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Chacun, devenu libre, déploie sur la terre son irrésistible énergie et y porte le sceptre d'un vaste empire. Toutes les formes et tous les modes de la matière prêtent leur concours à l'omnipotence de l'esprit, qui, de la mine obscure, tire la pierrerie Vérité pour en illuminer son pacifique Paradis !

IX

>> Esprit, ma tâche est terminée. Tu possèdes la science. Les prodiges de la terre sont à toi, avec toute la crainte et tout l'espoir qu'ils contiennent. Mes charmes sont épuisés, et voici le présent qui reparaît. Hélas! le bras réparateur de l'homme a encore à soumettre bien des déserts inexplorés.

>> Pourtant, Esprit humain, poursuis bravement ta route. Que la vertu t'enseigne à traverser fermement les sentiers graduels du progrès en ascension! Car la naissance et la vie, la mort et cet étrange état où l'âme nue n'a pas encore trouvé sa demeure, tendent tous au bonheur complet. Tous poussent dans le chemin les roues infatigables de l'être, dont les rayons étincelants, animés d'une vie infinie, brûlent d'atteindre le but prédestiné. Car la naissance ne fait qu'éveiller l'âme à la sensation des objets extérieurs, pour que leurs formes inconnues ajoutent à sa nature de nouveaux modes de passion. La vie est pour elle l'état d'action, et elle Ꭹ trouve amoncelée la réserve de tous les événements qui font la variété de l'éternel univers. La mort est une porte sinistre et ténébreuse qui mène aux îles azurées, aux nuées vermeilles, aux heureuses régions de l'impérissable espoir. Ainsi, avance sans crainte, ô Esprit ! Bien que la tempête ait brisé la primevère sur sa tige, bien que la gelée flétrisse la fraîcheur de ses pétales, l'haleine vivifiante du printemps doit de nouveau caresser la terre et nourrir de ses plus dou

ces rosées sa fleur favorite qui s'épanouit dans les bancs de mousse et dans les vallons sombres, éclairant le hallier de son radieux sourire.

» Ne redoute pas, Esprit, le bras ravisseur de la mort !... Ce n'est que le voyage d'une heure crépusculaire, la léthargie transitoire d'un sommeil interrompu ! La mort n'est pas l'ennemie de la vertu. La terre a vu les plus belles roses de l'amour s'épanouir sur l'échafaud, mêlées aux lauriers inflétris de la liberté, et attester l'évidence du bonheur rêvé. N'y avait-il pas en toi des pressentiments qu'a confirmés ce spectacle de l'existence successive et graduelle? L'attente d'un autre avenir ne faisait-elle pas palpiter ton cœur, alors que, te promenant par le clair de lune aux bras de Henri, tristement et doucement tu causais avec lui de la mort? Ah! voudrais-tu donc arracher de ton sein ces espérances, pour écouter lâchement les prédications d'un bigot, et te prosterner servilement sous le fouet tyrannique dont les courroies de fer sont rouges de sang humain?

>> Jamais! Reste inflexible, Esprit ! Ta volonté est destinée à soutenir une guerre incessante contre la tyrannie et le mensonge, et à sarcler du cœur humain les germes du malheur. C'est ta main pieuse qui doit adoucir l'oreiller épineux du crime infortuné, dont l'impuissance mérite un facile pardon. Tu dois veiller sur son délire comme sur la maladie d'un ami. Une fois armé du pouvoir et maître du monde, tu dois, d'un front calme, défier ses rages les plus furieuses et braver ses volontés les plus obstinées. Tu es sincère, bon, résolu, libre des froides entraves de l'usage qui dessèche le cœur ; tu as la passion sublime, pure et indomptable. Les vanités et les bassesses de la terre ne pourraient pas te vaincre. Tu es donc digne de la faveur que tu viens de recevoir. La vertu marquera la trace de tes pas dans les sentiers que tu auras foulés, et le jour de la lumineuse espérance éclairera ta vie sans tache qu'aura sanctifiée l'amour.

Pars heureux et va remettre en joie ce sein fidèle dont l'esprit guette dans l'insomnie pour saisir la lumière, la vie et l'extase au vol de ton sourire! »

La Fée agita sa baguette magique. Muet de bonheur, baissant en actions de grâces ses regards radieux, l'Esprit monta dans le char qui roula par-dessus les créneaux, traîné de nouveau par l'attelage enchanté. Les roues incandescentes brûlèrent de nouveau la pente à pic de la route inexplorée du ciel. Le chariot volait vite et loin. Les vastes globes enflammés qui tourbillonnaient autour de la porte du palais féerique s'amoindrirent par degrés. Ils n'avaient plus que la chétive scintillation des orbes planétaires qui, obéissant à la puissance du soleil, suivaient là-bas, avec une lumière empruntée, leur chemin raccourci. - Déjà la Terre flottait audessous. Le chariot s'arrêta un moment. L'Esprit descendit. Les coursiers infatigables refoulèrent le sol étranger, soufflèrent l'air grossier, puis, leur mission finie, déployèrent leurs ailerons aux vents du ciel.

Le Corps et l'Ame se réunirent alors. Un doux tressaillement agita le sein d'Yanthe. Ses paupières veinées s'ouvrirent doucement. Ses prunelles d'un bleu sombre restèrent quelque temps immobiles. Enfin, elle regarda autour d'elle avec étonnement; elle aperçut Henri qui, agenouillé en silence auprès de son lit, surveillait son sommeil d'un regard d'amour silencieux, et les étoiles lumineuses qui brillaient à travers la vitre.

FIN.

Saint-Denis. Typ. de Drouard et A. Moulin.

TABLE

DU TOME DEUXIÈME

Pages.

INTRODUCTION :

I. Le Monde invisible au seizième siècle. La Féerie.

II. Rapports de l'homme avec le monde invisible.
III. Système de Shakespeare.

LE SONGE D'UNE NUIT D'
D'ÉTÉ.

LA TEMPÊTE.

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7

La Magie.

42

78

89

179

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NOTES sur le Songe d'une nuit d'Été et sur la Tempête.

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APPENDICE :

La Reine Mab, poëme de Shelley, traduction nouvelle de F.-V.
Hugo.

SAINT-DENIS. TYPOGRAPHIE DE DROUARD ET A. MOULIN.

351

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