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FURNE, JOUVET ET Cie, ÉDITEURS
JOUVET ET Cle, SUCCESSEURS

45, RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS

MDCCCLXXXI

PRÉFACE

Des vingt-cinq lettres qui forment ce recueil, dix ont éte publiées dans le Courrier français, vers la fin de 1820; les autres paraissent pour la première fois. Les nombreuses questions historiques traitées dans ces dernières se rapportent toutes, d'une manière directe, à deux chefs principaux: la formation de la nation française, et la révolution communale. J'ai cherché à déterminer le point précis où l'histoire de France succède à l'histoire des rois franks 1, et à marquer de ses véritables traits le plus grand mouvement social qui ait eu lieu depuis l'établissement du christianisme jusqu'à la révolution française. Quant aux dix Lettres anciennement publiées, elles ont, en général, pour objet de soumettre à un examen sévère plusieurs ouvrages sur l'histoire de France regardés alors comme classiques. J'ai besoin d'exposer en peu de mots les motifs qui m'ont décidé à reproduire presque textuellement ces morceaux de critique, malgré l'espèce d'anachronisme que présentent des jugements portés il y a sept ans sur notre manière d'écrire et d'envisager l'histoire.

En 1817, préoccupé d'un vif désir de contribuer pour ma part au triomphe des opinions constitutionnelles, je me mis à

On verra plus tard pour quelle raison et à quelle fin j'ai employé ce genre d'orthographe.

chercher dans les livres d'histoire des preuves et des arguments à l'appui de mes croyances politiques. En me livrant à ce travail avec toute l'ardeur de la jeunesse je m'aperçus bientôt que l'histoire me plaisait pour elle-même, comme tableau du temps passé, et indépendamment des inductions que j'en tirais pour le présent. Sans cesser de subordonner les faits à l'usage que j'en voulais faire, je les observais avec curiosité, même lorsqu'ils ne prouvaient rien pour la cause que j'espérais servir, et toutes les fois qu'un personnage ou un événement du moyen âge me présentait un peu de vie ou de couleur locale, je ressentais une émotion involontaire. Cette épreuve, souvent répétée, ne tarda pas à bouleverser mes idées en littérature. Insensiblement je quittai les livres modernes pour les vieux livres, les histoires pour les chroniques, et je crus entrevoir la vérité étouffée sous les formules de convention et le style pompeux de nos écrivains. Je tâchai d'effacer de mon esprit tout ce qu'ils m'avaient enseigné, et j'entrai, pour ainsi dire, en rébellion contre mes maîtres. Plus le renom et le crédit d'un auteur étaient grands, plus je m'indignais de l'avoir cru sur parole et de voir qu'une foule de personnes croyaient et étaient trompées comme moi. C'est dans cette disposition que, durant les derniers mois de 1820, j'adressai au rédacteur du Courrier français les dix Lettres dont j'ai parlé plus haut.

Les histoires de Velly et d'Anquetil passaient alors pour trèsinstructives; et lorsqu'on voulait parler d'un ouvrage fort, on citait les Observations de Mably ou l'Abrégé de Thouret. L'Histoire des Français par M. de Sismondi, les Essais sur l'Histoire de France par M. Guizot, l'Histoire des ducs de Bourgogne par M. de Barante, n'avaient point encore paru. J'étais donc fondé à dire que res historiens modernes présentaient sous le jour le plus faux les événements du moyen âge. C'est ce que je fis avec un zèle dont quelques personnes m'ont su gré, et qui a sauvé d'un entier oubli des essais de critique et d'histoire perdus, en quelque sorte, dans les colonnes d'un journal. Ces détails m'étaient nécessaires pour expliquer mon silence sur des

ouvrages qui marquent une véritable révolution dans la manière d'écrire l'histoire de France. M. de Sismondi pour la science des faits, M. Guizot pour l'étendue et la finesse des aperçus, M. de Barante pour la vérité du récit, ont ouvert une nouvelle route': ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'y marcher à leur suite. Mais, comme les idées neuves ont à vaincre, pour se faire jour, la ténacité des habitudes, et qu'en librairie, comme en tout autre commerce, les objets d'ancienne fabrique ont pour longtemps un débit assuré, il n'est peut-être pas inutile d'attaquer de front la fausse science, même lorsque la véritable s'élève et commence à rallier autour d'elle les penseurs ct les esprits droits.

Il ne faut pas se dissimuler que, pour ce qui regarde la partie de l'histoire de France antérieure au XVIIe siècle, la conviction publique, si je puis m'exprimer ainsi, a besoin d'être renouvelée à fond. Les différentes opinions dont elle se compose sont ou radicalement fausses ou entachées de quelques faussetés. Par exemple, est-il un axiome géométrique plus généralement admis que ces deux propositions: Clovis a fondé la monarchie française; Louis le Gros a affranchi les communes ? Pourtant ni l'une ni l'autre ne peuvent se soutenir en présence des faits tels qu'ils ressortent des témoignages contemporains. Mais ce qui est imprimé dans tant de livres, ce que tant de professeurs enseignent, ce que tant de disciples répètent, obtient force de loi et prévaut contre les faits eux-mêmes. Instruit de ce qu'il m'en a coûté de peine pour refaire, seul et sans guide, mon éducation historique, je me propose de faciliter ce travail à ceux qui voudront l'entreprendre et remplacer par un peu de vrai

1 Dans l'énumération des travaux qui ont marqué le commencement de la réforme historique, il serait injuste de ne pas citer deux Mémoires de M. Naudet, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, sur l'état social de la Gaule dans les siècles qui suivirent la conquête. Ces morceaux, très-étendus, se distinguent par une critique à la fois plus ferme et plus large que celle des savants du siècle dernier, par une rare intelligence de l'époque et par l'absence de toute préoccupation politique.

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