صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

aire : « Monsieur, voyons maintenant si vous réus«sirez mieux à l'épée. - C'est trop, monsieur, ré«pondit l'autre ; je vous rends volontiers la mienne, << que je ne puis tirer contre vous, sans être aussi in«grat que vous êtes généreux. » Aussitôt ils s'embrassèrent, et furent depuis amis inséparables.

10. Le roi Henri II ayant offert une place d'avocatgénéral au célèbre Henri de Mesme, l'un des plus illustres magistrats de son siècle, ce grand homme prit la liberté de dire au monarque que cette place n'étoit point vacante. «< Elle l'est, répliqua le roi, parce que « je suis mécontent de celui qui la remplit. Par<< donnez-moi, sire,» répondit Henri de Mesme, après avoir fait modestement l'apologie de l'accusé : « j'ai<<< merois mieux grater la terre avec mes ongles, que << d'entrer dans cette charge par une telle porte. » Le roi eut égard à sa remontrance, et laissa l'avocat-général dans sa place. Celui-ci étant venu le lendemain pour remercier son bienfaiteur, à peine Henri de Mesme put-il souffrir qu'on songeât à lui faire des remercîmens pour une action qui étoit, disoit-il, d'un devoir indispensable, et auquel il n'auroit pu manquer sans se déshonorer lui-même pour toujours.

11. Un président à mortier songeoit à se démettre de sa charge, dans l'espérance de la faire tomber à son fils. Louis XIV, qui avoit promis à M. le Pelletier, alors contrôleur-général, de lui donner la première qui viendroit à vaquer, lui offrit celle-ci. M. le Pelletier, après avoir fait ses très-humbles remercîmens, ajouta que le président qui se démettoit avoit un fils, et que sa majesté avoit toujours été contenté de sa famille. « On n'a pas coutume de me parler ainsi, » reprit le monarqué étonné d'une conduite si généreuse; « ce << sera donc pour la première occasion. » Elle ne tarda pas long-temps; et bientôt après, ce noble désintéressement fut récompensé comme il le méritoit.

12. Le marquis de Brézé, amiral de France, reçut la visite d'une dame de province, accompagnée de sa fille, qui étoit d'une extrême beauté. La mère commença par dire son nom, qui étoit celui d'une des

meilleures familles d'Anjou, et lui témoigna qu'on lui avoit suscité un mauvais procès, où il s'agissoit de tout son bien; elle ajouta que, pour se défendre, elle avoit emprunté de tous ses amis, et qu'un chicaneur de profession s'obstinoit à la réduire à l'indigence. L'amiral la pria d'agréer trois cent louis d'or, qu'elle accepta pour mettre son procès en état; il devint luimême son solliciteur, et fit si bien qu'elle gagna son procès avec dépens. La dame allant remercier le jeune amiral, lui fit entendre combien sa reconnoissance étoit vive; qu'elle étoit hors d'état de lui en prouver toute sa grandeur, et qu'elle n'avoit que sa fille, qui étoit présente, qui fût capable de payer pour elle. Surpris d'une offre si peu attendue, le marquis tira, en présence de la mère, la démoiselle dans un coin de la chambre, lui remontra que son honneur et son salut étoient en danger auprès de sa mère, lui conseilla de ne point se donner à d'autre qu'à Dieu; et, comme elle en avoit déjà la pensée, il prit dans son carrosse la mère et la fille, et les conduisit dans un couvent, où il laissa la demoiselle. Quand il eut payé une année de sa pension, un jour ou deux avant sa profession, il fit toucher huit cents pistoles à la supérieure du monastère, et en fit passer un acte au nom de la fille sans que le sien y parût.

13. Luchino Vivaldo, l'un des plus considérables citoyens de Gènes, étoit épris depuis plusieurs années pour une jeune personne extrêmement belle. Elle étoit mariée, et quelques soins que lui eût rendus le passionné Vivaldo, quelques moyens qu'il eût mis en usage pour l'engager à répondre à son amour, il n'avoit pu réussir à la séduire. La résistance n'avoit servi qu'à enflammer davantage ses désirs criminels, lorsque d'affreux malheurs lui mirent sa maîtresse entre les bras. Le mari de cette femme venoit d'être fait prisonnier, et les services que son époux rendoit à l'État, étoient la seule ressource qui faisoit subsister sa famille. Gênes étoit alors dans une prodigieuse disette, et la maîtresse de Vivaldo se vit en peu de temps réduite à mourir de faim. Dans cette terrible

,

›xtrémité, elle alla se jeter aux pieds de son amant, ui répresenta sa misère, et se livrant à sa discrétion, elle le conjura de sauver la vie à ses petits enfans qui étoient sur le point de périr. Vivaldo étoit aussi généreux que sensible. Il releva la belle Génoise, la consola, et lui donna tous les secours possibles; mais il lui déclara en même temps qu'il étoit incapable d'abuser de son infortune. Il la renvoya chez elle; et, gardant toutes sortes de ménagemens avec une femme que ses disgraces lui rendoient infinement respectable, il ne voulut plus la voir, et chargea sa propre épouse de lui fournir toutes les choses dont elle pourroit avoir besoin.

14. Le célèbre Patru, avocat au parlement de Paris, étoit un des plus beaux esprits de son siècle ; mais ayant préféré ses livres et son cabinet aux occupations du barreau, il tomba dans l'indigence, et se vit réduit à la dure nécessité de vendre sa bibliothèque. Déspreaux l'apprend, il court chez Patru, lui offre près d'un tiers davantage de ce qu'il en vouloit avoir, et met dans le marché une condition qui surprend fort l'avocat ; c'est qu'il gardera ses livres comme auparavant, et qu'ils n'appartiendront à l'acquéreur qu'après sa mort. Ayant appris à Fontainebleau que l'on venoit de retrancher la pension que le roi donnoit au grand Corneille, il courut avec précipitation à madame de Montespan, et lui dit que le roi, tout équitable qu'il étoit, ne pouvoit, sans quelque apparence d'injustice, donner pension à un homme comme lui, qui ne commencoit qu'à monter sur le Parnasse, et l'ôter à M. Corneille, qui depuis long-temps étoit arrivé au sommet; qu'il la supplioit, pour la gloire de sa majesté, de lui faire plutôt retrancher la sienne, qu'à un homme qui la méritoit incomparablement mieux que lui. Madame de Montespan trouva sa générosité si grande et si peu commune, et sa manière d'agir si honnête, qu'elle lui promit de faire rétablir la pension de Corneille, et lui tint parole.

15. Fadel-Ben-Iahia, favori du calife Haroun-AlRaschild, étoit également magnifique et généreux.

Un de ses amis les plus intimes lui demandant la cause de cette fierté, dont il accompagnoit toujours sa magnificence, il lui repondit : «J'ai pris ces deux qualités d'Amarach-Ben-Hamzah, qui les possédoit dans un haut degré. Je les admirai, je les imitai, et l'habitude a produit en moi l'effet d'une seconde nature. L'une des principales actions de ce grand homme, continuat-il, et qui m'a frappé davantage est celle-ci : Mon père Iahia ayant, dans le premier état de sa fortune, un gouvernement, le visir, qui ne l'aimoit pas, voulut qu'il envoyât au trésor royal les deniers de sa province, avant qu'ils fussent recueillis. Mon père ayant fait un effort, et cherché dans la bourse de tous ses amis, ne put jamais faire la somme demandée. Dans cette extrémité, où il s'agissoit de sa fortune, il songea qu'il n'y avoit qu'Amarach qui pût le secourir. Mais nous n'étions pas trop bien dans son esprit. La nécessité obligea mon père de m'envoyer lui représenter le besoin d'argent où il se trouvoit dans une occasion si pressante. Je me transportai donc chez Amarach, que je trouvai assis sur une estrade élevée, et appuyé sur quatre coussins. Je le salue profondément, sans qu'il ouvrit la bouche pour me dire un seul mot ; et, bien loir, de me faire aucune civilité, il tourna le visage vers le muraille, et à peine me regarda-t-il. Je lui fis cependant les complimens de mon père et je lui exposai de sa part l'objet de mon message. Il me laissa debout fort long-temps sans réponse, et se contenta enfin de me dire: Je verrai. Après cette réponse laconique et désespérante, je me retirai plein de douleur; j n'osai pas même retourner aussitôt chez mon père, n'ayant qu'une fàcheuse nouvelle à lui porter. Toutefois, craignant de lui causer trop d'inquiétude par un plus long délai, je me déterminai à prendre le chemin du logis. Quelle fut ma surprise! je trouvai une foule de mulets chargés à la porte, et j'appris avec le dernier étonnement qu'ils apportoient l'argent que j'avois demandé au généreux Amarach. » Quelque temps après, mon père ayant reçu l'argent de la province, le fit porter chez son bienfaiteur, et m'envoya

,

pour

pour lui faire de sa part, les plus sincères remercimens. Mais à peine eut-il su ce qui m'amenoit chez lui, que, d'un ton courroucé, il me dit : « Me prenez<< vous pour le banquier de votre père? Il ne me doit << rien emportez sur l'heure cet argent hors de chez << moi et Dieu vous conduise ! »

[ocr errors]
[ocr errors]

16. M. le B** de C**, après avoir été attaché longtemps à la cour, fut obligé de vendre sa charge pour arranger ses affaires qui se trouvèrent dans un mauvais état, quoiqu'il eût joui d'un très-gros revenu. Il fut obligé de se défaire d'un nombreux domestique, et il ne garda que son valet-de-chambre G**, dont la fidélité et l'attachement lui étoient connus. Il se retira dans le fond d'une province, où le peu de bien qui lui restoit lui fut encore disputé. G** avoit été valetde-chambre d'un ministre, qui lui avoit laissé en mourant six cents livres de rente viagère. Il vendit la moitié de sa rente pour tirer son maître d'embarras ; mais cette somme fut bientôt consommée et M. le B** ne trouva point d'autre ressource que de se retirer chez un neveu qui jouissoit d'un bénéfice qu'il tenoit de son oncle. Cet ecclésiastique l'obligea bientôt, quoiqu'àgé de plus de quatre-vingts ans, de sortir de chez lui. Le généreux valet-de-chambre loua une chaumière pour loger son vénérable maître, où il le servit avec tout le respect qu'il avoit pour lui lorsqu' étoit dans l'opulence. Il ne portoit que ses vieux habits, quoiqu'il en fournît de neufs à M. le B**, et tous les deux n'avoient pour vivre que les trois cents livres qui restoient de la pension du bienfaisant G**. Les parens de cet homme rare ayant appris son indigence, lui envoyèrent une douzaine de chemises neuves; il les serra dans l'armoire de son maître, et n'en voulut point porter d'autres que celles que M. le B** ne pouvoit plus mettre.

17. Scipion l'Africain ayant été accusé par ses ennemis, fut cité devant le tribunal des tribuns du peuple, qui cherchoient à le perdre. Mais une indisposition l'empêcha de comparoître. L. Scipion, son frère, se présenta pour lui, et demanda du temps, afin que

Tome II.

« السابقةمتابعة »