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limites; & que ces députés du fénat réglerent lefdites limites, & firent rendre aux deux peuples les prifonniers qu'ils s'étoient faits réciproquement. A l'exception de ce trait & de quelques autres auffi peu importans, l'hiftoire garde le plus profond filence fur cette ville pendant plus de fept fiecles; celle des temps où elle commence à être un peu connue, n'eft guere moins obfcure & moins ignorée; & en général l'on ne fait rien de bien certain à fon fujet, que vers l'année 774 de notre ere, où l'on trouve que lorfque Charlemagne eût détruit le royaume & la puiffance des Lombards, Gênes devint une des villes du royaume d'Italie, que ce prince donna à Pepin, fon fils ainé. Jufques-là, tout ce que l'on fait confufément à fon égard, c'eft qu'elle fuivit toujours le fort de fes maîtres, & devint, ainfi que l'Empire Romain, la proie de différentes hordes de brigands, fortis du fond du nord, qui fe répandirent en Italie comme une inondation, & s'en emparerent fucceffivement. Gênes, fituée comme à fa porte, la premiere ville à la defcente de l'Apennin, expofée fans défenses aux invafions de ces barbares, fut toujours par fa malheureuse fituation, la premiere victime de leurs fureurs, & de ces fréquentes révolutions. Elle fut alternativement conquife & ravagée par les Goths, les Oftrogoths, les Lombards & autres, & rentra, à différentes reprises fous la domination des empereurs d'Orient, lorfque Bélifaire & Narfés défirent leurs redoutables ennemis. L'on voit que vers l'an 545 Gênes étoit foumise à des ducs ou comtes particuliers; l'on ignore s'ils étoient indépendans, ou vassaux; ou fimplement lieutenans des empereurs de Conftantinople. Ce dernier paroit d'autant plus probable, que les gouverneurs qu'ils mettoient dans la plupart des villes d'Italie, comme Turin, Naples, &c. portoient alors le nom de ducs. Cette ville ayant été délivrée en 553 du joug des Oftrogoths,, par la défaite de leur roi Totila, revint encore fous les loix de l'Empire d'Orient. Après avoir encore ainfi changé plufieurs fois de maîtres, elle fut brûlée & détruite en 638 par Rotharis, roi des Lombards, fous le joug defquels elle demeura près de cent trente-fix ans. Pendant cet intervalle elle fe releva de fa chûte, elle fortit de fes ruines, s'accrut confidérablement, & devint encore la plus floriffante ville de la Ligurie; ce que l'on peut attribuer à fon port avantageusement fitué pour le commerce, & au goût que fes habitans eurent de tout temps, pour la navigation. Soumife enfin en 774 au roi Pépin, ce prince lui donna des gouverneurs fous le nom de comtes, qui la gouvernerent pendant plus de cent ans. Comme ces comtes étoient héréditaires, il y a apparence que Pépin leur avoit donné Gênes en fief, ne se réservant que la fuzeraineté de cette ville. Le premier de ces comtes fut Ademar, feigneur François, parent de Pépin, qui périt en 806 dans une expédition qu'il fit en Corfe, pour en chaffer les Sarrafins qui en étoient poffeffeurs depuis plus d'un fiecle & demi. C'eft à cette époque, vraie ou fauffe, que les Génois font remonter l'origine de leurs droits fur cette ifle, & fa conquête par leurs aïeux.

Ils profiterent de la décadence du pouvoir des defcendans de Charlemagne en Italie, pour fecouer le joug de leurs gouverneurs ou comtes héréditaires. Ils fe rendirent indépendans vers le commencement du X fiecle, & s'élurent des confuls, dont le nombre, d'abord illimité, varia presque toujours fuivant, les circonftances. Telle eft l'époque de l'érection de Gênes en république. A peine avoit-elle recouvré fa liberté, & commençoit-elle à en recueillir les fruits, qu'elle fut faccagée & prefque ruinée de fond en comble par les Sarrafins, fes premiers ennemis, qui voulurent fe venger de ce qu'elle leur avoit enlevé la Corfe. Ce défaftre lui arriva vers l'an 936; c'étoit déjà la troifieme ou la quatrieme fois qu'elle avoit le malheur d'être ainfi détruite. Elle fe rétablit en peu de temps, accrut beaucoup fon opulence & celle de fes habitans par le commerce, & obtint en 958 de Bérenger II & d'Adalbert, fon fils, alors roi d'Italie, un acte d'indépendance, daté de Pavie, qui la confirmoit dans ses poffeffions & privileges, & fur-tout dans le droit de fe gouverner par elle-même. En 1015, fes citoyens firent un traité d'alliance avec les Pifans, & les aiderent dans plufieurs expéditions contre les Sarrafins établis en Sardaigne. Ils les chafferent conjointement de cette ifle, & y formerent divers établiffemens. Ce fut-là l'origine des longues querelles de Gênes avec Pife, qui, de fon alliée, devint bientôt fon implacable rivale, & la plus dangereufe de tous fes ennemis; querelles qui ne prirent fin, après une longue fuite d'inimitiés, de guerres, de combats, & de fuccès alternatifs entre les deux républiques, que par la ruine de l'une des deux, de Pife, qui, plus malheureuse ou plus foible, fut prefque entiérement détruite par les Génois en 1284. Souvent les deux peuples fe combattirent par terre & par mer, tant en Italie que dans le Levant, avec tout l'acharnement que la haine & la jaloufie peuvent infpirer à des rivaux; fouvent ils fe vainquirent, ils s'affiégerent dans leur ville, & fe réduifirent alternativement aux plus grandes extrémités.

Les guerres des croisades, qui s'éleverent alors pour le malheur de la chrétienté, mirent une efpece de treve aux fureurs des deux peuples, & firent une diverfion utile à leur inimitié naiffante. Les Génois, principalement, s'acquirent la plus grande gloire dans l'Orient par leurs exploits, pendant les années 1097, 1098, 1099, 1100, & fuivantes. Ils contribuerent beaucoup à la prise de Jérufalem, de Céfarée, & d'autres villes, & rendirent les plus grands fervices à Godefroid de Bouillon, premier roi de Jérufalem, à Baudouin I, fon frere, & à leurs fucceffeurs, qui leur en témoignerent leur reconnoiffance par plufieurs donations, privileges & diplômes honorables, ainfi que par les établiffemens avantageux qu'ils leur donnerent dans les villes conquifes. Telle fut l'origine des poffeffions confidérables que les citoyens de Gênes acquirent dans le Levant, & du commerce immenfe qu'ils y firent par la fuite. Ils rapporterent des richeffes incroyables de ces expéditions, qui furent, par leur fage conduite alliée

avec leur bravoure, la fource de leur opulence & de leur bonheur, tandis qu'elles furent fi ruineufes pour la plupart des nations, qui s'y engagerent avec tant d'imprudence.

Les guerres prétendues faintes firent, de nouveau, place aux différends de Gênes avec Pife, qui recommencerent avec plus de chaleur qu'auparavant, l'obftination mutuelle des deux peuples, & le droit qu'ils fe difputoient réciproquement de faire facrer les évêques Corfes par l'évêque de leur ville, furent le motif de ces nouvelles querelles. Pour fe venger de ce que leurs ennemis s'étoient établis en Sardaigne à leur détriment, les Pifans prétendoient avoir autant de droits qu'eux fur la Corfe, & firent, de temps à autre, différentes tentatives fur cette Ifle; ce qui alluma le reffentiment de fes conquérans. Vainqueurs des Pifans en 1120 1124 & 1129, ils furent vaincus par eux à leur tour en 1122, & en plufieurs autres rencontres. Il y avoit déjà plufieurs années qu'ils le faifoient la guerre avec furie, fans que plufieurs papes, qui s'étoient entremis pour appaifer leurs différends, euffent pû en venir à bout. Urbain II & Gelafe II, échouerent dans cette entreprise. Enfin Innocent II, plus heureux, parvint en 1133 à pacifier les deux peuples, ou du moins à leur ôter ce fujet de querelle, en érigeant les évêchés de Pife & de Gênes en archevêchés, & en décidant que partie des évêques de Corfe, feroient fuffragans de l'un, & partie de l'autre.

Cependant les Génois ne négligeoient aucune occafion de s'agrandir, & d'augmenter leur domaine, par des conquêtes & des acquifitions, contigues à leur territoire, ce dont leurs guerres avec les Pifans ne les avoient point empêchés. On remarquera qu'ils étendirent fucceffivement leur domination fur le marquifat de Final, le comté de Nice, une partie du Piémont, Monaco, &c.; & de l'autre côté de leur riviere, fur Lerice, Sarzane, Livourne & une partie de la Lunégiane. Ils étendirent leurs conquêtes encore plus loin au-delà des mers, fur plufieurs ifles & villes, tant du Levant que de la Cherfonnefe-Taurique, où ils fe firent des établiffemens confi dérables. Ils leur furent auffi rapidement enlevés par les Turcs pendant le cours du XV fiecle; comme leurs poffeffions en Syrie, leur avoient été enlevées par les Sarrafins, lors des défaftres des chrétiens en Syrie; & comme leurs poffeffions de terre-ferme leur furent fucceffivement enlevées par les ducs de Savoie, les Florentins, & autres Etats voifins. En 1145, à la follicitation de plufieurs princes, ils firent différentes expéditions, toutes fort heureuses, contre les Maures d'Efpagne & d'Afrique, auxquels ils enleverent plufieurs villes confidérables, où ils firent un butin immense. Telle fut la fource de leur opulence, laquelle devint à fon tour celle de leur nobleffe, que les familles, devenues confidérables par leurs richeffes, leur puiffance & leurs poffeffions, ou illuftrées par leurs exploits dans l'Orient, & par les grands emplois, les premieres magiftratures, qu'elles rempliffoient dans leur patrie, s'arrogerent pour fe diftinguer du commun des citoyens,

Tandis que Gênes commençoit à fe faire refpecter au dehors, & recevoit même en 1155 une ambaffade folemnelle de l'empereur Emmanuel qui recherchoit fon alliance, les prétentions orgueilleufes du fameux Frédéric, dit Barberouffe, empereur d'Occident ou d'Allemagne, faifoient trembler toute l'Italie, & donnerent particuliérement beaucoup d'alarmes à la république dont nous efquiffons l'hiftoire. Elle fut cependant fe tirer habilement de ce mauvais pas, & éviter le funefte fort de Milan & d'autres villes, malheureufes victimes du courroux implacable de ce conquérant, en fléchiffant à propos devant lui, en l'appaifant par des foumiffions, & fur-tout par des fommes confidérables. D'ailleurs, une raifon que ce prince eut de ménager Gênes, c'eft qu'il avoit befoin de fes finances, de fa marine & de fes forces pour les expéditions qu'il méditoit de faire en Sicile & ailleurs. La guerre s'étant rallumée dans ces circonftances entr'elle & Pife, pour une querelle de commerce, qui s'éleva à Conftantinople entre leurs marchands, Frédéric fût obligé d'être plufieurs fois le médiateur des deux peuples, dont la haine envénimée & les diffentions toujours renaiffantes, tromperent fouvent les foins qu'il prit pour les pacifier, & lafferent fouvent fa patience. Il fut continuellement occupé, par lui ou par fes commiffaires en Italie, à juger les différends de ces rivaux acharnés, à en prévenir les fuites funeftes, à les empêcher d'en venir aux mains; mais toutes fes peines furent infructueufes, & il ne put parvenir qu'à leur faire conclure des treves, toujours mal obfervées de part & d'autre, & auffi-tôt rompues que le feu de leur vieille animofité, toujours couvé fous la cendre, jugeoit à propos de fe rallumer pour les plus légers fujets. En 1164, les Génois voulurent faire un roi en Sardaigne, pour chagriner leurs ennemis; mais ils furent obligés de renoncer à cette entreprife, & de fonger à mettre leurs propres poffeffions en Corse à l'abri des infultes des Pifans.

C'est vers ce temps-là que prirent naiffance les troubles domeftiques, dont cette malheureuse république fut fi long-temps agitée depuis. Plus funeftes cent fois pour elle que toutes fes querelles avec les Pifans & fes autres ennemis du dehors, ces diffentions inteftines furent la fource féconde d'une infinité de guerres civiles, & la mirent plufieurs fois à deux doigts de fa ruine. L'ambition, la jaloufie de fes citoyens, l'envie qu'ils avoient de s'emparer exclufivement du gouvernement & des principales places de l'Etat, en furent la déplorable fource. Les premieres de ces diffentions s'éleverent entre les nobles; ou du moins entre les principales familles, celles qui étoient dépofitaires de l'autorité, & en poffeffion des premiers emplois. Leurs longues querelles firent place à celles des Guelfes & des Gibelins; puis à celles des nobles & des populaires, & enfin à celles des chefs des populaires entr'eux; trifte enchaînement fans fin de malheurs, auxquels Gênes fut en proie pendant plus de quatre cents ans confécutifs, & tous caufés par l'ambition, fans ceffe renaiffante & agiffante fous d'au

tres noms, où fous d'autres prétextes. Un des plus funeftes effets de ces troubles civils, fut d'obliger les Génois à changer fans ceffe de forme de gouvernement, fans pouvoir fe fixer long-temps à aucune, dans la vaine efpérance de trouver enfin la paix & la tranquillité intérieures, qui fembloient fuir loin d'eux; & fur-tout de fe foumettre fouvent à des dominations étrangeres, de fe donner volontairement des fers, pour mettre fin à leurs malheurs, & chercher un port affuré, dans la fervitude, contre une liberté fi fatale pour eux par fes abus.

La premiere révolution que les diffentions domeftiques de Gênes opérerent dans fon gouvernement, fut celle de 1190, où l'on fubftitua un podeftat étranger annuel aux confuls; ces magiftrats furent confervés, mais entiérement fubordonnés au premier, & uniquement reftreints au jugement des affaires civiles, & au maintien de la police intérieure. Les confuls revinrent bien encore quelquefois fur la fcene; mais ils en difparurent pour toujours en 1194, où les podeftats étrangers furent irrévocablement mis en poffeffion de l'autorité fuprême, toutefois avec un confeil compofé des principaux citoyens de la ville, qui leur furent donnés en qualité d'afleffeurs. A la réferve de quelques changemens paffagers, le gouvernement de ces podeftats, ou préteurs étrangers annuels dura pendant près de foixante & dix ans. En 1194, les Génois firent des armemens confidérables pour le service de l'empereur Henri VI, dans fon expédition fur le royaume de Naples & fur la Sicile, dont ils lui aiderent à s'emparer, féduits par les artifices & les brillantes promeffes de ce prince de mauvaife-foi, qui ne leur en tint auçune. La même année vit éclore la troifieme guerre de Gênes avec Pife. Les fujets des deux républiques prirent querelle pendant l'expédition de Sicile, où ils étoient également employés comme troupes auxiliaires de l'empereur. Cette guerre ne prit fin qu'en 1217 par l'entremise du pape Honorius III, & fut très-nuifible aux deux peuples, ayant été plutôt une longue fuite de brigandages, qu'une véritable guerre. Les Génois employerent les années fuivantes à réduire quelques-unes des villes foumises à leur domination, telles que Savone, Albengua, Vintimille, & autres, qui s'efforçoient fouvent de fecouer leur joug. Ils n'étoient guere plus tranquilles eux-mêmes dans l'intérieur de leur république, & revenoient fans ceffe des confuls aux podeftats, & de ceux-ci aux confuls, ou à d'autres magistrats de nouvelle création. Il feroit prefque impoffible de fixer le nombre de toutes les variations qui arriverent en peu d'années dans la forme de leur gouvernement. On n'en citera qu'un exemple fingulier. En 1216, las de tous ces changemens infructueux pour leur repos, ils nommerent cinq juges étrangers, qui, ayant chacun un quartier de la ville dans leur département, y furent en poffeffion de l'autorité fuprême, fans être dépendans l'un de l'autre. Ce gouvernement dura peu, & l'on retourna bientôt aux podeftats.

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Tandis que Gênes étoit ainfi occupée par fes divifions intestines, sa mau

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