صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

principes, qui ont fervi de fondement à la révolution de 1688, comme on peut voir par la déclaration folemnelle des droits du peuple Anglois, qui s'eft faite par les uns & par les autres, lorfqu'ils ont préfenté la couronne au roi Guillaume. Il feroit même affez difficile, à mon avis, de dire fi la conduite des Whigs depuis trente ans, ou celle des Torys, a été la plus conforme aux articles contenus dans cette déclaration; & c'eft ce que je pourrai peut-être examiner à une autre occafion.

Si on me demande donc en quoi confifte la différence entre les deux partis, & d'où vient qu'ils fe haïffent tant, puifque leurs principes en matiere de gouvernement font fi uniformes je réponds qu'en Angleterre, comme ailleurs, la multitude fe conduit fouvent par des préjugés plutôt que par la raifon. Les Whigs & les Torys font accoutumés depuis longtemps à fe former des idées extrêmement défavantageufes les uns des autres, fans trop fe donner la peine d'examiner fi ces idées font conformes à la vérité, & les chefs des partis ne négligent rien pour entretenir leurs fectateurs dans les illufions qu'ils fe font à cet égard. De-là vient, que les Whigs croient avec affez peu de fondement, que les Torys en général, ont du penchant pour le prétendant, & que par leurs principes ils doivent toujours être portés à donner au prince un pouvoir abfolu & tyrannique, & à priver fes fujets de leurs droits & de leurs libertés. Les Whigs d'un autre côté, font regardés par les Torys comme un amas de gens, qui n'ont, pour ainfi dire, ni foi, ni loi, ennemis de la royauté, parce qu'ils veulent que tout dépende d'eux; infolens dans la profpérité; &, lorfqu'ils ne dominent pas, brouillons & inquiets; cherchant toujours à réformer & à changer le gouvernement établi, pour faire place à quelque autre modele, où ils pourront mieux trouver leur avantage particulier. En un mot, les Whigs, fi on en croit leurs adverfaires, font des gens, qui ne font pas fcrupule de facrifier la vie, & les biens de leurs compatriotes, à leur ambition, & à leur avarice.

Pour peu que les deux partis vouluffent fe défaire de leurs préjugés, ils verroient que ces portraits, qu'ils font les uns des autres font outrés, & ne quadrent point avec l'état préfent des chofes en Angleterre. On verroit d'un côté, que les Torys en général, ne font, ni jacobites, ni ennemis de la liberté raifonnable des fujets; & de l'autre, que les Whigs ne font pas à beaucoup près, fi ennemis de la royauté qu'on le dit; & qu'ils ne fouhaitent pas de voir priver la couronne de fes juftes prérogatives. Enfin, autant que je fuis capable de juger, la différence, qu'il y a préfentement entre les deux partis en matiere de politique, ne revient qu'à ceci; les Torys font perfuadés que, de la maniere dont le gouvernement eft conftitué en Angleterre, les fujets n'y courent aucun rifque de se voir opprimer dans leurs droits, & dans leurs privileges; que la royauté y eft affez, & peut-être, un peu trop limitée par les loix ; & que, fi on prefcrivoit des bornes encore plus étroites au pouvoir du prince, on détrui

roit

roit par-là la balance du gouvernement, & on tomberoit peu à peu dans l'anarchie, & dans la confufion. C'eft pourquoi, ceux de ce parti font cenfés d'être plus zélés défenfeurs des droits de la couronne, que des privileges des peuples; & il femble qu'ils ayent toujours devant les yeux ce qui s'eft paflé du temps du roi Charles premier, dont les fujets mécontens n'ont ceffé de demander des furetés pour leur liberté, jufques à ce qu'ils euffent entiérement renversé, & le monarque & la monarchie. Les Whigs, au contraire, ne me paroiffent pas tant craindre, que la balance du gouvernement anglois puiffe trop pencher du côté populaire; & comme ils ont beaucoup fouffert fous les regnes de Charles II, & de Jacques fon frere, on croit qu'ils font moins favorables à la monarchie que les Torys, & que leurs foins tendent principalement à bien munir les droits du peuple contre les entreprises du prince, en cas qu'il eut envie de les envahir. Ceux des deux partis des Whigs & des Torys, qui ont véritablement des principes en matiere de gouvernement, ne feront pas fâchés, je crois qu'on les diftingue de la maniere que je viens de dire, & il me femble que chaque parti peut fort bien avouer les fentimens que je lui donne fans courir rifque de paffer pour de mauvais citoyens dans l'opinion des gens équitables & défintéreffés. Au refte, pour favoir fi le principe des Whigs, ou celui des Torys, eft le plus conforme au bien de la patrie, il faudroit entrer dans une longue difcuffion de la nature du gouvernement en général, & de celui d'Angleterre en particulier; ce qui m'éloigneroit trop du but que je me fuis propofé dans cet écrit. Je me contenterai donc de dire, que ni la différence que j'ai marquée, ni celle qu'on pourroit encore marquer en matiere de religion, ne feroient pas capables de produire la haine & la jaloufie, dont on voit que les deux partis font animés les uns contre les autres, s'il ne s'agiffoit pas de pofféder les charges & les emplois du gouvernement. C'eft-là la véritable pomme de difcorde entre les Whigs, & les Torys; & ceux qui ont eu l'occafion d'observer la manœuvre des deux partis croiront facilement, que, malgré les beaux prétextes de côté & d'autre, la grande vue des principaux parmi les Whigs, auffi-bien que parmi les Torys, n'a été depuis quelque temps, que pour fe maintenir dans les charges, ou pour en dépofféder ceux qui, les avoient. C'est aux intrigues des deux partis à cet égard, & aux mouvemens qu'ils fe font donnés pour parvenir chacun à leur but, qu'on doit imputer les brouilleries, & les défordres arrivés en Angleterre depuis la révolution; & il eft affurément de l'intérêt du prince qui regne, de fonger à y remédier.

Si ces réflexions que je viens de faire font juftes, comme je le crois, il s'enfuit premiérement, que le roi, en optant comme il a fait entre les deux partis, en devoit néceffairement rendre un mécontent; & par conféquent, qu'il ne pouvoit pas manquer d'expofer fon gouvernement à tous les mauvais effets de ces refforts, & de ces machines populaires, qu'un Tome XX.

Bbb

[ocr errors]

parti mécontent n'a que trop lieu de jouer dans un pays comme l'Angleterre. Il s'enfuit en fecond lieu, que le feul moyen, que pouvoit avoir fa majesté de contenter le gros de la nation étoit de diftribuer fes graces & fes faveurs d'une maniere que, ni les Whigs, ni les Torys, ne puffent avec raifon y trouver à redire. Et en troifieme lieu, s'il eft vrai, comme j'ai dit, que les fentimens des deux partis en matiere de gouvernement font fi peu différens, & s'il n'y avoit nulle raifon d'ailleurs qui dût faire regarder les Torys comme des gens inhabiles ou incapables de fervir le roi, il s'enfuit, que rien n'empêchoit auffi fa majefté d'employer ceux de ce parti, & de les allier avec les autres.

Mais, comme je n'ignore pas combien cette derniere conféquence fera de dure digeftion à de certains zélés Whigs & autres, qui ont le plus contribué à faire prendre au roi les mefures qu'il a prifes, je vais encore ajouter deux remarques, qui ferviront à confirmer ce que j'ai dit jufqu'ici, & qui feront voir plus clairement, que le vrai intérêt de fa majefté demandoit , qu'à fon avénement à la couronne on mit dans les charges & dans les emplois ceux qu'on pourroit juger les plus dignes & les plus capables, fans diftinction de parti.

c'eft

La premiere chofe que je crois devoir remarquer à cet égard qu'il eft certain, que, lorfque le roi eft arrivé en Angleterre, la plus faine partie de la nation, je veux dire, les gens modérés des deux côtés fouhaitoient qu'on abolît à jamais les noms de Whigs & de Torys; & qu'on prît les mefures les plus convenables pour unir deux partis, dont les animofités avoient tant caufé de défordres. J'ose même dire, que de côté & d'autre ils étoient affez difpofés à facrifier une bonne partie de leurs prétentions, & de leurs reffentimens réciproques à cette union qu'ils regardoient comme une chofe abfolument néceffaire pour le repos de la patrie.

Ma feconde remarque eft, que le roi, en optant entre les deux partis, a fuivi une méthode de gouverner, qui non feulement eft fujete à de grands inconvéniens, mais qui doit être regardée, à mon avis, comme la fource des malheurs de tous les princes, qui ont régné en Angleterre depuis cent ans. Ceux qui font bien inftruits des affaires de ce pays-là, n'auront pas de peine à convenir de la vérité de cette remarque; mais il fera néceffaire, qu'en faveur des autres je m'explique un peu plus en détail, pour faire voir par des exemples fort illuftres, combien il étoit dangereux de confeiller à fa majefté, de fonder fon gouvernement fur une partie de fes fujets à l'exclufion des autres.

Ce fut le roi Jacques premier, qui introduifit en Angleterre cette maniere de gouverner partiale, que les Anglois appellent government of parties; &, comme on ne fauroit guere douter que ce prince n'ait aspiré à la puiffance arbitraire, il femble auffi qu'il ait jugé, que le meilleur moyen d'y parvenir étoit de femer la divifion parmi fes fujets & de se

[ocr errors]

fervir de ceux qui lui étoient les plus dévoués pour opprimer les autres. C'est pourquoi, il trouva à propos de ne mettre dans les charges, & dans les emplois, que les plus zélés partifans de l'églife anglicane, & ceux qui étoient imbus de l'opinion du droit divin des rois, & de l'épifcopat. Tous fes autres fujets, particuliérement les prefbytériens ou puritains, comme on les nommoit alors, furent regardés & traités comme des ennemis du roi & de la royauté. Or, qu'en arriva-t-il? Le parti mécontent, je veux dire ceux qui fe trouverent exclus des avantages du gouvernement, fe mirent d'abord à crier contre la conduite du roi & de fes miniftres, observerent & releverent leurs moindres fautes, gagnerent du crédit ; premierement parmi le peuple; enfuite dans le parlement. Après quoi, on fit dreffer les remontrances, on préfenta des adreffes, fi vives & fi fortes, que Jacques fe piqua, & fe dégoûta de fes parlemens. Et, comme il vouloit foutenir la dignité royale, fans plus recourir à des affemblées qu'il trouvoit fi peu complaifantes, il fut obligé de fe fervir de plufieurs expédiens pour avoir de l'argent, qui ne lui firent pas honneur. Il fit auffi vendre les terres & les bois de la couronne, au grand préjudice de fes fucceffeurs, qui, ne trouvant plus dans leurs domaines de quoi fournir aux dépenfes même les plus néceffaires, ont été obligés de demander à tout moment le fecours de leurs fujets, ce qu'ils n'ont fouvent obtenu qu'à des conditions peu avantageufes à la royauté.

Charles I prit la même route qu'avoit prife fon pere, & fe conduifit. par les mêmes maximes. Il careffa, & diftingua par fes bienfaits ceux qu'il croyoit favorables à la puiffance arbitraire des rois, & à la hiérarchie de l'églife, fans fe mettre beaucoup en peine de ménager les autres ; & on peut dire, que fa partialité à cet égard fut la caufe principale de ces mécontentemens parmi les Anglois, dont les fuites lui furent fi funeftes. Je n'entre pas dans le détail des malheurs de ce prince; il me fuffit d'ob. ferver, que ceux de fes fujets, qui n'avoient point de part dans fes bonnes graces, s'appliquerent d'abord, comme on avoit fait fous le regne précédent, à prévenir l'efprit du peuple contre le roi par les bruits & par les libelles, qu'ils faifoient répandre à fon défavantage. Ils tâcherent enfuite de gagner la pluralité des voix dans le parlement; après quoi, on intenta des accufations contre-les miniftres & les favoris, & on reprocha même au roi, dans des termes très-vifs, les fautes de fa conduite. En un mot, on entaffa plaintes fur plaintes, & remontrances fur remontrances, jufques à ce que ce prince fe crut obligé de recourir aux armes, pour maintenir les droits de fa couronne, & pour mettre fes fujets à la raison. Ainfi commença cette guerre dont on a tant parlé & tant écrit, & qui finit, comme tout le monde le fait, par la mort ignominieuse du monarque, & le renversement de la monarchie.

Au commencement du regne du roi Charles II, il femble que ce prince n'ait fongé qu'à fe dédommager des fatigues, qu'il avoit effuyées pendant

fon exil, par une vie voluptueufe & efféminée : &, pourvu que fes parlemens lui accordaffent de l'argent pour récompenfer fes maîtreffes, & les miniftres de fes plaifirs, je ne vois pas qu'il fe foit beaucoup mis en peine du refte. Quelque temps après, comme il s'apperçut que le peuple Anglois commençoit à lui manquer de complaifance, & même à défapprou ver fa conduite, il eft certain qu'il afpira ouvertement à la puiffance arbitraire; &, pour y parvenir, il fe fervit des mêmes moyens, qui avoient fi mal réuffi à fon pere, & à fon grand-pere. Il fema & fomenta foigneufement la divifion parmi fes fujets. Il combla de fes bienfaits les Torys, ou les plus zélés partifans de la royauté & de la hiérarchie de l'église, & les mit feuls dans les emplois. Ceux au contraire qui s'oppoferent aux mefures arbitraires de la cour, & à qui on commença alors à donner le nom de Whigs, furent regardés comme des gens mal-intentionnés, & comme des républicains, & on tâcha par toutes fortes de voies de les opprimer. Les loix pénales furent exécutées avec beaucoup de rigueur contre ceux des proteftans, qui ne fe conformoient pas au culte de l'église anglicane au-lieu que les catholiques trouverent de l'appui, & furent careffés & diftingués par le roi, & par le duc d'York fon frere. Les villes du royaume, qui ne choififfoient pas leurs députés pour le parlement au gré de la cour, furent attaquées fur l'abus qu'on prétendoit qu'elles faifoient de leurs privileges; &, quoiqu'elles puffent alléguer en leur défenfe, elles furent condamnées à perdre leurs anciennes chartres, & obligées d'en prendre d'autres, par lesquelles le roi espéroir de fe rendre maître du choix des magiftrats, dont les élections des membres du parlement dépendent le plus. En un mot, ce prince, qui à fon avénement à la couronne avoit trouvé les Anglois d'une complaifance à ne lui faire difficulté sur rien, les fut tellement irriter & aliéner par fa tonduite, & particulièrement par la partialité, qu'il avoit témoignée en faveur de quelques-uns de fes fujets au préjudice des autres, que la fin de fon regne ne répondit nullement au commencement; & les Whigs, qui étoient alors le parti maltraité & mécontent, furent fi bien prévenir l'efprit de la nation contre le gouvernement de Charles, & lui fufciterent tous les jours tant d'embarras, que fa royauté lui devint, pour ainfi dire, à charge. Il le témoigna quelquefois lui-même, & s'apperçut, quoiqu'un peu tard, qu'il avoit été la dupe des confeils violens du duc d'York, & du parti catholique. On dit même, qu'il déclara affez hautement vers le temps que mylord Ruffel fut décapité, que la févérité, qu'on avoit exercée contre ce feigneur & quelques autres, lui avoit déplu, qu'il étoit résolu de changer de mefures, & qu'il tâcheroit de fe mettre à fon aife, comme il s'exprimoit, pour le refte de fa vie. Ce qu'il eut fait, s'il avoit vécu plus long-temps, eft incertain, mais on croit communément, que fon deffein étoit de se rendre populaire à l'avenir, en fe conduifant comme le pere commun de tous fes fujets, & en mettant dans les emplois du gouvernement ceux qu'il

« السابقةمتابعة »