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<< on viendra s'enrôler à l'envi sous ses étendards, << quand on saura qu'il paie bien les services; et c'est << le parti qu'il faut prendre,si nous sommes encore sen<<sibles à la gloire de notre souverain. » Ce sentiment toucha tout le monde, et ne persuada que le roi ; mais ce prince dissimula; et craignant de trouver trop d'opposition, s'il se déclaroit dans le moment, il remit l'affaire à la huitaine. Le conseil se retira fort irrité contre Joinville, qui, jeune encore, avoit osé combattre l'avis de tant de fameux personnages vieillis dans les armes, consommés dans la politique. «Il est inutile << d'opiner davantage, disoit-on; Joinville veut qu'on << demeure: Joinville, qui en sait plus que tout le con<< seil du royaume de France. » Le plus sage lui parut de se taire; mais il eut peur d'avoir déplu au souverain. Le roi, qui le faisoit manger avec lui, ne le regarda point pendant tout le diner. Le malheureux sénéchal fut effrayé d'un silence qui, trop souvent, à la cour, annonce une disgrace prochaine. Dès que les tables furent levées, il se retira dans l'embrasure d'une fenêtre qui donnoit sur la mer. Là, tenant ses bras passés à travers les grilles, il se mit à rêver à sa mauvaise fortune. Déjà il « disoit en son courage, qu'il laisse<< roit partir le monarque, et s'en iroit vers le prince << d'Antioche son parent, lorsque tout-à-coup il sentit << quelqu'un s'appuyer sur ses épaules par derrière, et << lui serrer la tête entre les deux mains. » Il crut que c'étoit le seigneur de Nemours, qui l'avoit le plus tourmenté cette journée. « De grace, lui dit-il avec cha<< grin, laissez-m'en paix, messire Philippe, en male« aventure. » Aussitôt il tourna le visage; mais l'inconnu lui passa la main par-dessus. Alors il sut que c'étoit le roi à une émeraude qu'il avoit au doigt, et voulut se retirer, comme quelqu'un qui avoit mal parlé.

Vénez çà, sire de Joinville, dit le monarque en l'ar<< rêtant. Je vous trouve bien hardi, jeune comme << vous êtes, de me conseiller, sur tout le conseil des << grands personnages de France, que je dois demeu<< rer en cette terre. Si le conseil est bon, répondit « le sénéchal avec un petit reste d'humeur, votre ma

« jesté peut le suivre s'il est mauvais, elle est maî<< tresse de n'y pas croire.-Mais si je demeure en Pa<< lestine, ajoutale prince, Joinville voudra-t-il y rester << avec moi?-Oui, sire, reprit celui-ci avec vivacité, << fût-ce à mes propres dépens. » Le roi, charmé de sa naïveté, lui découvrit enfin que son dessein n'étoit pas de repasser sitôt en France: néanmoins il lui recommanda le secret. Cette confidence, dont le sénéchal étoit digne, rendit à ce seigneur toute la gaieté qu'il avoit perdue. «Nul mal ne le grevoit plus. » On l'attaquoit, il se défendoït; il rétorquoit-par des railleries celles qu'on lançoit sans cesse contre lui.

CONSCIENCE.

1.Un homme ne pouvant obtenir de son rapporteur

qu'il l'expédiât, s'avisa de lui dire que son procès le regardoit autant que lui-même. «Comment, dit le rap<< porteur ? Ai-je quelque intérêt à votre procès ? — « Plus que moi-même, ajouta le client; car il ne s'agit « pour moi que de mon intérêt, et pour vous de votre << conscience. » Cette réflexion frappa le juge, qui, peu de jours après, termina cette affaire.

2. Un homme condamné, pour vol domestique, à être pendu dans le village de la Marche, du ressort de Bar-sur-Aube, fut remis entre les mains de quatre archers, pour être conduit à Paris, par appel de son jugement. Au village de Guine-la-Putain, le condamné trouva le moyen de se dérober à la vigilance de ses gardes, qui, quelques recherches qu'ils fissent, ne purent découvrir le lieu de sa retraite. Les archers, arrivés à Paris sans leur prisonnier, sont écroués à la requête du procureur-général, qui les en rendoit responsables. On alloit travailler à leur procès, lorsque le criminel, ne pouvant étouffer les remords de sa conscience, se détermine à les délivrer aux dépens de sa vie, et, pour cet effet, à venir se constituer dans les prisons de la capitale. Qand il fut à la porte

Saint-Antoine, il demande le chemin de la Conciergerie il se présente enfin au guichetier, qui lui refuse l'entrée, et le traite d'insensé, attendu qu'il n'y avoit pas de jugement rendu contre lui. Alors ce malheureux lui déclare la nature de son crime, et la manière dont il s'est tiré d'entre les mains de ses gardes. Sur cette déposition, et sur la preuve parlante de son évasion, on lui fit la grace de l'emprisonner; et les archers lui ayant été confrontés, il avoua tout son délit, et fut reconnu pour l'homme qui leur avoit échappé. Cette action de probité, d'autant plus étonnante qu'elle partoit d'un homme qui devoit en paroître incapable, fut rapportée à M. le duc d'Òrléans, régent du royaume. Elle toucha ce grand prince, qui donna la grace du criminel, et une somme d'argent pour lui faire reprendre le chemin de son pays.

3. La conscience est pour les méchans un bourreau sans cesse armé de remords, et qui, dans tous les instans de la vie, fait sentir au scélérat combien ses traits sont poignans. Alexandre, tyran de Phères en Thessalie, peut fournir un terrible exemple de cette vérité. Cet homme féroce, cruel et sanguinaire, assistoit un jour à la représentation d'Erope, tragédie de Théodore. Pendant la scène la plus tendre, il sentit ses yeux se baigner de larmes : il entendit au fond de son cœur ce cri de la nature, qui lui repróchoit sa barbare inhumanité. Livré tout-à-coup aux plus tristes pensées, il se lève, il se retire, il fuit la compagnie des hommes. Le lendemain, rencontrant Théodore, il le fait approcher; et se condamnant lui-même, malgré lui : « Excusez-moi, lui dit-il, si j'ai quitté si « brusquement le théâtre ; ce n'est point par mépris, <«< ni pour vous offenser ; mais je n'ai pu m'empêcher « de rougir de ce qu'un acteur pouvoit m'inspirer de « la pitié, à moi qui n'en ai jamais eu pour mes con«< citoyens, pour mes sujets. » Voyez COMPONCTION REMORDS, REPENTIR.

2

CONSEIL.

sages

1.DEMETRIUS ÉMÉTRIUS de Phalère, exilé d'Athènes, avoit trouvé auprès du roi d'Egypte, Ptolémée-Philadelphe, un asile glorieux ; et ce prince le mit au nombre.de ses amis les plus intimes. Il méritoit celte faveur par ses vertus et les , avis qu'il donnoit au monarque. Ce qu'il lui recommandoit sans cesse, c'étoit de lire avec soin les livres qui enseignoient le grand art de regner. << Vous y trouverez, lui disoit-il, des cou<< seils que vos plus grands amis n'oseroient jamais << vous donner. »

2. Ne jugeons pas toujours de la bonté d'un conseil par l'événement: c'étoit la maxime de Phocion. Cet Athénien avoit donné à ses concitoyens un avis qui n'avoit point été goûté. L'affaire cependant, qui avoit passé contre son opinion, eut un succès favorable. « Eh bien, Phocion, lui dit quelqu'un, es-tu content « que la chose aille si bien?-Je m'en réjouis, répon<< dit-il; mais je ne me repens pas de ce que j'ai dit. »

3. Un jeune abbé, qui avoit du talent pour la chaire, demanda un jour à Despréaux ce qu'il falloit qu'il fit pour apprendre à bien prêcher. Le satirique lui conseilla d'aller entendre le P. Bourdaloue, et l'abbé Cotin, si impitoyablement ridiculisé dans ses vers. Le consultant surpris de voir mettre en parallèle l'abbé Cotin et Bourdaloue, s'écria : « Mais, monsieur, < comment l'entendez-vous ?et que puis-je apprendre << aux sermons de l'abbé Cotin?- Il faut pourtant que << vous l'entendiez, répliqua Despréaux. Le P. Bour«daloue vous apprendra ce qu'il faut faire; et l'abbé Cotin, ce qu'il faut éviter. »

4. Les Samnites, ces infatigables ennemis de la puissance romaine, avoient enfermé les légions de la république dans un défilé appelé les Fourges caudines; et ils délibéroient entre eux sur la manière dont ils useroient de leur fortune. Hérennius, vieillard que

son âge et sa profonde sagesse rendoient vénérable, leur conseilla de laisser aller les Romains en liberté sans leur faire aucun mal; mais cet avis fut aussitôt rejeté Le lendemain on le consulta encore sur le même sujet : « Il faut les massacrer tous sans exception, »> répondit-il. Les Samnites, étonnés de la prodigieuse différence qu'il y avoit entre ces deux avis, lui en demandèrent la raison. « Il faut, dit Hérennius, vous << attacher les Romains par un bienfait insigne et im<< portant, ou les affoiblir entièrement par une perte «< irréparable. » Les Samnites ne le crurent pas : ils voulurent prendre un milieu, et firent passer les Romais sous le joug; mais ils s'aperçurent bientôt que cet affront n'avoit fait qu'irriter le courage de ces guerriers redoutables ; et quelque temps après, ils éprouvèrent à leur tour l'ignominie dont ils avoient couvert les troupes ennemies.

5. Charles-Quint ayant formé le siège d'Alger, en 1541, s'aperçut bientôt des obstacles sans nombre qui s'opposoient au succès de ses armes. Incertain de réus

sir

par la force, il a recours à l'artifice : il envoie au vieil eunuque Hascen, gouverneur de la place, un gentilhomme adroit et très-éloquent, qui n'oublie rien pour l'intimider, ou pour le corrompre. Après qu'il a cessé de parler, le brave gouverneur le renvoie, en lui disant : «C'est être fou que de se mêler de conseil<«<ler son ennemi; mais c'est être encore plus fou que << de s'arrêter aux conseils qu'un ennemi donne. >>

6. Un satrape de Carie écrivit au philosophe Hippocratide, pour lui demander conseil sur une affaire qui le touchoit de près. « Un homme, lui marquoit-il, sa<< chant qu'on me tendoit des embûches,n'a osé me le « découvrir, craignant le ressentiment des conjurés. « Que dois-je lui faire ? » Hippocratide lui répondit : «Si cet homme a reçu de vous quelques bienfaits <«< faites-le mourir, comme coupable d'une noire ingra«titude; sinon, chassez-le de votre province, comme << un làche qui n'ose être vertueux. »

7. Le fameux Esope, fàché du mauvais accueil que Crésus, son protecteur, avoit fait à Solon, dit à ce phi

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