صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

nacée depuis quelque temps par les armes du redoutable Annibal. La discorde régnoit parmi les citoyens de cette ville. Le sénat étoit sans cesse opposé au peuple, qui vouloit abandonner les Romains, pour suivre la fortune de Carthage. On remarquoit sur-tout, parmi les partisans de cette république, un homme que sa naissance et sa valeur élevoient au-dessus de tous ses compatriotes. On l'appeloit Bondius. Il s'étoit singulièrement distingué à la bataille de Cannes, où, après ǎvoir immolé une foule de Carthaginois, il étoit tombé enfin sur un monceau de morts, le corps percé de mille traits. Annibal l'ayant trouvé dans cet état, avoit admiré son courage, l'avoit fait panser; etaprès avoir contracté avec lui la plus étroite amitié, il l'avoit renvoyé nonseulement sans rançon, mais encore chargé de riches présens. Bondius, de retour à Nole, et voulant marquer sa vive reconnoissance au général de Carthage, étoit un des plus ardens pour son parti. Il encourageoit le peuple; il le portoit perpétuellement à la révolte. Marcellus ne pouvoit se résoudre à perdre un homme si courageux, et qui tant de fois avoit exposé sa vie sous les drapeaux de Rome. Il résolut plutôt de le ramener par la douceur, et par des marques d'estime auxquelles les hommes braves et généreux sont toujours sensibles. Bondius étant donc un jour allé faire sa cour au général romain, Marcellus lui demanda qui il étoit. Il le connoissoit depuis long-temps; mais il vouloit trouver un prétexte pour entamer avec lui une conversation particulière. Bondius lui ayant dit son nom, Marcellus, comme ravi d'étonnement et d'admiration, s'écria: «Eh quoi! vous êtes ce fameux Bondius qui, « dans les plaines de Cannes, a signalé sa magnanime « bravoure par mille exploits héroïques, et qui seul fidelle au consul Paul-Emile a reçu sur son corps « la plupart des traits lancés à ce général? - C'est moi« même, répondit Bondius; et si vous en doutez, « voyez, s'écria-t-il en découvrant les cicatrices de ses « blessures, ces témoins parleront en ma faveur. « Mais dites-moi, méchant que vous êtes, reprit Marcellus, comment, après avoir donné de si grandes

[ocr errors]
[ocr errors]

«

<< preuves de votre attachement, n'êtes-vous pas venu << d'abord à moi ? Pensez-vous donc que les Romains soient assez ingrats pour ne savoir pas récompenser la vertu de leurs amis, eux qui savent si bien ho<<norer et estimer celle de leurs ennemis même ? » Après ces gracieuses paroles, qui furent accompagnées de beaucoup de caresses, il lui donne un beau cheval de bataille, avec une somme de deux cent cinquante livres. Depuis ce moment, Bondius servit comme de garde à Marcellus, et fut entièrement dévoué à ses intérêts. Comme il avoit été lié avec tous les mécontens qui étoient dans la ville, il les dénonça à Marcellus, et lui apprit que leur dessein étoit de fermer les portes, dès que les Romains seroient sortis pour marcher aux ennemis; de piller leurs bagages, et de se rendre aux Carthaginois. Marcellus, averti de cette conspiration, range ses troupes en bataille dans la ville même, place le bagage à la queue, et fait publier, à son de trompe, défense aux habitans de paroître sur les murailles. Cette solitude trompa Annibal, qui, voyant les murailles désertes, ne douta point qu'il n'y eût une grande sédition dans la ville; et, plein de confiance, il s'en approchoit avec moins d'ordre et de précaution. Dans ce moment, Marcellus commande qu'on ouvre la porte qui est devant lui; et sortant avec sa meilleure cavalerie, il charge de front l'ennemi, et l'enfonce. Un instant après, on ouvre une seconde porte. L'infanterie sort rapidement et avec de grands cris; et comme Annibal veut partager ses troupes, pour faire tête à ces dernières, on ouvre une troisième porte, et tout le reste des troupes sort en même temps, pour tomber sur l'ennemi déconcerté par cette irruption soudaine. Pour la première fois, Annibal recule devant les Romains; et ce triomphe de Marcellus est le fruit de sa douceur.

-6. Un insolent donna un coup de pied à Socrate. Le sage souffrit patiemment cet outrage; et comme ses amis lui reprochoient son insensibilité : « Que << vouliez-vous donc que je fisse, leur demanda-t-il ? Il falloit citer ce misérable en justice, et deman

<< der raison de cette insulte. - Quoi! reprit Socrate, «si un âne en passant, me donnoit un coup de pied, il faudroit donc aussi le traduire devant les tri« bunaux ? »

,

7. Nouschirvan, surnommé Kosrou, ou Chosroès, premier du nom, roi de Perse, avoit défendu à un des officiers de sa cour de paroître devant lui. Le jour étant venu auquel les rois de Perse avoient coutume de tenir leur cour plénière, ce qui arrivoit une fois tous les ans, cet officier disgracié se présenta pour donner la serviette. Chacun crut alors que cet homme avoit été rétabli en grace, et aucun des gardes ne se mit en peine de le faire retirer. Il prit si bien son temps pendant que le festin duroit, qu'il mit un plat d'or sous son bras avec lequel il disparut aussitôt. Nouschirvan seul s'en aperçut, et n'en témoigna rien. Les tables étant levées, celui qui avoit soin de la vaisselle d'or, voyant qu'il lui manquoit un plat, fit un fort grand bruit pour le trouver. Le monarque alors lui imposa silence, et lui dit : « Celui qui a pris <«<le plat ne le rendra pas, et celui qui le lui a vu « prendre ne le découvrira jamais. » L'année suivante, le même officier vint se présenter au festin royal, qui se faisoit selon la coutume; et Nouschirvan, qui l'aperçut, le faisant approcher de lui, lui demanda secrètement si l'argent qu'il avoit tiré de son plat étoit fini. L'officier, tout confus de ce que son vol avoit été découvert, se jeta aussitôt à ses pieds, et lui demanda pardon de sa faute. Alors le prince, usant de sa générosité et de sa douceur ordinaires, non-seulement la lui pardonna, mais le rétablit encore dans sa charge.

8. Ptolémée II du nom, fils de Lagus, surnommé Philadelphe, voulant éprouver un grammairien fort ignorant, lui demanda quel étoit le père de Pélée. Le grammairien, qui peut-être n'en savoit rien, répondit: << Prince, dites-moi auparavant quel est le père de « Lagus ? » Les courtisans du roi d'Egypte lui conseillèrent de punir l'insolence de cet homme. « Je «serois injuste si je le punissois, répondit le mo<< narque ; c'est moi qui l'ai attaqué le premier. »

9. L'empereur Antonin, surnommé le Pieux et lé Débonnaire, montra dans tous les temps de sa vie une douceur inaltérable et supérieure aux injures. Dans une famine, la populace, qui ne se connoît plus lorsque le pain lui manque, lui jeta des pierres. Antonin, au lieu de venger l'autorité outragée, fit acheter du blé qu'il distribua gratuitement aux pauvres citoyens.

Il visitoit un jour la maison d'un opulent sénateur qu'on nommoit Omulus. Il y aperçut avec admiration des colonnes de porphyre, et lui demanda d'où lui venoit un ornement si magnifique : « Souvenez-vous «< bien, répondit brusquement Omulus, lorsque vous «êtes dans la maison d'autrui, que vous devez être << sourd et muet. » Antonin supporta patiemment cette incartade d'un sénateur si peu respectueux. Voyez BONTÉ, INDULGENCE, PATIENCE.

ÉDUCATION.

1. LE législateur de Lacédémone, Lycurgue, prit deux petits chiens de même race, qu'il éleva chez lui d'une manière bien différente. Il nourrit l'un avec délicatesse, et forma l'autre aux exercices de la chasse. Quand l'âge eut fortifié le corps et les habitudes de ses deux élèves, il les amena dans la place publique, fit placer devant eux des mets friands, et lâcha ensuite un lièvre. Aussitôt l'un de ces chiens courut vers les mets dont il avoit coutume d'être nourri; l'autre se mit à poursuivre le lièvre avec ardeur. En vain l'animal timide veut éviter l'ennemi. Le chien le presse, et l'attrape. Tout le peuple applaudi à son adroite agilité. Alors Lycurgue, s'adressant à l'assemblée : Ces deux « chiens, dit-il, sont de même race; voyez cependant << la différence que l'éducation a mise entre eux. >>

2. << Quand vous instruirez votre fils dans les lettres, << disoit-on au philosophe Aristippe, quel profit en << retirera-t-il?- Du moins, répondit le sage, quand «< il sera assis au théâtre, on ne pourra pas dire de << lui, que c'est pierre sur pierre. »

Il demandoit cent drachmes pour élever le fils d'un citoyen très-riche. Cet homme avare se récria sur la grandeur des honoraires exigés : « Je pourrois, dit-il,

à moins de frais, avoir un esclave habile dans les <«<lettres, qui instruiroit mon fils. — Eh bien ! ré<pondit Aristippe, achetez cet esclave: il fera bientôt « de votre fils un autre lui-même, par le cœur et par <<< les sentimens ; voyez quel profit! au lieu d'un « esclave, vous en aurez deux. »

3. Quelqu'un disoit à Agasiclès, roi de Lacédémone, qu'il s'étonnoit de ce qu'élant avide de s'instruire, il ne faisoit pas venir auprès de lui Philophane, sophiste alors très-célèbre. « Je veux, répondit-il, être le disciple < de ceux dont je tiens le jour. » Il ne pouvoit pas faire

« السابقةمتابعة »