THÉSÉE. Je veux entendre cette pièce : - car il n'y a jamais rien de déplacé dans ce que la simplicité et le zèle nous offrent. Allez, introduisez-les. Et prenez vos places, Mesdames. - HIPPOLYTE. Sort Philostrate. - Je n'aime pas à voir l'impuissance s'excéder, - et le zèle succomber dans ses efforts. THÉSÉE. Mais, ma charmante, vous ne verrez rien de pareil. HIPPOLYTE. Il dit qu'ils ne peuvent rien faire en ce genre. THÉSÉE. - Nous n'en aurons que plus de grâce à les remercier de rien. Notre plaisir sera de reprendre leurs méprises: là où un zèle malheureux est impuissant, une noble bienveillance considère l'effet et non le talent. Pendant mes voyages, il est arrivé que de grands savants ont voulu me saluer par des compliments prémédités : -alors, je les voyais frissonner et pâlir, s'interrompre au milieu des phrases, étrangler dans la crainte leur et, pour conclusion, s'arrêter court - sans m'avoir fait leur compliment. Croyez-moi, ma charmante, - ce compliment, je le recevais de leur silence même. Et la modestie du zèle épouvanté m'en dit tout autant que la langue bavarde d'une éloquence audacieuse et effrontée. - L'affection et la simplicité muettes sont celles qui, avec le moins de mots, parlent le plus à mon cœur. voix exercée, - Entre PHILOSTRATE. PHILOSTRATE. S'il plaît à Votre Altesse, le prologue est tout prêt. Si nous déplaisons, c'est avec intention... De vous persuader... que nous venons, non pour vous déplaire, Mais bien avec intention... de montrer notre simple savoir-faire, Voilà le vrai commencement de notre fin. Considérez donc que nous ne venons qu'avec crainte Et sans nulle idée de vous satisfaire... Nous ferons tous nos efforts... Pour vous charmer Les acteurs sont tout prêts; et leur jeu Vous apprendra ce que vous devez apprendre. THÉSÉE. Ce gaillard-là ne s'arrête pas à la ponctuation. LYSANDRE. Il a monté son prologue comme un poulain sauvage, sans savoir l'arrêter. Bonne leçon, Monseigneur! Il ne suffit pas de parler, il faut bien parler. HIPPOLYTE. Oui, vraiment, il a joué sur son prologue comme un enfant sur un flageolet. Des sons, mais pas de mesure. THÉSÉE. Son speech a été comme une chaîne embrouillée : tous les anneaux y étaient, mais en désordre. Qu'avons-nous ensuite? Entrent PYRAME et THISBÉ, LE MUR, LE CLAIR DE LUNE et LE LION, comme dans une pantomime. LE PROLOGUE. Gentils auditeurs, peut-être êtes-vous étonnés de ce spectacle ; Cet homme, avec son plâtre et sa chaux, représente C'est à travers ses fentes que ces pauvres âmes sont réduites Cet homme, avec sa lanterne, son chien et son fagot d'épines, Cette affreuse bête qui a nom lion, Une nuit que la confiante Thisbé arrivait la première, La fit fuir de peur, ou plutôt d'épouvante. Comme elle se sauvait, Thisbé laissa tomber son manteau Que cet infâme lion souilla de sa dent sanglante. Bientôt arrive Pyrame, un charmant jeune homme, très grand ; Il trouve le cadavre du manteau de sa belle. Sur quoi, de son épée, de sa sanglante et coupable épée, Sortent le Prologue, Thisbé, le Lion et le Clair de Lune. Je me demande si le lion doit parler. DÉMÉTRIUS. Rien d'étonnant à cela, Monseigneur; un lion peut bien parler, quand il y a tant d'ânes qui parlent. LE MUR. Dans cet intermède, il arrive Que moi, dont le nom est Groin, je représente un mur, Orné de lézardes ou de fentes, A travers lesquelles les amants, Pyrame et Thisbé, Se sont parlé bas souvent très-intimement. Cette chaux, ce plâtras et ce moelion vous montrent Et c'est à travers ces fentes-ci qu'à droite et à gauche Le Mur allonge un bras en écartant les doigts. Peut-on désirer que de la chaux barbue parle mieux que ça ? DÉMÉTRIUS. C'est la cloison la plus spirituelle que j'aie jamais entendue parler, Monseigneur. THÉSÉE. Voilà Pyrame qui s'approche du Mur. Écoutons. Entre PYRAME. PYRAME. O nuit horrible! ô nuit aux couleurs si noires! O nuit qui es partout où le jour n'est pas ! O nuit! ô nuit! hélas! hélas ! hélas ! Je crains que ma Thisbé n'ait oublié sa promesse ! Et toi, ô Mur, ô doux, ô aimable Mur, Qui te dresses entre le terrain de son père et le mien, Montre-moi ta fente que je regarde à travers. Le mur étend la main devant Pyrame en écartant les doigts. Merci, Mur courtois ! Que Jupiter te protége! Mais que vois-je ? je ne vois pas Thisbé. O méchant Mur, à travers lequel je ne vois pas mon bonheur, THÉSÉE. Maintenant, ce me semble, c'est au tour du Mur, puisqu'il est doué de raison, à rendre à l'autre ses malédictions. PYRAME, s'avançant vers Thésée. Non, vraiment, Monsieur; ce n'est pas au tour du Mur. Après ces mots: m'avoir ainsi trompé, vient la réplique de Thisbé; c'est elle qui doit paraître, et je dois l'épier à travers le Mur. Vous allez voir, ça va se passer exactement comme je vous l'ai dit........... La voilà qui arrive. Entre THISBÉ. THISBÉ. O Mur, que de fois tu m'as entendu gémir De ce que tu me séparais de mon beau Pyrame ! PYRAME. J'aperçois une voix; allons maintenant à la crevasse, THISBÉ. Mon amour! c'est toi, je crois, mon amour? PYRAME. Crois ce que tu voudras; je suis Sa Grâce ton amoureux : THISBÉ. Et moi comme Hélène, jusqu'à ce que le destin me tue ! |