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«<et prudent. Car quiconque, dans la chaleur même << du combat, s'expose aux hasards avec sagesse et << retenue, montre qu'il possède en même temps <«<les vertus et du corps et de l'esprit. On ne peut pas « certainement reprocher à Cléonis qu'il ait manqué << de courage; mais je suis fàché, pour son honneur, << qu'il paroisse manquer de reconnoissance. »

Après ces discours, on alla aux suffrages : tout le monde demeure suspendu dans l'attente du jugement. Nulle dispute n'égale celle-ci en vivacité. Il ne s'agit point d'or ou d'argent : l'honneur est ici tout pur; la gloire désintéressée est le vrai salaire de la vertu. Ici, les juges ne sont point suspects. Les actions parlent encore. C'est le monarque, environné de ses officiers, qui préside et qui prononce. C'est toute une armée qui est témoin. Le champ de bataille est un tribunal sans faveur et sans cabale. Toutes les voix se réunirent en faveur d'Aristomène, et lui adjugèrent le prix de la bravoure. Euphaès ne survécut pas long-temps à ce jugement, et mourut quelques jours après. Comme il n'avoit point d'enfans, il laissa au peuple messénien le soin de lui choisir un successeur. Cléonis et Damis le disputèrent à Aristomène ; mais ce dernier fut élu préférablement aux autres. Quand il fut roi, il honora des plus grandes charges ses deux rivaux. Vifs amateurs du bien public, encore plus que de la gloire; concurrens mais non ennemis, ces grands hommes brûloient de zèle pour la patrie, et ils n'étoient jaloux que de la gloire de la sauver. 4. François, comte d'Enguien, prince du sang, voyant à la bataille de Cérisoles le maréchal de SaintAndré qui s'avançoit avec intrépidité jusqu'au milieu des ennemis, voulut imiter un exemple qui flattoit son courage, et, par un mouvement de jalousie héroïque, chercha à s'enfoncer dans les bataillons ennemis. On lui représenta que ce n'étoit pas le devoir d'un général de s'exposer ainsi ; que de sa vie dépendoit le salut de l'armée. A toutes ces raisons, il répondit d'un ton chagrin: «Qu'on fasse donc retirer Saint-André!» 5. Le vicomte de Turenne étoit d'une complexion trèsdélicate dans son enfance, et sa constitution fut tou

jours foible jusqu'à l'âge de douze ans ; ce qui fit dire souvent à son père, qu'il ne seroit jamais en état de soutenir les travaux de la guerre. Le jeune héros, pour le forcer à penser différemment, prit à l'âge de dix-huit ans la résolution de passer une nuit, pendant l'hiver, surle rempart de Sedan. Le chevalier de Vassignac, son gouverneur, après l'avoir long-temps cherché, le trouva sur l'affût d'un canon, où il s'étoit endormi. Il s'attachoit beaucoup à la lecture de l'histoire, et sur-tout à celle des grands hommes qui s'étoient distingués par les vertus et par les talens militaires. Il fut frappé du caractère d'Alexandre-le-Grand. Le génie de ce conquérant plut au jeune vicomte, que son ambition auroit peut-être porté aux entreprises les plus éclatantes, s'il eût vécu dans ces temps où la valeur seule autorisoit les hommes à troubler la paix de l'univers. Il prenoit plaisir à lire Quinte-Curce, et à raconter aux autres les faits héroïques qu'il avoit lus. Pendant ces récits, on voyoit son geste s'animer, ses yeux étinceler; et alors son imagination échauffée forçoit la difficulté naturelle qu'il avoit à parler. Un officier s'avisa un jour de lui dire que l'histoire de QuinteCurce n'étoit qu'un roman. Le jeune prince en fut vivement piqué. La duchesse de Bouillon, pour se divertir, fit signe à l'officier de continuer à le contredire. La dispute s'échauffa : le héros naissant se mit en colère, quitta brusquement la compagnie, et fit secrètement appeler en duel l'officier, qui accepta la proposition, pour amuser la duchesse de Bouillon, charmée de voir dans son fils ces marques d'un courage précoce. Le lendemain, le vicomte sortit de la ville, sous prétexte d'aller àl a chasse; et, étant arrivé au lieu du rendez-vous, il y trouva une table dressée. Comme il rêvoit à ce que signifioit cet appareil, la duchesse de Bouillon parut avec l'officier, et dit à son fils qu'elle venoit servir de second à celui contre qui il vouloit se battre. Les chasseurs se rassemblèrent; on servit le déjeûner; la paix fut faite, et le duel se changea en une partie de chasse.

6. L'orateur Callistrate devoit plaider en pleine audience une cause célèbre. Sa grande réputation, et l'im

portance du sujet, excitèrent la curiosité des Athéniens, qui se rendirent en foule dans la salle. Démosthène, àge pour lors de seize ans, pressa vivement ses maîtres de vouloir le mener avec eux au barreau, afin qu'il pût assister à cette fameuse plaidoirie. Callistrate fut écouté avec une grande attention; et ayant eu un succès extraordinaire, il fut reconduit chez lui en cérémonie au milieu d'une foule de citoyens illustres qui s'empressoient à l'envi de lui prodiguer des éloges flatteurs. A cespectacle, une vive émulation s'empara du coeur de Démosthène : ces honneurs extraordinaires, accordés au mérite, firent sur son ame une impression profonde; et, dès ce moment, enflammé du désir d'imiter et même de surpasser Callistrate, il se livra tout entier à l'étude de l'éloquence, dont les charmes étoient si puissans.

7. A Rome, on aimoit à récompenser le mérite ; et la reconnoissance publique excitoit le plus vif désir de la mériter. Les actions militaires avoient mille récompenses qui ne coûtoient rien à l'état, et qui étoient infiniment précieuses aux particuliers, parce qu'on y avoit attaché la gloire, cette idole chérie du peuple romain. Une couronne d'or très-mince, et, le plus souvent, une couronne de feuilles de chêne, ou de laurier, ou de quelque herbage plus vil encore, devenoit inestimable parmi les soldats, qui ne connoissoient point de plus belles décorations que celles de la vertu, ni de plus noble distinction que celle qui venoit des actions glorieuses. Quel effet produisoient, dans l'esprit des soldats et des officiers, les louanges données àla tête de l'armée par le général, après uu combat où ils s'étoient distingués d'une manière particulière ! Et ces louanges étoient accompagnées de monumens glorieux, et de preuves sensibles et permanentes de leur mérite, qu'ils laissoient à leur postérité, comme un précieux héritage. C'étoientlà pour eux de véritables lettres de noblesse : c'étoient d'ailleurs des titres assurés pour monter à des places publiques plus avantageuses et plus honorables qui n'étoient accordées qu'au mérite, et non enlevées par la brigue et par la cabale. De simple soldat, on pouvoit, en passant successivement par différens degrés, arriver

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jusqu'au consulat. Quelle agréable perspective pour un bas-officier, d'envisager dans le lointain les premières charges de l'état et de l'armée, comme autant de récompenses auxquelles il pouvoit aspirer! Mais quelle impression l'honneur du triomphe ne devoit-il pas faire sur l'ame des généraux! Un particulier voyoit venir au devant de lui le sénat en corps avec tous les ordres de l'état. Pour lui, tous les temples fumoient des sacrifices offerts aux dieux en action de graces de sa victoire ; et montré en spectacle sur un superbe char, il voyoit marcher devant lui les glorieuses dépouilles qu'il avoit remportées, et étoit suivi de l'armée victorieuse, qui faisoit retentir toute la ville de louanges non suspectes et justement méritées! Une si auguste cérémonie sembloit élever le triomphateur au-dessus de l'humanité.

8. Un bénédictin des Blancs-Manteaux, dont M. Rollin, encore tout jeune, alloit souvent entendre ou servir la messe, fut le premier qui aperçut en lui les grandes dispositions qu'il avoit pour les lettres. Il connoissoit la mère du jeune homme, qui étoit, en son genre, une femme de mérite. Il lui parla, et lui dit qu'il falloit ab solument qu'elle le fit étudier. Son inclination le portoit bien à l'étude; mais des raisons plus fortes en apparence s'y opposoient toujours. Elle étoit devenue veuve, sans nulle ressource du côté de la fortune, que la continuation du commerce de son mari, qui étoit coutellier. Ses enfans pouvoient seuls l'aider à la soutenir, et elle se trouvoit hors d'état de faire pour aucun d'eux les frais d'une autre éducation. Le bon religieux, bien loin de se rebuter, continua ses instances; et, le principal obstacle ayant été levé par l'obtention d'une bourse du collége des Dix-Huit, le sort du jeune Rollin fut décidé en conséquence: et dès-lors il parut tout autre, même aux yeux de sa mère. Elle commença par trouver plus d'esprit et de délicatesse dans les marques de son respect et de sa soumission. Elle fut ensuite sensible à ses progrès, qu'on lui annonçoit de toutes parts, dont on ne lui parloit qu'avec une sorte d'étonnement: et, ce qui ne la flatta pas moins, sans doute, ce fut de voir les parens de ses compagnons d'étude, les plus dis

et

tingués

tingués par leur naissance et par le rang qu'ils tenoient dans le monde, envoyer ou venir eux-mêmes la prier de trouver bon que son fils passât avec eux les jours de congé, et fût associé à leurs plaisirs comme à leurs exercices. A la tête de ces parens illustres, étoit M. le Pelletier, le ministre, dont les deux fils aînés avoient trouvé un redoutable concurrent dans ce nouveau venu. Leur père, qui connoissoit mieux qu'un autre les avantages de l'émulation, ne chercha qu'à l'augmenter. Quand le jeune boursier étoit empereur, ce qui lui arrivoit sou vent, il lui envoyoit la même gratification qu'il avoit coutume de donner à ses fils; et ceux-ci l'aimoient, quoique leur rival. Ils l'amenoient chez eux dans leur carrosse ils le descendoient chez sa mère, quand il y avoit affaire : ils l'y attendoient; et un jour qu'elle remarqua qu'il prenoit sans façon la première place, elle voulut lui en faire une sorte de réprimande, comme une faute essentielle contre la politesse ; mais le précepteur répondit humblement que M. le Pelletier avoit réglé qu'on se rangeroit dans le carrosse, suivant l'ordre de la classe. Voyez AMOUR DE LA GLOIRE.

1.

ENJOUEMENT.

IMOTHÉE, général athénien, fut invité à souper chez Platon. Le repas étoit frugal, mais délicat etbien entendu. Une gaieté douce animoit les convives: on y traita plusieurs points de morale très-intéressans. Timothée étoit enchanté. La satisfaction secrète qu'il éprouvoit étoit bien au-dessus de la joie bruyante qui régnoit dans les grands repas qu'il donnoit souvent à ses officiers. Un concert délicieux termina le festin. Le général sortit, plein d'un contentement intérieur qu'il n'avoit jamais senti; le repas frugal qu'il avait fait lui procura uu sommeil léger et tranquille. Le matin il se leva frais et joyeux. Le doux sentiment des plaisirs de la veille affectoit encore délicieusement son cœur; et, par hasard, ayant rencontré Platon : « Vos repas, lui dit-il, Tome II.

L

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