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amie des régions plus éclairées, choisissait d'ordinaire pour lieu de ses apparitions le sud de la Grande-Bretagne et la France, et envahissait parfois l'ardente patrie du Tasse et du Boiardo.

Historiquement, le gnome était Scandinave d'origine; le lutin était Écossais; le sylphe était Anglais; la fée était Celte.

Célébré par les poëmes de l'Edda et par certaines ballades germaniques sous le nom de Kobold, le gnome hantait l'intérieur des montagnes et se fourrait dans les mines. Trèsexclusif dans ses affections, il exigeait une amitié absolue du mineur qu'il daignait protéger. Si celui-ci était fidèle, il lui indiquait les plus riches filons, mais il punissait la moindre trahison avec une impitoyable rigueur. Voulant être uniquement aimé, le gnome aimait uniquement. Son favori excepté, il avait pour tout le genre humain la haine perfide de Caliban. Je n'en veux pour preuve que la mort de Svegder, quatrième roi de Norwège, racontée par le barde Théodolf. Svegder avait juré de faire un pèlerinage à la cour de son ancêtre Odin. Afin d'accomplir ce vœu, il prit pour escorte les douze plus braves chevaliers de son royaume, et se dirigea avec eux vers les déserts de la Grande-Scythie, dans la direction que lui indiquaient les cartes routières d'alors. Il faut croire que ces cartes n'étaient pas bonnes; car le roi erra pendant cinq ans sans pouvoir atteindre son but. Cependant, un jour, en chevauchant vers l'Est, il aperçut à l'horizon quelque chose qui ressemblait à une montagne. Aussitôt, il piqua des deux et galopa en avant de ses compagnons. A mesure qu'il approchait, les linéaments de la montagne prirent sous ses yeux une forme architecturale. Les principaux pics devinrent des tours; les crêtes devinrent des créneaux; les crevasses devinrent des fenêtres; la caverne principale devint un porche colossal. Quand Svegder arriva, la montagne était

un château. Plus de doute, le roi avait enfin trouvé le palais d'Odin. Il donne du cor pour annoncer sa venue. Un nain paraît au seuil de la grande entrée. Est-ce ici la demeure du dieu Odin? demande Svegder. - C'est ici, seigneur. Qui annoncerai-je? - Son descendant, le roi de Suède. — Et le nain introduisit le roi. — Cependant les douze chevaliers qui escortaient Svegder et qui le suivaient de loin commençaient à s'inquiéter de ne plus le voir. Ils pressent leurs chevaux dans la direction qu'il a prise, et arrivent, haletants, à l'endroit même où leur roi venait de s'arrêter. Ils étaient au pied d'un rocher énorme. Les chevaliers appelèrent leur maître, ils le cherchèrent partout. Mais ce fut en vain. Et quand, de désespoir, ils repartirent, ils entendirent derrière eux l'immense éclat de rire du gnome qui avait gardé le roi dans sa montagne.

Le gnome n'aimait qu'un homme; le lutin n'aimait qu'une famille. Il était pour cette famille une sorte de dieu Lare. D'après la description minutieuse qu'a donnée de lui un savant écossais, M. Cromek, le lutin était tout petit; il avait les cheveux bouclés, et portait un manteau brun, orné d'un capuchon de même couleur, qui lui descendait jusqu'au genou. Il gardait le même manteau toute sa vie, et, comme il vivait plusieurs siècles, on conçoit qu'à un moment donné, il avait des trous au coude. N'importe, le lutin se drapait dans sa loque avec une fierté digne de Diogène. Un jour, une riche ménagère, voyant son esprit familier si pauvrement mis, eut l'idée charitable de lui offrir un pardessus bien chaud et bien élégant. Elle le fit de ses propres mains, et, le soir venu, le déposa soigneusement dans le coin favori de son cher hôte. Puis elle se retira discrètement pour le laisser s'habiller. Le lutin vint à son heure habituelle, mais, en voyant le nouvel habit, il fut profondément mortifié. Il poussa un gros soupir, et, jurant

de ne plus revenir chez son impertinente bienfaitrice, il partit en murmurant ces vers mélancoliques :

A new mantle, and a new hood!

Poor Brownie! ye'll ne'er do mair gude.

<< Un manteau neuf! un capuchon neuf! Pauvre lutin! vous n'êtes plus bon à rien. »

Le lutin, on le voit, voulait n'être aimé que pour luimême. Une aventure du même genre était arrivée jadis dans le comté de Dumfries. Un lutin demeurait depuis trois cents ans au manoir de Liethin Hall. Ordinairement, on ne voyait de lui que sa petite main, et ce n'était que dans les grandes occasions, pour rendre hommage aux seigneurs à leur avénement, qu'il se montrait tout entier. Dans le courant du quinzième siècle, il s'était attaché particulièrement à un de ces seigneurs qu'il avait vu successivement enfant, adolescent, jeune homme, homme mûr et enfin vieillard. Lorsque la fin de celui-ci approcha, le lutin, qui la voyait venir, fut pris d'un véritable chagrin : il ne touchait plus à rien de ce qu'on laissait pour lui dans l'office. Le matin, quand on rangeait l'appartement, on retrouvait intact son souper, jadis dévoré de si bon appétit. Le morceau de pain blanc était tout sec, et la jatte de lait toute pleine. Toute la nuit on l'avait entendu pousser des cris plaintifs. Cela dura ainsi jusqu'au jour où le vieux seigneur mourut. Alors, le manoir resta quelque temps sans maître. Celui qui en héritait était un arrière-neveu du défunt, un jeune homme que personne au logis ne connaissait et qui était en voyage. A son arrivée, tous les vassaux s'empressèrent de venir lui faire hommage, et parmi eux le petit lutin. En voyant cet être chétif, maigri par un long jeûne et affublé d'un vieil habit à la mode de son trisaïeul, le

nouveau seigneur ne put retenir un éclat de rire et commanda tout haut qu'on habillât son lutin à neuf. Mais l'offense était irréparable, et le lutin sortit en jetant au jeune laird cet adieu sinistre :

Ca, cuttie, ca!

A the luck o Liethin Ha!

Gangs with me to Bodsbeck Ha!

« Ah! c'est fini! Tout le bonheur de Liethin Hall part avec moi pour Bodsbeck Hall. »

La prédiction se réalisa vite. Peu de temps après, le manoir de Liethin Hall tombait en ruine, et le lutin qui l'avait abandonné apportait le bonheur au château rival de Bodsbeck.

On vient de voir qu'un souper était préparé pour le lutin. C'était là en effet un usage immémorial dans toutes les familles d'Écosse et même d'Angleterre. Le lutin ne voulait pas d'autre salaire pour son service. Il travaillait toute la nuit, nettoyait la maison, balayait l'escalier, lavait la vaisselle, rangeait les meubles. Quand il avait faim, il grignotait son pain; quand il avait soif, il buvait son lait ; et, pourvu que le pain fût bien blanc et le lait bien pur, il était content. Mais malheur aux ménagères si le repas était défectueux ! Il était une fois un lutin qui demeurait dans une ferme des environs d'Édimbourg. Le fermier, étant devenu veuf, épousa en secondes noces une paysanne qui était d'une parcimonie exemplaire. Dès son entrée en ménage, la nouvelle mariée résolut d'opérer des réformes qui lui parurent indispensables, et, pour commencer, elle crut pouvoir modifier la pitance du lutin. Le soir de ses noces, le moment étant venu de préparer le souper de ce «< petit glouton », la paysanne ramassa sous la table une queue de hareng et un morceau de pain bis dont le chien n'avait pas voulu, et mit ces deux

restes sur une assiette, à la place où d'habitude étaient déposés le morceau de pain blanc et la jatte de lait. Cela fait, elle monta triomphalement dans la chambre nuptiale.

Cependant, la nuit était déjà avancée, les deux mariés étaient au lit, et l'époux, ayant consciencieusement rempli ses devoirs, commençait à ronfler d'une façon édifiante, quand l'épouse qui ne dormait pas encore, entendit un sifflement partir de la salle d'en bas. A ce sifflement un second sifflement répondit, puis un troisième, puis un quatrième, puis vingt, puis trente, puis cent. Tous ces sifflements, partis de différents points, semblaient venir des maisons voisines et se répondre les uns aux autres. Il se fit un silence de quelques minutes. Après quoi, la paysanne, toujours au guet, entend une rumeur dans l'escalier. Effrayée, elle appelle son mari, le secoue, le pince. Impossible de le réveiller! Que faire? La jeune femme se jette à bas du lit pour verrouiller la porte. Mais au moment où elle touche la serrure, elle se sent saisie, aux cheveux, aux bras, aux jambes, par mille petites mains qui la serrent avec une force irrésistible. La malheureuse est ainsi traînée jusqu'au bas de l'escalier, où elle reste toute meurtrie, tandis qu'une foule de voix lui cornent aux oreilles ce refrain qu'elle n'a jamais oublié :

Brown bread and herring cobb !

Thy fat sides shall have many a bob.

« Du pain bis et une queue de hareng! Tes grasses hanches auront bien des bobos. >>

La leçon était trop bonne pour ne pas profiter. La ménagère se rappela toujours la nuit de ses noces ; et désormais, lorsqu'il s'agit d'apprêter le souper du lutin, il n'y avait jamais de pain assez blanc ni de lait trop pur.

On le voit, le lutin avait de la rancune. Mais, au fond, il

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