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des soldats pour le garder. Dès que la nuit fut venue et que le peuple se fut retiré, Dinocrate fit ouvrir l'affreuse prison de l'infortuné Philopémen, et y fit descendre l'exécuteur pour porter le poison à ce grand homme, avec ordre de ne le quitter que quand il l'auroit avalé. Quand l'exécuteur entra, il étoit couché sur son manteau, sans dormir, occupé des malheurs de sa patrie, indifférent sur ses propres disgraces. Dès qu'il vit de la lumière, et cet homme près de lui, tenant sa lampe d'une main, et la coupe empoisonnée de l'autre, il se releva avec peine, à cause de sa grande foiblesse ; et prenant la liqueur mortelle, il demanda à l'exécuteur des nouvelles de ces jeunes cavaliers qui étoient avec lui. L'exécuteur lui répondit qu'il avoit ouï dire qu'ils s'étoient tous sauvés. Philopémen le remercia d'un signe de tête; et le regardant avec douceur: « Mon ami, lui dit-il, tu me donnes<«< là une bonne nouvelle; nous ne sommes donc pas << malheureux en tout. » Ce furent ses dernières paroles. Il avala ensuite tranquillement le funeste breuvage, et se recoucha sur son manteau, sans pousser le moindre soupir. Il étoit si abattu et si foible, que poison lui donna la mort presque dans le même instant. 4. Le prince Eugène, malgré les ordres exprès de l'empereur, avoit livré la fameuse bataille de Zenta contre les Turcs. Il avoit remporté une victoire complète, et fait un immense butin, sans avoir perdu que quatre cent trente hommes. Cette action si glorieuse pour lui, fut presque la cause de sa disgrace. Ses ennemis représentèrent à l'empereur que le succès du prince Eugène n'excusoit pas sa témérité et sa désobéissance aux ordres de son maître. L'empereur éloit extrêmement jaloux de son autorité. Il n'étoit pas fàché de la victoire qu'Eugène avoit remportée; mais il ne pouvoit souffrir qu'on crût qu'il n'avoit pas assez respecté ses ordres. Il auroit voulu qu'Eugène eût pu vaincre, et ne pas désobéir ; ou plutôt.il auroit voulu n'avoir pas donné luimême un ordre si contraire à ses intérêts. Les envieux du prince, qui connoissoient le foible de l'empereur parvinrent à l'irriter contre un héros qui venoit de lui

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rendre un service s important. Eugène, ignorant ce qui se tramoit contre lui, s'avancoit vers Vienne, au milieu des acclamations des peuples. Lorsqu'il arriva, les habitans accoururent en foule pour le voir. Ils le nommoient l'ange tutélaire, le libérateur de l'empire. Il demanda et obtint audience de l'empereur; mais il en fut reçu si froidement, qu'il en fut tout déconcerté. Il se remit cependant bientôt du trouble où l'avoit jeté un accueil si peu attendu. Il déposa entre les mains de sa majesté impériale le sceau de l'empire ottoman, que le grand-visir avoit laissé avec la vie à la bataille de Zenta; et, avec une fermeté digne de son innocence, il rendit compte à l'empereur de tout ce qu'il avoit fait, et de l'état où il avoit laissé les affaires en Hongrie. Ce monarque l'écouta sans l'interrompre, ni pour le louer, ni pour le blâmer. Si Eugène fut étonné de cette conduite, il eut sujet de l'être bien davantage, lorsqu'un seigneur de ses amis lui donna avis qu'on pensoit à l'arrêter, et que l'on parloit de lui faire son procès dans le conseil aulique de guerre. Quelques momens après, le comte de Schilck, capitaine des trabans de la garde impériale, vint lui demander son épée, et lui défendre de la part de l'empereur, de sortir de Vienne. Eugene recut avec respect cet ordre, quelque peu équitable qu'il lui parût. « Voilà, dit-il à cet officier, cette << épée que l'empereur demande : elle est encore fu<<mante du sang de ses ennemis ; et je consens à ne la « plus reprendre, si je ne puis continuer à l'employer <«< pour son service. » Quelque soin qu'on prît pour cacher cette affaire, toute la ville en fut bientôt informée. Les bourgeois s'assembloient et complotoient comment ils feroient pour délivrer le prince Eugène, si l'on vouloit attenter quelque chose contre sa vie ou contre sa liberté. « Quoi ! disoient-ils, voilà donc la << reconnoissance qu'on a pour un héros qui sauvé << Vienne et l'empire de la fureur des Infidèles ? » Leur affection pour ce prince alla si loin, qu'ils lui députèrent les principaux d'entr'eux pour l'assurer qu'ils le défendroient contre quiconque oseroit attenter sur sa personne: ils lui offrirent même de veiller à la garde de

son

son palais. « Je vous remercie, Messieurs, leur ré<< pondit le prince, de votre zèle et de votre affection << pour moi; je ne veux point d'autre garant de ma << sureté, que la droiture de ma conduite, le bon té<< moignage de ma conscience, et le peu que j'ai fait << pour le service de sa majesté impériale. Ce monarque << est trop éclairé pour ne pas discerner la vérité d'avec << la calomnie, et trop équitable pour ne pas me rendre << bientôt justice. » Les députés se retirerent, en l'assurant que tous les bourgeois étoient résolus de sacrifier leurs biens et leurs vies, plutôt que de souffrir qu'on lui causât le moindre déplaisir. Soit que cette démarche des habitans de Vienne eût fait craindre quelque émeute à l'empereur, soit qu'elle eût réveillé sa bonté naturelle, et qu'il ne voulût pas céder au peuple en reconnoissance, le coeur de ce monarque changea, dès ce jour même, en faveur d'Eugène. Il lui rendit toute sa confiance, et n'oublia rien pour effacer de son esprit toute idée du chagrin qu'il lui avoit causé; il le nomma encore pour commander son armée de Hongrie; et, pour ôter à ses ennemis tout prétexte de blâmer ses actions, il lui donna par écrit une permission secrète, et signée de sa propre main, de faire tout ce qu'il jugeroit de plus à propos pour son service, sans qu'il pût être recherche ni pour les bons ni pour les mauvais succès, sous quelque prétexte que ce pût être. Ce ne fut qu'à cette condition qu'Eugène voulut commander désormais les armées de l'empereur.

5. Lareine Elisabeth ayant fait arrêter Marie Stuard, reine d'Ecosse, sa cousine, qu'elle n'aimoit pas, résolut de la faire mourir, sous prétexte qu'elle avoit trempé dans une conjuration contre l'Angleterre. On lui fit son procès; et des juges, vendus à la cour de Londres prononcèrent l'arrêt de mort. Marie, qui étoit renfermée au château de Frondigua, en recut la nouvelle avec une héroïque fermeté. Le soir, après avoir partagé le peu qu'elle avoit à ses domestiques, elle se mit à souper. Elle but à la santé de ses amis, qui, fondant en larmes, la remercièrent à genoux. Après souper, elle les fit tous approcher, baisa les filles et les femmes, et perTome II.

I

mit aux hommes de lui baiser la main. Ensuite elle se confessa, et se mit à prier, les genoux en terre. S'étant levée, elle se coucha et dormit un peu toute habillée; et après un léger et court sommeil, elle se remit à prier avec son confesseur. Le lendemain matin, les comtes de Salisbury et de Kent, exécuteurs de la sentence, entrèrent dans sa chambre. Sitôt qu'elle entendit ouvrir la porte, elle alla au-devant de ces seigneurs, et leur dit : « Milords, soyez les bien venus! « J'ai été cette nuit plus vigilante que vous. » Ensuite elle mit la main sur l'épaule du milord qui la gardoit, parce que sa longue prison lui avoit causé une goutte sciatique qui l'empêchoit de marcher; et s'appuyant ainsi sur lui, elle alla au lieu du supplice. Elle avoit la tête couverte d'un voile ; elle tenoit un crucifix à la main, et sa couronne pendoit à sa ceinture. On la conduisit dans une grande salle du palais, qui étoit tapissée de noir, et s'élant assise sur une chaise, le greffieriut la sentence; après quoi,la reines'étanttournée du côté du peuple qui assistoit à son exécution, elle leur dit « Vous voyez un spectacle nouveau : une << reine qui meurt sur un échafaud. Je n'avois pas con<«<tume de me déshabiller en présence de tant de gens, << encore moins d'avoir des bourreaux pour valets-de<«< chambre; mais il faut vouloir ce que Dieu veut.» Elle se mit à genoux, tendit la tête que l'exécuteur lui abattit en deux coups. Un autre bourreau la prit, et la montrant aux spectateurs: «Ainsi puissent périr, « s'écria-t-il, les ennemis de Dieu et ceux de la reine! » Souhait bien digne de la princesse qui l'avoit dicté !

6. Alexandre-le-Grand, s'étant baigné dans les eaux du Cydnus, fut tout-à-coup saisi d'un frisson qui le mit aux portes du tombeau. Quand il eut repris connois→ sance, il fit venir ses confidens et ses médecins. Il les pria de lui faire recouvrer la santé, ou de lui donner une prompte mort. L'impatience du monarque alarma tout le monde. Les médecins, qui savoient qu'on les rendroit responsables de l'évènement, n'osoient hasarder un remède violent et extraordinaire, d'autant moins que Darius avoit fait publier qu'il donneroit

mille talens à quiconque tueroit le roi de Macédoine. Philippe, un des médecins d'Alexandre, qui, l'ayant toujours servi dès son bas âge, l'aimoit tendrement, non-seulement comme son souverain, mais comme son nourrisson, s'élevant, par affection pour son maître, au dessus de toutes les considérations d'une prudence timide, offrit de lui donner un remède qui, sans être fort violent, opéreroit un prompt effet. Il demanda trois jours pour le préparer. Cependant le monarque recut une lettre de Parménion, par laquelle cet officier, en qui il avoit beaucoup de confiance, lui mandoit de se garder de Philippe, parce que Darius l'avoit corrompu par ses promesses. Cette lettre jeta le prince dans une grande perplexité; mais enfin la confiance en un médecin dont il avoit connu et éprouvé, dès sa première enfance, le tendre et fidèle attachement, l'emporta bientôt, et dissipa tous ses doutes. S'armant d'une héroïque fermeté, il referma la lettre, et la mit sous son chevet, sans la communiquer à personne. Le jourvenu, Philippe entra avec son remède. Alexandre, tirant la lettre de Parménion, la donne à lire au médecin en même temps, il prend la coupe; et, les yeux attachés sur lui, il l'avale sans hésiter, et sans témoi gner ni le moindre soupçon, ni la moindre inquiétude. Philippe, en lisant la lettre, avoit montré plus d'indignation que de surprise et de crainte; et la jetant sur le lit du roi : « Seigneur, lui dit-il d'un ton ferme << et assuré, votre guérison me justifiera bientôt du << parricide dont on m'accuse. La seule grace que je « vous demande est que vous mettiez votre esprit en « repos, et que vous laissiez opérer le remède, sans << songer à cet avis que vous ont donné des serviteurs << pleins de zèle, à la vérité, mais d'un zèle indiscret, » et tout à fait hors de saison. » Ces paroles ne rassurèrent pas seulement le roi, mais remplirent son ame de joie et d'espérance; et prenant Philippe par la main : « Soyez vous-même en repos, lui dit-il ; car je « vous crois doublement inquiet, sur ma guérison << d'abord, puis sur votre justification. » La médecine fut heureuse. Le monarque recouvra ses forces et sa

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