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les armes, moins pour fervir l'ambition des ducs, que pour fatisfaire leur inimitié contre le parti Autrichien prédominant dans Fribourg. On fe battit dans le pays de Schwartzenbourg, avec un défavantage réciproque fans doute, puifque les hiftoriens des deux villes en portent un témoignage tout oppofé. Bientôt le peuple, las de vivre dans l'inquiétude, de combattre & de payer des contributions, excité par les chefs du parti mécontent, força le confeil de la ville à conclure la paix, malgré la défense pofitive du duc d'Autriche, qui n'étoit appuyé d'aucune protection utile. Fribourg confentit de donner satisfaction à tous les ennemis, même à fon avoyer exilé.

Après cet accommodement forcé, le magiftrat voulant continuer l'impôt pour faire honneur aux dettes du public, les bourgeois & les commu nes de la campagne s'y refuserent de concert, prétextant leur épuisement; ils en vinrent même aux menaces, de confifquer les biens des citoyens les plus riches, pour acquitter l'Etat par leurs dépouilles. Albert d'Autriche, réveillé enfin par le bruit de tant de défordres, fe rendit à Fribourg pour entendre les griefs des communes. Elles reprochoient au confeil l'inobfervance des ordres du duc, de ne point admettre aux premieres charges des perfonnes qui, par leurs fiefs relevoient d'un autre fuzerain; elles fe plaignoient que les vaffaux empêchoient leurs fujets de fe faire agréger à la bourgeoisie, & réclamoient en général contre les vexations des feigneurs fur leurs reffortiffans. Le duc ne fe contenta pas de condamner la conduite des magiftrats & des riches, parmi lefquels il avoit les partisans les plus fideles; il reprocha avec humeur au confeil de ne lui avoir fait que les préfens d'étiquette. Avant fon départ il convoque le confeil, le caffe d'autorité, établit un autre avoyer & un nouveau confeil, dans lequel quatre feulement des anciens confeillers font admis; il fait emprifonner les magiftrats & leur fait promettre par ferment de fe rendre, fur la premiere citation, à Fribourg en Brifgau; arrivés quelque temps après à cette réfidence, ils font arrêtés de nouveau & rançonnés.

Cette févérité d'Albert, loin de fatisfaire le peuple de Fribourg, ne fervit qu'à l'enhardir. Il menaçoit encore de prendre fur les biens des magiftrats difgraciés, la fomme promise au duc de Savoie pour prix de la paix. Quand le nouveau confeil, avec le corps des deux-cents & un comité nombreux de la bourgeoifie fous la préfidence de Thuring de Hallwyl, lieutenant du duc d'Autriche, oferent ordonner une nouvelle contribution les paroiffes de la campagne s'y refuferent nettement & avec menaces. Les particuliers les plus riches fe retirerent en lieu de fureté. Un d'entr'eux, qui, fur un fauf-conduit du confeil, ofa reparoître, fut pendu par ordre du lieutenant du duc. Alors les confeils, convaincus que le duc & fon plénipotentiaire ne cherchoient qu'à flatter la populace & à humilier la magiftrature, fermerent à de Hallwyl l'entrée dans leurs affemblées. Des troupes de paysans s'étant introduites dans la ville & emparé de quelques

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unes des portes, la bourgeoifie prit auffi les armes pour défendre fes chefs. Dans cette crife, dont Albert, ou par avarice, ou par incapacité, étoit le promoteur, un légat du pape, le duc Louis de Savoie & la régence de Berne, intervinrent comme médiateurs; ils persuaderent aux citoyens & à la faction oppofée de mettre bas les armes. Avec cela la créance du duc Louis n'étoit pas payée; on follicita inutilement la reftitution de quelques prêts, auprès du duc Albert, que fa mauvaise conduite a fait furnommer le prodigue; il fallut recourir à des emprunts chez les particuliers pour ac◄ quitter la dette publique.

Toutes ces vexations & ces troubles fe pafferent en 1449. L'année fuivante le duc d'Autriche, voyant s'évanouir le foible refte d'une autorité, dont il venoit d'abufer avec tant de baffeffe, forma le projet extravagant de n'abandonner fes droits fur la ville de Fribourg, qu'après avoir effayé de les fpolier de nouveau. Dans ce deffein de Hallwyl prend les avances, pour annoncer aux Fribourgeois l'arrivée de leur maître. Pour mieux contenter cette fois la vanité ou la cupidité du prince, on fait des préparatifs pour une réception plus éclatante. Le lieutenant raffemble l'argenterie de la ville; après quelques jours de délai il feint d'aller à la rencontre du duc, fuivi d'un cortege des principaux citoyens. Un détachement qu'ils rencontrent l'entoure; alors de Halwyl fe tournant vers les Fribourgeois, le duc, leur dit-il, n'ira plus chez vous. Par cet acte, que j'ai ordre de vous remettre, il vous déclare entiérement libres & maîtres de votre fort, & pour vous mieux acquitter envers lui, il gardera votre argenterie pour fes émolumens. Avec ces mots il leur tourne le dos & les laiffe dans l'étonnement. Si la tranquillité avoit pu être rétablie dans Fribourg, cette république affranchie auroit trouvé chez des voifins, libres comme elle, des fecours fuffifans pour maintenir fon indépendance; mais la résolution inattendue du duc Albert ne fit qu'accroître la fermentation dans des efprits divifés. 11 fe trama parmi le peuple de la campagne une confpiration contre la régence, dont celle-ci arrêta les effets par la fermeté, & en faisant fubir une peine capitale à huit des principaux conjurés. Informés que des émiffaires d'Albert avoient trempé dans ce complot, & que ce prince fongeoit encore à vendre au duc de Savoie les droits dont il venoit de faire ceffion à la ville, se méfiant des vues des Bernois, & entraînés, peut-être par le crédit des partifans fecrets de la maison de Savoie, les confeils & la bourgeoifie réfolurent de prévenir les projets du prince Louis en fe mettant volontairement fous fa fauvegarde. Il fe relâcha en faveur de cette foumiffion d'une partie des fommes qu'il pouvoit prétendre de la ville. Il paya dans le même temps à l'Etat, de Berne une autre fomme de quinze mille florins; nous ignorons fous quel titre ce payement fut donné & reçu; fi c'étoit feulement pour appaifer la jaloufie des Bernois, ce marché ne prouveroit ni leur politique ni leur générofité. Le traité de combourgeoifie entre les deux villes fut maintenu. Les Fribourgeois recouvrerent leur tran

quillité intérieure, ils s'accoutumerent à des liaifons plus étroites avec les huit cantons de la ligue Suiffe, en fourniffant des troupes auxiliaires dans les diverfes expéditions contre les princes de la maison d'Autriche.

Une guerre plus périlleuse avec Charles-le-téméraire, dernier duc de Bourgogne, devint, par fes fuites, l'époque de l'entiere liberté de la république de Fribourg, qui partagea les rifques & la gloire des trois victoires remportées par les alliés, fur ce fameux foldat, à Grand-fon, à Morat & à Nancy, dans les années 1476 & 1477. La ducheffe Yolande de Savoie, mere tutrice des jeunes ducs, avoit favorifé les entreprises du duc de Bourgogne; le comte de Romont l'avoit aidé ouvertement. Les projets de la maison de Savoie fur les villes de Berne & de Fribourg étoient renversés par les défaites fucceffives & par la mort de Charles-le-téméraire; les troupes des deux villes avoient faifi les terres du comte de Romont & le pays de Vaud; Geneve étoit menacée par les Suiffes, & Louis XI, roi de France, qui triomphoit fecrétement de la chûte de fon rival le plus dangereux, n'étoit pas faché de voir la ducheffe de Savoie, fa fœur, punie d'avoir favorifé les deffeins de fon plus grand ennemi. Dans cette fituation embarraffante la princeffe demanda un congrès à Fribourg, où elle acheta à prix d'argent, des deux villes, la paix pour fes fils, la fureté pour Geneve & la reftitution du pays de Vaud.

Cependant le mécontentement des cantons populaires fur cette pacification renouvelloit les alarmes de Yolande. Pour fe raffurer, elle follicita le renouvellement de l'ancienne alliance de fa maison avec la république de Berne. Celle-ci, par une jufte reconnoiffance pour la fidélité de fes alliés de Fribourg, éprouvée dans une guerre fi périlleuse, malgré le prétexte que leurs liens avec les ducs de Savoie pouvoient leur fournir pour garder la neutralité, n'accepta la propofition que fous la condition que Fribourg feroit comprise dans l'alliance & déclarée abfolument libre de toute obéiffance envers la maison de Savoie. Il n'en coûta à cette nouvelle république indépendante que le facrifice de dix mille florins, qu'elle avoit à répéter des ducs.

Les bailliages d'Orbe, de Grandfon & de Morat, que les deux Etats de Berne & de Fribourg gouvernent à l'indivis, furent le prix de leurs efforts dans la derniere guerre.

Des défordres occafionnés par les fuites de cette guerre dans les communes des divers Etats libres de la Suiffe, & qui fe manifeftoient plus particuliérement dans quelques cantons démocratiques, engagerent les gouverneurs de Zuric, Berne, Lucerne, Fribourg & Soleure, à former, pour leur fureté, une confédération particuliere en 1478. Les cantons démocratiques s'en plaignirent hautement, comme d'une infraction faite aux engagemens de la ligue. Enfin cette difcorde fut étouffée fans éclat, par une nouvelle convention entre tous les partis intéreffés; dictée par la prononciation d'un arbitre à Stanz dans le canton d'Unterwalden, en 1488. Les

cinq villes renoncerent à leur alliance particuliere; Fribourg & Soleure furent admises au rang des cantons, dans la confédération helvétique.

Nous avons cru devoir nous étendre fur les détails de la révolution qui a fixé la deftinée de la république de Fribourg; nous ferons plus courts fur les événemens poftérieurs à cette époque.

Geneve commençoit alors à s'impatienter dans les chaînes que Fribourg venoit de rompre, & que les princes cherchoient à refferrer. Elle eut recours à la protection des deux cantons de Berne & de Fribourg contre les entreprises de fes évêques & des ducs de Savoie fur fes immunités. Les troubles, les traités, les hoftilités que ce conflit entre l'efprit de liberté & une ambition oppreffive occafionnerent, appartiennent plutôt à l'histoire de Geneve qu'à celle des deux cantons, qui en vertu de leur traité de combourgeoilie avec Geneve y intervinrent en qualité d'auxiliaires. Ce ne fut qu'après une expérience répétée de l'inquiétude & de la foibleffe des princes de Savoie, que les Bernois oferent former des projets d'agrandiffement fur cette belle province qui les féparoit de Geneve. L'enthoufiafme de la réformation leur fournit de nouveaux motifs & de nouvelles espérances pour l'exécution de ces projets. Les Fribourgeois fuivoient alors des impulsions

toutes contraires.

Au premier bruit de la prédication des réformateurs, le gouvernement de Berne avoit écrit à celui de Fribourg, pour l'exhorter à ne point s'écarter de la croyance & du culte de leurs ancêtres. Cependant la nouvelle doctrine fe répandit dans Berne & fut enfin autorifée par le confeil fuprême. Alors Fribourg eut occafion de rendre les mêmes avis qu'elle avoit reçus. Dans cette derniere ville le magiftrat fe fit une regle invariable de ne permettre aucun enfeignement contraire aux dogmes autorifés par l'église romaine; précaution prudente, fans doute, puifqu'elle prévenoit les agitations qui accompagnent ordinairement toute révolution, mais dangereuse, en ce qu'elle peut également profcrire des erreurs féduifantes & des vérités utiles. Par un effet de cette prohibition, quelques magiftrats furent dépofés, plufieurs s'expatrierent; ce vuide fut rempli par des fugitifs des villes où la doctrine évangélique exerçoit la même autorité exclufive. En 542 les confeils & la bourgeoifie jurerent publiquement une formule de foi catholique; à leur exemple, les paroiffes de la campagne prirent fans oppofition le même engagement folemnel.

Fribourg avoit renoncé, en 1534, à la combourgeoifie de Geneve parce que cette ville venoit d'adopter les principes des réformateurs. Mais quand les Bernois, deux ans après, fur le refus du duc de Savoye de faire droit aux griefs des Genevois, fe faifirent du pays de Vaud, les Fribourgeois fe hâterent de leur côté de s'approprier une portion de cette province. Ils y furent invités fous main par ceux qui dans ces terres craignoient pour leur culte public. Les communautés religieufes fur-tout prévoyant le changement que de nouveaux maîtres ne tarderent pas d'établir, avoient inf

piré la même frayeur à diverfes communes. A Eftavayer un zele brutal avoit porté un particulier à affaffiner le miniftre fur la chaire. Ces difpofitions favorifoient l'intérêt de l'Etat de Fribourg, que la politique avoit négligé. Ses domaines s'accrurent des terres de Rue, Romont, Vautrux Chatel-S.-Denis, Eftavayer & S. Aubin. Quelques différends que le partage de ces conquêtes fit naître entre les deux républiques, furent terminés par l'intervention des cantons alliés.

Dans cette faifie les terres du comte Gian de Gruyeres avoient été épar¬. gnées; il avoit obtenu même, par la protection de l'Etat de Fribourg, une difpenfe de la preftation d'hommage. L'aîné de fes fils, Michel, en lui fuccédant, en 1541, demanda la même prérogative. Il trouva son héritage embarraffé de beaucoup de dettes; des levées de troupes pour la France acheverent de le ruiner. En 1555, les deux villes, Berne & Fribourg, acheterent les prétentions de divers créanciers, & par des exécutions juridiques, mais rigoureuses, s'approprierent des dernieres dépouilles de cette maifon ancienne & dans un temps très-puiffante.

On rapportera dans l'article SUISSE les faits nationaux auxquels le canton de Fribourg prit quelque part; il a une portion dans les gouvernemens acquis par les armes réunies des confédérés depuis la date de fon adoption dans la ligue générale. Dans l'article CORPS HELVÉTIQUE, on a indiqué les divers traités d'union particuliere entre les Etats catholiques de la Suiffe, & entre ceux-ci & quelques puiffances voisines. Si l'Etat de Fribourg a toujours adhéré à tous ces engagemens particuliers, d'un autre côté il a obfervé fidélement cette clause de fon traité d'alliance avec les huit anciens cantons, par laquelle ils lui interdifent de prendre un parti dans les diffentions qui pourroient furvenir entr'eux. On ne l'a point vu fe mêler dans ces troubles, dont un zele mal entendu pour la religion fourniffoit le fujet ou le prétexte.

Fribourg & Berne ayant eu les mêmes princes pour fondateurs, (car on attribue au duc Berthold IV. de Zäringuen le premier projet de faire bâtir la ville de Berne, projet que fon fils a exécuté, & celui-ci fuccédant à fon pere, fix ans après la fondation de Fribourg, eft venu à temps pour y mettre la derniere main;) leurs premieres loix, leur police intérieure, leurs droitures municipales, furent projettées fur le même plan. Cependant nous remarquons quelques variétés dans ces conftitutions, que nous attribuons ou à la diverfité de quelques circonftances à l'époque des fondations, ou aux différentes deftinées que les deux villes ont éprouvées jufques vers la fin du XV. fiecle. Le lecteur faifira ces variétés en comparant avec le tableau du gouvernement de Berne celui que nous allons tracer du gouvernement de Fribourg.

A Fribourg, l'autorité fouveraine & le pouvoir législatif font attachés au grand confeil de deux-cents membres; les autres confeils, tribunaux ou comités, font des fubdivifions ou dépendances du grand confeil. C'est une

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