-même et par ses descendans les fondemens du plus puissant empire qui fut jamais. Il est donc nécessaire que le lecteur sache si les desseins des dieux furent accomplis dans toute leur étendue : il étoit donc besoin que Virgile ajoutât encore quelque chose à son Énéïde, pour satisfaire cette curiosité naturelle à ses lecteurs. Cette frivole objection a fait croire à quelques écrivains ignorans que si ce grand poëte avoit vécu, il auroit encore ajouté douze autres livres à son Énéïde, et l'auroit conduite jusqu'au temps d'Auguste, dont il auroit aussi chanté les exploits, apparemment dans le même ouvrage. C'est ce qu'on lit dans l'histoire de sa vie, par le faux Donat, et ce n'est pas le moins absurde des contes que rapporte cet écrivain.

Virgile tient dans l'Énéïde, telle que nous l'avons, tout ce qu'il a promis dans la Proposition. Il seroit ridicule de

vouloir qu'il fit élever par Énée, dans un nouveau livre, la ville de Lavinium (*). Il suffit que ce héros n'ait plus rien qui s'oppose à l'édification de cette ville. Ce qui a pu tromper quelques lecteurs, c'est peut-être ce vers du commencement du premier livre:

Multa quoque et bello passus dùm conderet urbem,
Inferretque deos Latio,

On l'a souvent mal entendu, et je suis surpris que l'abbé Desfontaines l'ait traduit ainsi : Il eut beaucoup à souffrir des fureurs de la guerre, tandis qu'il transportoit ses dieux dans le Latium, et qu'il y elevoit les murs d'une ville qui, etc. Quelle est cette ville? Ce ne peut être celle qui fut commencée sous le nom de Troye, aussitôt après l'arrivée des Troyens en Italie; car cette ville (liv. 7), bien loin d'avoir été le berceau du nouvel empire des Latins, ne fut bâtie que comme une espèce de camp, castrorum in morem... humili designat mænia fossâ (ibid.), et il n'en est plus question dans la suite. Est-ce Lavinium? Mais Énée ne bâtit cette ville qu'après la mort de Turnus : comment donc pouvoit-il alors avoir beaucoup à souffrir des fureurs de la guerre ? Dum, en cet endroit, veut dire la même chose que donec (jusqu'à ce que), comme donec signifie souvent la même chose que dum. Horace dit, donec gratus eram tibi, tandis que je te plaisois.

Pour que l'Enéide fût entièrement finie, ces conditions

(*) Maphée Végio, Italien, écrivain du quinzième siècle, a eu la témérité d'ajouter à l'Énéïde un treizième livre, dans lequel il fait entrer le mariage d'Énée et de Lavinie, la pompe funèbre de Turnus, la douleur des Rutules, et l'apothéose du héros. Tout cela est inutile, puéril et froid. (Note de l'Éditeur.)

n'étoient donc pas nécessaires; il suffisoit que le lecteur fût averti que les dieux destinoient Énée à fonder Lavinium, et Ascagne à bâtir Albe, etc. Or c'est ce qui est annoncé dans le cours du poëme, avec beaucoup d'art, par la bouche même de Jupiter. Comment, après une promesse si positive, le lecteur auroit-il encore quelque doute sur l'accomplissement de ces événemens postérieurs à l'arrivée du héros et à sa victoire?

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Bellum ingens geret Italiâ populosque feroces,
Contundet, moresque viris et moenia ponet;
Tertia dum Latio regnantem viderit æstas,
Ternaque transierint Rutulis Hiberna subactis.
At puer Ascanius.

Triginta magnos volvendis mensibus orbes
Imperio explebit, regnumque ab sede Lavinâ
Transferet, et longam multâ vi muniet Albam.

Ce n'est pas tout. Jupiter continue de prédire tout ce qui suivra la mort d'Ascagne; trois cents ans se passeront, pendant lesquels les descendans de ce héros donneront des lois; jusqu'à ce qu'une princesse de ce même sang, consacrée au culte de Vesta, mettra au monde deux jumeaux, fils du dieu Mars. Il parle de leur éducation, de la fondation de Rome par Romulus qui appellera de son nom les Latins et les Troyens réunis. Vénus apprend encore de Jupiter les conquêtes de ce peuple hors de l'Italie, du côté de l'Orient et du côté de l'Occident; la gloire future de Jules-César, descendant d'Iule, son apothéose, et le siècle d'Auguste qui succèdera à des temps de trouble, et où l'on verra fermer les portes de la guerre. Les principaux événemens de l'Histoire Romaine ne sont-ils pas gravés. sur le bouclier d'Énée ? Le roi Évandre ne parcourt-il pas avec Énée les lieux où depuis fut bâtie la ville de Rome,

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où le Capitole fut fondé? etc. Ce père des Romains ne voit-il pas passer devant ses yeux la plus grande partie de sa postérité dans les champs Élysées? Jamais poëte n'eut plus d'art que Virgile, et jamais nation n'a été célébrée avec plus d'adresse et de pompe que la nation romaine. On peut donc assurer que l'action de ce beau poëme a un commencement, un milieu et une fin bien marqués, et conséquemment qu'elle forme un tout complet, et ne laisse rien à desirer du côté de l'intégrité. Il nous seroit aussi facile de prouver qu'elle est une. C'est une seule action entreprise par un même héros, et conduite heureusement à sa fin, malgré tous les obstacles qu'il a à surmonter. Ces obstacles naissent de la haine de Junon, et forment divers épisodes naturels, qui, liés entre eux, et sortis du sein même du sujet, ne sont en aucune manière achevés, dans le sens que nous avons dit. Ce ne sont pas, comme on le voit sans peine, des actions particulières et indépendantes du sujet, enchâssées sans nécessité dans l'action principale; ce sont les membres naturels de ce corps, bien développé et parfaitement proportionné dans toutes ses parties.

Ce que nous avons dit du commencement, du milieu et de la fin d'une action, demande encore plus de développement. Le commencement dépend des causes de l'action. Les causes vagues et indéterminées sont les humeurs de ceux qui agissent; les causes plus précises sont leurs intérêts; enfin les plus immédiates sont les desseins même que l'on prend de faire une chose ou de l'empêcher. Ces causes sont considérées ou dans le héros du poëme, ou dans ceux qui prétendent s'opposer à son entreprise. Elles sont ou divines ou humaines. Les Destinées appellent le héros Troyen en Italie; Junon, au contraire, fait tout ce qu'elle peut pour l'empêcher d'y aborder, ou pour retarder son arrivée ; les Destinées veulent qu'il y fonde Lavinium, et que sa nation s'y établissse; Junon lui suscite une guerre pour l'accabler, si elle le peut, ou pour différer du moins l'exé

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