être pas tout-à-fait deftituée de fondement. On tient communément que le bled vieux n'eft pas propre à être femé. Je crois en effet qu'il l'eft moins que le nouveau : cependant j'ai éprouvé & vu éprouver même en grand, que le bled vieux peut réuffir, fi l'on a eu attention de le conferver en bon état; ce qui n'empêche pas que je ne préféraffe le nouveau quand la chofe feroit à ma difcrétion. M. du Hamel n'a pas voulu s'en tenir à des préjugés, il a fait plufieurs effais pour s'éclaircir & pour pouvoir éclairer fes lecteurs. Il mit dans une même étuve à part une petite quantité de froment vieux & nouveau, pour éprouver à quel degré de chaleur l'un & l'autre perdroient la propriété de germer; il en fema, qui avoit éprouvé 12 degrés & de chaleur d'autre qui avoit éprouvé 38 degrés, d'autre qui en avoit éprouvé 51. Dans tous ces cas le nouveau leva, mais le vieux ne parut point. Ceci fe trouve dans le Mémoire lú à l'Académie royale des fciences de Paris, le 13. Novembre, 2745. M. du Hamel fit dans la fuite d'autres expériences. En confidérant que la germination des Grains eft probablement l'effet ou la fuite d'une fermentation intérieure, & que cette fermentation pouffée à un certain degré, eft auffi une caufe prochaine de l'altération qu'on craint & dont on cherche à fe garantir; il lui paroiffoit naturel d'en conclure que l'étuve feroit un moyen bien für de conferver les fromens, fi elle détruifoit en eux la propriété de germer. Certaines expériences fembloient favorifer cette conféquence. Au bout de trois ans le froment a prefque perdu la propriété de germer, & il eft alors beaucoup plus aifé à conferver que le bled nouveau. Il effaya donc fi l'étuve employée fur du froment nouveau, ne le dépouilleroit point de cette qualité. Il fema, dans cette vue, 16 Grains de froment non étuvés, le 28 de Mars; premier Juin fuivant il n'y en eut que 7 de levés, ce qui montroit que la moitié de ce bled & même plus, n'étoit pas propre à germer. On mit de ce même froment dans des affiettes, à la moitié de la hauteur de l'étuve, & le thermometre fut fufpendu à cette même hauteur. Quand la liqueur fut montée au 40°. degré, on tira le froment de l'étuve, on en fema 16 Grains le 2e. Avril; le 10. de Juin il s'en trouva y de levés; d'où il fuit que ce degré de chaleur ne fait point de tort aux germes. Le même froment ayant refté 48 heures dans l'étuve, on en fema 16 Grains le 4. Avril, & le 10. Juin on en trouva cinq de levés ; & comme de celui qu'on n'avoit pas étuvé, il n'en étoit levé que 7 fur 16, on peut en conclure que le froment de l'épreuve dont il s'agit, n'avoit pas fouffert une grande altération pour avoir été mis trois fois 24 heures dans l'étuve échauffée à 40 degrés. Le même froment ayant été remis à l'étuve, on augmenta la chaleur jufqu'à 55 degrés; alors on en tira un peu pour en femer 16 Grains; le 10. Juin, on en trouva 4 de levés; on le laiffa dans l'étuve 3 fois 24 heures; on en fema le 7. Avril 16 Grains; le 10 de Juin on en trouva trois de levés. Enfin, comme pendant toutes ces expériences, il y avoit du froment dans les tuyaux de l'étuve, on en prit au hafard 16 Grains qu'on sema le 7. Avril; le 10e Juin il y en avoit cinq de levés. On voit par toutes ces expériences qu'un degré de chaleur qui auroit fuffi pour faire durcir des œufs, n'a pas été fuffifant pour détruire tous les germes du froment, quoiqu'il retarde beaucoup la germination. De tout ce qu'on vient de dire, il en résulte que l'étuve, fi elle affoiblit les germes, ne les détruit cependant pas entierement; que le temps tout feul leur fait plus de mal que l'étuve, & qu'avant que de jeter en terre une grande quantité de bled vieux, il convient d'effayer en petit ce qui pourra en réfulter; qu'en faifant l'expérience, il eft à propos d'imiter M. du Hamel, & de compter les Grains qu'on mettra en terre, pour savoir au jufte combien il en périt & combien il en refte; au lieu qu'on fe contente d'en jeter fans attention des poignées en terre, qui ne laiffent pas de lever épais, parce qu'on en feme beaucoup trop & que peut-être il s'en perd beaucoup. Je reviens à mon fujet. Après les expériences rapportées, je penfe qu'on n'hésitera pas à croire que le froment étuvé ne foit en état d'être confervé fort long-temps, fi on le renferme dans un lieu qui ne l'expofe pas à contracter de nouveau quelque humidité; ce qui pourroit arriver affez facilement, mais dont on peut fe garantir très-aifément auffi. Cependant quand vous l'aurez placé dans un lieu fec & aéré, il ne fera pas encore à l'abri de tout inconvénient; les fouris & les rats en confument beaucoup. Certains infectes y font encore plus de dommage; tels que les vers ou teignes, les charanfons & une espece de chenille très-commune dans l'Angoumois que nous avons le bonheur de ne pas connoître ici, fans parler des oifeaux ou d'autres animaux qui pourroient s'introduire dans les greniers par la négligence des propriétaires: c'eft leur faute s'ils n'y pourvoient. Pour commencer par les plus gros, qui font les fouris & les rats, il eft certain qu'ils font très-dommageables, & que toute la diligence imaginable ne fauroit en préferver tout-à-fait les greniers. Ils ont des ennemis qui leur font une guerre continuelle & qui ne les épargnent pas, ce font les chats; mais en leur laiffant une entrée dans les greniers, il peut arriver qu'on les ouvre à d'autres animaux, comme feroient les poules; & d'ailleurs les chats eux-mêmes en y faifant leurs ordures ne font guere moins dommageables. On a inventé des pieges ou des trappes de différentes efpeces pour les furprendre; on emploie des appâts empoisonnés pour les faire périr; mais ils font moins efficaces dans un grenier rempli de bon Grain, que par-tout ailleurs ces animaux ne quitteront pas une bonne nourriture pour s'attacher au poifon qu'on leur à préparé. Tous ces diffé a rens moyens ne font pas fans utilité, tous operent jufqu'à un certain point, mais ils ne peuvent pas en détruire la race. Après qu'on s'en eft débarraffé pour un temps, ils reparoiffent bientôt; on feroit heureux fi on pouvoit venir à bout d'en dégarnir un grenier pour toujours. Les infectes font peut-être encore plus nuifibles: quand ils fe font une fois emparés d'un grenier, ils s'y multiplient prodigieufement, & ils font par leur grand nombre ce qu'on ne devroit pas, ce semble, craindre d'animaux fi petits. Quand l'air eft fort chaud, on voit quelquefois voltiger aux fenêtres des greniers quantité de papillons gris; les mâles s'accouplent avec les femelles, & celles-ci vont dépofer leurs œufs fur le tas de froment. Il fort de ces œufs un petit infecte du genre des teignes, qui a une tête écailleuse, deux ferres & fix pattes. Elles habitent dans le tas du froment & s'en nourriffent; elles filent certaine foie fur-tout lorfqu'elles font prêtes à fe changer en chryfalides, & cette foie joint tellement les Grains de froment les uns avec les autres, qu'ils forment une espece de croute affez folide, qui a trois ou quatre pouces d'épaiffeur; fi on la rompt elle forme des efpeces de mottes ou de gâteaux dans lesquels on trouve des Grains dont la farine a été mangée, on y voit auffi des teignes en vie ou des chryfalides fuivant la faifon; d'autres fois on n'y trouve que des fourreaux vuides. Le défordre qu'elles caufent se borne à la croute dont nous venons de parler; & quoiqu'elle n'ait que trois ou quatre pouces d'épaiffeur, cela fait un déchet confidérable. Et ce n'eft pas le feul tort qu'elles font au froment; elles alterent encore le bon Grain, en lui communiquant une mauvaise odeur que l'on appelle l'odeur de la mite. Les charanfons font des infectes du genre des fícarabées; ils font plus pernicieux que les vers ou teignes dont nous venons de parler. Ils fe nourriffent auffi de froment dont ils font une grande confommation, mais fans lui communiquer de mauvaise odeur. Ils s'engourdiffent par le froid, qui ne les tue cependant pas; j'ai éprouvé qu'ils peuvent refter toute une nuit dans l'eau fans en mourir, la chaleur les a bientôt entiérement rétablis. Ils peuvent vivre long-temps fans manger, & il y a lieu de préfumer que cet infecte fe nourriroit de la chair des animaux. Car ceux qui couchent près des greniers où il y a des charanfons, éprouvent que leur morfure eft plus incommode que celle des puces; il eft probable auffi qu'ils mangent les teignes, car on n'en voit point ordinairement dans les greniers où il y a beaucoup de charanfons. On remarque dans les baffes-cours que les poules qui ont mangé beaucoup de charanfons en meurent, & on affure que ces animaux qui ont la vie fort dure, leur percent le jabot. On a cherché affez inutilement jufqu'ici des remedes ou des préservatifs contre ces inconvéniens, on a invité les phyficiens à exercer leur fagacité fur ce fujet, & jufqu'ici il n'a rien paru de tout-à-fait fatisfaifant. Ce n'eft pas qu'on n'ait propofé diverfes recettes, les unes contre les teignes, d'autres contre les charanfons, mais l'expérience n'a pas conftaté le fuc cès: cès on indiqua, il n'y a pas fi long-temps, la plante & la graine de Nummaria ou Nummularia, monnoiere, comme un remede fûr contre les teignes; je l'effayai bientôt après, mais fans en remarquer aucun effet; il fe peut an refte que je ne l'aie pas employée dans le temps & fuivant la maniere de l'auteur. On confeille contre les charanfons le thlafpi, l'hieble & autres plantes d'une odeur forte; on a prétendu que l'odeur du foin nouveau, fur-tout quand il fait fa fueur, pourroit les expulfer. Je ne voudrois pas nier qu'elle ne pût opérer un bon effet; mais ce moyen ne me femble guere praticable; je crois avoir éprouvé qu'une autre odeur peut produire le même effet ; mais l'expérience n'a pû être réitérée, je n'ai pu être préfent tout le temps qui s'eft employé à la faire; peut-être auffi feroit-elle du mal au Grain; n'étant pas fûr de fon utilité, je ne veux pas même l'indiquer ici. On a effayé la fumée du fouffe, qui en effet les fait périr; mais on trouve qu'elle décolore le Grain, lui donne certaine odeur qui en empêche la vente, & que la pâte faite d'un tel Grain ne leve pas facilement. M. du Hamel a luimême effayé d'enfermer des charanfons dans une caiffe enduite d'efprit de thérébentine; cette odeur fi pénétrante ne les détruifit pas. Il a eu auffi la curiofité de faire brûler dans une étuve, où l'on avoit mis du bled charanfonné, du charbon de forge; la vapeur qui s'en exhale feroit capable de faire mourir, & même en affez peu de temps, un homme robufte; elle n'eut cependant pas prife fur les charanfons. Je ne crois pas devoir rapporter tous les moyens dont on confeille l'ufage pour faire périr cette malheureuse engeance; mais je ne dois pas oublier une chofe qu'on trouve dans les Mémoires de la fociété écon. de Berne, que pour faire périr ou écarter les charanfons, il faut avoir la précaution, en engrangeant les gerbes, de les poser debout ou fur la maffe, de répandre fur les épis de chaque couche de gerbe du fel pilé & féché, quatre livres fur 100 gerbes, d'en mettre auffi fur le bled battu & vanné en le ferrant dans le grenier. La dofe doit être de + liv, fur un fac. On remarque que ce Grain femé germe avec une vigueur extraordinaire, & que la paille ainfi falée devient plus appétiffante pour les beftiaux. M. du Hamel penfe que l'étuve eft le meilleur moyen de détruire ces infectes pernicieux; que les teignes ne réfiftent pas à un médiocre degré de chaleur; que le charanfon a la vie fans comparaison plus dure, & qu'il faut échauffer l'étuve jufqu'à ce que la liqueur du thermometre monte à plufieurs degrés plus haut qu'elle n'eft à celui qui fuffit pour détruire les teignes; le même moyen a réuffi pour faire périr la chenille d'Angoumois. Ce ne feroit pourtant pas affez d'en avoir purgé les greniers une fois, il peut en revenir d'ailleurs, & ce feroit à recommencer. Pour en empêcher le retour, le même M. du Hamel a imaginé des greniers qui, dans un espace plus petit, peuvent contenir la même quantité de Grain qu'on peut placer dans les greniers ordinaires les plus vaftes, parce qu'on peut donner au bled beaucoup plus de profondeur fans craindre qu'il fermente & qu'il fe corrompe : il faut feulement qu'il repofe fur une voute ou fur un Tome XX. V v v plancher fi bien foutenu qu'il ne cede pas au poids dont on le chargera, & que l'air qu'on y introduira puiffe le pénétrer du bas au haut. Il appelle ces petits bâtimens greniers de confervation, & ceux où l'on renferme le Grain en fortant de le vanner & de le battre, greniers de dépôt. Quand on confidere que dans un grenier ordinaire, on ne peut donner au froment guere plus de 18 pouces de profondeur; que tout autour du tas, il faut laiffer un trottoir d'une certaine largeur, foit pour pouvoir en faire le tour commodément lorsque le befoin le demandera, foit parce que c'eft le long des murailles & dans l'endroit où elles joignent le plancher, que les fouris font leur trou, & où il tombe le plus d'ordure de l'étage fupérieur; fi on ajoute à cela que le froment forme néceffairement un talut qui diminue encore l'efpace qui devroit contenir du Grain; on ne doit pas trouver étrange qu'un grenier de confervation qui n'auroit que 12 pieds de côté fur 6 de profondeur, n'en contienne guere moins qu'un grenier ordinaire qui auroit 40 pieds de long fur 20 de largeur. Pour conftruire ces caiffes on n'eft pas lié à de certaines dimenfions, ni aftreint à certaine figure; on doit régler les unes fur la quantité de bled qu'on veut y renfermer, & l'autre fur l'emplacement qu'on veut lui donner ce qui eft abfolument néceffaire, c'est que le bâtiment foit folide & qu'il puiffe foutenir fans céder, le poids du Grain qu'on y logera; que le plancher fur lequel on le pofera foit élevé de terre, pour qu'il foir plus exempt d'humidité; que le bois dont on le fait foit très-dur, afin que les fouris ne puiffent le creufer; qu'il foit fort fec, crainte qu'en fe féchant il ne fe refferre; mais le plus néceffaire eft que toutes les pieces en foient jointes très-exactement, tout comme s'il étoit deftiné à renfermer quelque liqueur; c'est par l'exactitude des joints qu'il deviendra inacceffible aux plus petits infectes, ce qui étoit une des principales vues de l'illuftre inventeur. Il en avoit encore une autre, c'eft de pouvoir éventer le froment quand on voudroit, & il croit le renouvellement de l'air fort néceffaire à la confervation du Grain. Un tas de froment eft bien éloigné d'être une maffe folide; les Grains qui le compofent, laiffent entr'eux des interftices affez confidérables, qui font remplis d'air. Il s'eft donné la peine de fupputer la proportion qu'il y a entre le plein & le vuide; il a trouvé que c'étoit à peu près celle de 11 à 3, & le célébre M. Hales juge que le vuide eft environ la 7. partie du tout. Cet air, au jugement de M. du Hamel, a befoin d'être renouvellé de temps en temps, fans quoi il pourroit lui nuire: dans cette vue il adapte à fes caiffes un double fond, un auffi folide que le refte, fermant exaЯement par-tour, un fecond à jour composé de tringles épaiffes de deux pouces ou plus, qui fe croifent les unes les autres & forment une espece de treillis, fur lequel on étend un drap de crin. Entre les deux fonds eft un efpace vuide, dans lequel on puiffe introduire le tuyau d'un foufflet placé en-dehors de la caiffe, à une diftance convenable; on fait jouer le foufflet, il porte une grande quantité d'air dans |