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1.

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ERUDITION.

GORGIAS le Léontin avoit acquis, par une étude de plus de soixante ans, une érudition si vaste, que sa tête pouvoit passer pour une vivante encyclopédie. Un jour il osa proposer à l'assemblée des jeux olym piques de répondre à toutes les questions qu'on vouloit lui faire; et quoiqu'il y eût dans cette circonstance une foule de savans capables, sinon de remporter, du moins de disputer long-temps la victoire, le mérite reconnu de Gorgias les empêcha de se montrer, et leur silence mit le comble à la gloire de ce philosophe. Pour honorer ses talens, et pour en perpétuer la mémoire, la Grèce entière fit ériger dans le temple de Delphes une statue d'or massive, qui représentoit Gorgias un livre à la main.

2. Un travail assidu, de savantes recherches, conduisirent le célèbre Varron à un si haut point d'érudition, qu'il devint en quelque sorte l'oracle de son siècle. Les poètes, les historiens, les jurisconsultes, les orateurs, tous consultoient ses lumières, et les plus grands génies de Rome et de l'univers recevoient ses avis, ses leçons avec une docilité d'enfant. Il est vrai qu'il relevoit les avantages de son esprit par une modestie sans bornes, qui rendoit son commerce aimable. Telle étoit l'estime de ses contemporains pour lui, , que Pollion, de son vivant même, lui fit ériger une statue dans la bibliothèque de Rome.

3. La réputation de Jean Campège, Boulonais, s'étoit tellement répandue dans toute l'Italie et les pays voisins, qu'on venoit de toutes parts le consulter sur les points de doctrine les plus difficiles. Il répondoit à tout: quelle que fût la matière sur laquelle on l'interrogeât, il donnoit des réponses lumineuses, et l'on sortoit satisfait de son musæum. Les études étoient tombées dans la ville de Padoue; on voulut les remettre en vigueur : on délibéra sur le choix d'un maître : les avis

ne furent point partagés ; le suffrage unanime déclara Jean Campège, restaurateur des belles-lettres, et l'on choisit une députation pour supplier ce savant de vouloir bien agréer la place que lui offroit une des premières cités de l'Italie. Il se rendit donc à Padoue; et quand il fut près d'entrer dans cette ville, on vit tout le peuple sortir en foule à sa rencontre, le combler de bénédictions, remplir l'air d'acclamations flatteuses, et le conduire comme en triomphe dans la maison qu'on lui avoit préparée. Jamais le savoir n'avoit été si bien honoré, et jamais savant n'avoit tant mérité de l'être.

4. Ceux qui ne voient les mathématiques que de loin, c'est-à-dire, qui n'en ont pas de connoissance peuvent s'imaginer qu'un géomètre, un mécanicien, un astronome, ne sont que le même mathématicien. C'est ainsi à peu près qu'un Italien, un Français et un Allemand passeroient à la Chine pour compatriotes. Mais quand on est plus instruit, et qu'on y regarde de plus près, on sait qu'il faut ordinairement un homme entier pour embrasser une seule partie des mathématiques dans toute son étendue, et qu'il n'y a que des hommes rares et d'une extrême vigueur de génie qui puissent les embrasser toutes à un certain point. Le génie même, quel qu'il fût, n'y suffiroit pas sans un travail assidu et opiniàtre. Le célèbre M. de la Hire, joignit les deux, et par là devint un mathématicien universel. Il ne se bornoit pas encore là: toute la physique étoit de son ressort, et même la physique expérimentale, science devenue si vaste. De plus, il avoit une grande connoissance du détail des arts, pays trèsétendu, et très-peu fréquenté. Il étoit encore excellent dessinateur et habile peintre en paysage. Un roi d'Arménie demandoit à Néron un acteur parfait et propre à toutes sortes de personnages, pour avoir, disoit-il, en lui seul une troupe entière. On eût pu de même avoir en M. de la Hire seul une académie entière des sciences. Voyez AMOUR DES SCIENCES, ETUDE, ETUDE, SAVOir.

ESPÉRANCE.

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1. LE saint homme Job, accablé de mille maux, insulté par sa propre femme, privé de tous ses enfans, dépouillé de tous ses biens, frappé d'ulcères dans tout son corps, outragé, calomnié par ses meilleurs amis, se soutenoit dans cet état affreux par une espérance héroïque. « Pourquoi me découragerois-je, s'écrioit-il? pourquoi << m'abandonnerois-je au désespoir? Non, quand le << Tout-Puissant m'arracheroit la vie, j'espérerois en << sa bonté, je confesserois mes crimes en sa présence, << et lui-même seroit mon sauveur. Je sais, ajoutoit-il, << je sais que mon rédempteur est vivant; je sais que je << ressusciterai de la terre au dernier jour; que je serai « revêtu de nouveau de cette chair; que je verrai mon « Dieu, que je le verrai de mes propres yeux, que je <<< le contemplerai. Douce et sainte espérance! tu repo<< seras toujours dans mon cœur. »

2. Tobie le père ayant perdu la vue, ses parens et ses alliés se railloient de sa manière de vivre, et lui disoient : « Où est donc cette espérance qui vous portoit « à faire tant d'aumônes,à exposer vos jours pour ense<< velir les morts?-Taisez-vous, aveugles, leur répondit ce saint patriarche; ne souillez point votre bouche << par ces horribles blasphêmes : ne sommes-nous pas « enfans des saints, et n'attendons-nous pas du Tout<< Puissant cette vie pleine de bonheur qu'il doit donner « à ceux qui espèrent en lui, et qui ne violent jamais « la fidélité qu'ils lui ont promise? »

3. Alexandre-le-Grand, sur le point de partir pour sa célèbre expédition d'Asie, distribua presque toutes ses richesses entre ses capitaines et ses soldats. «Que vous << reste-t-il donc, seigneur, lui dit alors Perdiccas ? « – L'espérance, répondit-il. Elle nous sera com<<mune avec avec vous, lui répliqua Perdiccas : » sur-le-champ il lui rendit son présent.

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ESPRIT.

1. MADAME la Dauphine, Marie-Anne-Victoire de Bavière, passoit pour avoir infiniment d'esprit. Louis XIV lui disoit un jour: « Vous ne m'aviez pas appris, « madame, que vous aviez une sœur qui étoit très« belle. » Il parloit de madame la grande - duchesse de Toscane. Il est vrai, sire, répondit la princesse, << j'ai une sœur qui a pris toute la beauté de ma fa<< mille, mais j'en ai eu tout le bonheur. >>

2. Pendant l'absence de Philippe, des ambassadeurs du roi de Perse étant arrivés à la cour de Macédoine, Alexandre-le-Grand, encore jeune, les reçut avec tant d'honnêteté et de politesse, et leur fit si bien les honneurs de la table, qu'ils en furent charmés. Mais ce qui les surprit plus que tout le reste, c'est l'esprit et le jugement qu'il fit paroître dans les divers entretiens qu'il eut avec eux. Il ne leur proposa rien de puéril, ni qui ressentît son âge; il ne les interrogea ni sur ces jardins suspendus en l'air qui étoient si vantés, ni sur ces richesses, ce superbe palais, ce faste énorme du roi de Perse, dont on parloit par toute la Grèce. Il leur demanda quel chemin il falloit tenir pour arriver dans la haute Asie; quelle étoit la distance des lieux; en quoi consistoit la force et la puissance du roi de Perse; quelle place le roi prenoit dans une bataille; comment il se conduisoit à l'égard de ses ennemis, et comment il gouvernoit ses peuples? Ces ambassadeurs ne se lassoient point de l'admirer; et sentant dès-lors ce qu'il pourroit devenir un jour, ils marquèrent en un mot la différence qu'ils mettoient entre Alexandre et Artaxerxès, en se disant les uns aux autres : « Ce jeune prince est grand, le nôtre est riche.>>

3. Dutemps d'un certain ministre, cinq beaux-esprits qui passoient pour être bons amis, avoient soupé ensemble. Dans la chaleur du repas, après avoir renvoyé les valets, ils parlèrent en liberté des affaires du temps;

et l'un des cinq fit sur-le-champ un couplet fort sanglant sur le ministre. Le lendemain, à neuf heures du matin, le ministre envoie dire à l'auteur du couplet qu'il vînt lui parler. Il fut surpris de ce message. Il n'avoit avec le ministre aucune relation. Il étoit Gascon, et libre d'affaires. Il ne songea à rien moins qu'à sa chanson. Il va chez le ministre : «Monsieur, lui dit-il, dès qu'il <«<le tint dans son cabinet, que vous ai-je fait ? --Vous, << monseigneur, répondit le Gascon ? ni bien ni mal. << Eh bien! si je ne vous ai point fait de mal, pourquoi << voulez-vous m'en faire ? Moi, monseigneur! « Tenez, connoissez-vous cet écrit? n'êtes-vous point << l'auteur de ce couplet charitable?-Ciel! que vois-je? « Quelle trahison! Cependant, monseigneur, souffrez « que je vous dise que ce couplet vous justifie. Si vous << êtes toujours aussi bien servi en espions, il ne vous << sera pas difficile de soutenir la réputation de grand <«< ministre. Mais pourquoi me déchirer ainsi? parlez? << pourquoi ? -- Pourquoi ? monseigneur, pourquoi ? «Que voulez-vous que je vous dise? J'ai cru être avec << quatre de mes amis, et je vois que tout au moins << un des quatre est un traître. Laissous-là le traitre

« et la trahison; il n'est question que de vous et de << votre mauvais esprit. Pourquoi me déchirez-vous ? <--Monseigneur, que vous répondre ? C'est la mode <« de faire des chansons contre vous. Les Français ai<ment la mode, et je suis Français. Allez, mon<< sieur ; votre esprit qui vous tire d'affaire; allez en « paix, et ne péchez plus. Monseigneur, votre absolution me corrige. Ou je n'irai plus au Parnasse <«< ou j'irai vous y chanter sur un ton bien différent. « Je vous le conseille. Ah! monseigneur, je vais << dans le moment profiter de l'avis. » Il alla faire à la gloire du ministre un fort joli ouvrage, qu'il vint lui présenter dès le lendemain à la même heure. Il en eut une pension, et fut toujours bien traité.

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4. Les comédiens francais voulant empêcher ceux de la comédie italienne de parler français, le roi voulut juger ce différent. La troupe des Français députa le célèbre Baron; et celle des Italiens, le fameux

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