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Le célèbre Jérôme Bignon fut appliqué, par son père, aux études, dès qu'il put articuler des mots. Il embrassa toutes les sciences, qui bientôt lui devinrent très-familières. Il n'avoit que dix ans, lorsqu'il donna au public des essais de son érudition, qui lui firent mériter dès-lors le titre d'auteur. C'est une Chorographie, ou description de la Terre-Sainte. Il n'en demeura point là ; et l'on fut encore surpris de voir, trois ans après, paroître deux autres ouvrages de sa composition, dont l'un étoit un Traité des Antiquités romaines, et l'autre un Traité du droit et de la manière d'élire les papes. Ces productions estimables donnèrent une si haute idée de ses talens, que tous les savans de France s'empressèrent de le connoître et de lier amitié avec lui. Le P. Sirmond, savant jésuite, ignoroit peutêtre seul dans Paris tout le mérite de ce docte enfant. Une aventure singulière le lui fit connoître. Ce religieux étoit dans la boutique de Cramoisy, et discouroit avec ce libraire sur un sujet d'ouvrage. Il aperçut, auprès d'une grande pile de livres, un jeune homme qui feuilletoit et lisoit avec beaucoup d'application. Il prenoit plaisir à le considérer, lorsqu'un homme de sa connoissance, l'ayant abordé, lui proposa quelque difficulté dont il souhaitoit l'éclaircissement. Le père parut embarrassé; mais le jeune homme, s'étant approché, prit modestement la parole, et répondit à la question de cet homme avec tant d'esprit et d'érudition, que le P. Sirmond en fut frappé d'étonnement. Il le pria de lui dire son nom; et, quelques temps après, ayant eu occasion de voir le célèbre le Fèvre, il lui racconta cette aventure, ajoutant, pour lui causer plus d'admiration, que le jeune homme paroissoit n'avoir pas plus de quatorze ans. « Quoi, mon père, lui répondit «le Fèvre, vous êtes le seul des savans à qui le jeune «Bignon ne soit pas connu? Vous ne vous êtes pas << trompé de beaucoup sur son âge : c'est un vieillard << de douze ans : c'est un docteur consommé dans << l'enfance. Si nous vivons, et lui aussi, nous le ver<< rons infailliblement le maître des plus doctes et des plus sages de notre siècle. »

Blaise Pascal, l'un des plus grands génies et des meilleurs écrivains que la France ait produits, n'eut point d'autre maître que son père, qui ne lui apprit le latin qu'à l'âge de douze ans. Le jeune Pascal fit alors paroître une facilité extraordinaire dans les mathématiques. On dit même que, sans le secours d'aucun livre, et par les seules forces de son esprit, il parvint à découvrir et à démontrer toutes les propositions du premier Livre d'Euclide. Il fit des progrès si rapides dans les mathématiques, qu'à l'âge de seize ans, il composa un Traité des Sections coniques, qui fut admiré de tous les savans géomètres ; et qu'à dix-neuf ans, il inventa une machine d'arithmétique, par laquelle on peut faire toutes sortes de supputations, sans plumes et sans jetons.

Jean-Philippe Baratier naquit le 19 de Janvier 1721, à Schwobach, dans le margraviat de BrandebourgAnspach, de François Baratier, pasteur de l'église francaise de cette ville. Dès l'âge de quatre ans, il parloit parfaitement les langues latine, francaise et allemande. A six ans, il possédoit à fond la langue grecque, et si bien l'hébraïque entre neuf et dix ans, qu'il pouvoit y composer en prose et en vers, et traduire le texte hébreu de la Bible sans points, en latin ou en français, à l'ouverture du livre. Il lut alors, en 1730, la grande Bible rabbinique, en quatre volumes in-folio, et en donna une notice exacte dans une lettre à M. le Maître, insérée dans le tome vingt-six de la bibliothèque germanique. Il commença, l'année suivante, la traduction de l'Itinéraire du rabbin Benjamin: et il y ajouta des notes, ou plutôt des dissertations, dont il forma un second volume. Cet ouvrage, achevé en 1732, fut imprimé deux ans après à Amsterdam, en deux volumes in-octavo. Lejeune Baratier, après avoir lu et étudié beaucoup de livres des rabbins, se jeta dans l'étude des pères et des conciles des quatre premiers siècles. Il apprit la philosophie et les mathématiques, et sur-tout l'astronomie, à Halle. Le chancelier de Ludewig lui offrit de le faire recevoir gratis maître-ès-arts, s'il le vouloit. La pro

position fut acceptée; et M. Baratier composa sur-lechamp quatorze thèses, en présence de quelques professeurs, les fit imprimer la même nuit, et les soutint le lendemain pendant environ trois heures, avec un succès extraordinaire. Etant arrivé à Berlin, le roi de Prusse, charmé de ce jeune savant, lui fit l'accueil le plus gracieux, et l'envoya chercher presque tous les jours pendant environ six semaines que MM. Baratier passèrent tant à Berlin qu'à Postdam. Tout le monde vouloit le voir on se l'enlevoit. La société royale des sciences l'agrégea solennellement au nombre de ses membres. La reine le fit peindre, et placa son portrait à Montbisou, château royal. Toute la famille royale le combla d'honneurs et de présens ; et le roi recommanda fortement à M. Baratier le père de l'engager à se jeter dans le droit, et sur-tout dans le droit public, lui faisant espérer qu'il pourroit arriver, par ce moyen, à la plus brillante fortune. Ce prince attacha en même temps M. Baratier à l'église française de Halle, pour faciliter au fils les moyens d'étudier le droit dans cette célèbre université. MM. Baratier allèrent donc se domicilier à Halle, en Avril, 1735. Le jeune homme continua de s'y livrer tout entier à l'étude. Il s'appliqua au droit, aux antiquités, aux médailles, et à toutes les parties de l'histoire ancienne et moderne. Mais sa santé s'affoiblit extrêmement sur la fin de 1739. De toutes les sciences, la médecine étoit peut-être la seule qu'il n'eût pas étudiée; c'étoit cependant celle dont il auroit tiré plus de secours. Dès son enfance, il étoit d'une constitution foible et délicate. Il avoit des rhumes fréquens, et d'autres indispositions qui le forçoient quelquefois à interrom◄ pre ses études. A l'âge de dix-huit ans, il fut attaqué d'une toux, qui, dans le cours d'un an, augmenta par degrés, et produisit une foule d'autres incommodités qui le conduisirent au tombeau, le 5 Octobre 1740 à l'âge de dix-neuf ans huit mois et seize jours. L'ouvrage qui l'occupoit alors, et pour lequel il avoit déjà ramassé bien des matériaux, étoit des recherches sur les antiquités égyptiennes. Il prétendoit avoir trouvé une

route sûre et démontrée pour éclaircir l'histoire de ce peuple fameux. C'étoit un ouvrage qui lui tenoit fort à cœur, et dont il vouloit faire son chef-d'oeuvre. Mais il n'en eut pas le temps. On doit être d'autant plus surpris que ce jeune savant ait pu composer tant d'écrits, et acquérir une si vaste érudition, qu'il a employé la moitié de sa vie à dormir, qu'il a toujours passé ses douze heures au lit, jusqu'à l'âge de dix ans ; et dix heures, depuis ce temps-là, jusqu'à la fin de sa vie.

Cet exemple, ainsi que tous ceux que nous avons rapportés, et dont nous aurions pu considérablement augmenter le nombre, peuvent faire voir jusqu'où la jeunesse et l'enfance même sont en état d'aller, quand on les applique avec méthode au travail. Dès le premier instant de notre naissance, notre ame est capable des plus sublimes opérations; mais elle a besoin d'organes pour les manifester au dehors. Si, dans un enfant de quatre ans, ces organes peuvent être mues à son gré, cet enfant sera un prodige. Il suffit de le contenir dans sa course rapide : il fera chaque jour de nouveaux progrès. Mais pour peu qu'on le fatigue, pour peu qu'on néglige de modérer le jeu de ces instrumens encore foibles, ils se relâcheront; ils se briseront même; et ce soleil si brillant dans son aurore, perdra tout à coup sa lumière dans son midi.

1.

EXACTITUDE.

CHARLEMAGNE ayant conféré un évêché vacant à un clerc de sa chapelle, cet ecclésiastique courut aussitôt chez ses amis pour leur apprendre cette agréable nouvelle, se réjouir avec eux, et leur donner à souper. Le plaisir de la table lui fit manquer de se trouver à matines où il devoit chanter un répons. Son absence troubla un peu l'office. L'empereur s'en apercut; et, choqué du peu d'exactitude de ce prêtre, il révoqua sa nomination, et donna l'évêché à un pauvre clerc qui l'avoit suppléé. «Souvenez-vous, mon père,

<< lui dit-il, que c'est la vigilance qui vous a placé sur << le siége épiscopal, et n'oubliez jamais la pratique << de cette vertu si nécessaire à un bon pasteur. >>

2. Un roi d'Arabie fit récompenser un de ses officiers avec magnificence, non que cet officier eût de grands talens, mais parce qu'il remplissoit ses devoirs avec exactitude. Or, l'exactitude dans les officiers du .. prince, ajoute le sage Said, est la marque la plus certaine d'un empire bien gouverné. Voyez VIGILANce.

1. MECCANIUS

EXCUSE.

LECCANIUS reprochoit à Caton d'Utique qu'il s'enivroit toutes les nuits : « Vous n'ajoutez pas, dit « Cicéron, qu'il joue tous les jours. » Manière polie d'excuser Caton, qui, donnant tout son temps aux affaires de la république, pouvoit prendre quelques heures pour se délasser de ses travaux.

2. Aristophon, capitaine athénien, accusa le célèbre Iphicrate d'avoir trahi et vendu la flotte qu'il commandoit. Iphicrate, avec la confiance qu'inspire une réputation établie, lui demanda, pour toute satisfaction: « Auriez-vous été homme à faire une tra<<< hison de cette nature? Non, répondit Aristo-. « phon, je suis trop homme d'honneur pour me cou« vrir d'une telle infamie.- Quoi! répartit alors Iphi« crate, ce qu'Aristophon n'auroit pas fait, Iphri"crate l'auroit pu faire?» Cette excuse fut suffisante. Le peuple renvoya l'accusé absous.

3. Le cardinal Albornos, l'un des plus grands hommes que l'Espagne ait produits, ayant réduit toute 'Italie sous l'obéissance du saint siége, fut accusé d'avoir consulté ses intérêts, plutôt que ceux du pape, dans les dépenses immenses qu'il avoit faites pour opérer ses conquêtes. Urbain V, qui siégeoit alors sur le trône apostolique, le manda pour lui faire rendre compte. Le cardinal obéit ; et, pour toute excuse, il présenta au S. Père un chariot chargé de clefs et de serrures,

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