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qu'il valoit mieux mander les coupables. On les fit venir; et leur vue ayant renouvelé les plaintes du peuple, les vieillards, les femmes, les enfans jetèrent des cris lamentables. Peu s'en fallut que le grave philo sophe n'oubliât la loi qu'il s'étoit imposée, et n'exprimât, par des paroles, les sentimens d'indignation et de pitié qui le pénétroient en même temps. Il respecta néanmoins son engagement pythagorique ; et s'étant fait apporter des tablettes, il y écrivit ces mots : «< Apol« lonius, aux monopoleurs des blés d'Aspendus. La « terre est juste ; elle est mère commune de tous les << hommes ; et vous, hommes barbares, vous voulez << seuls profiter de ses faveurs ! Si vous ne changez de «< conduite, je ne vous laisserai pas subsister sur la << face du globe. » Les coupables, intimidés par cette menace, garnirent les marchés de blé, et la famine

cessa.

3. Unc disette avoit mis les vivres à un prix excessif, et Rome se voyoit à la veille d'être en proie aux horreurs de la famine. Les tribuns, magistrats séditieus, qui profitoient des malheurs publics pour les aggraver par la discorde, s'efforçoient de révolter le peuple contre le sénat; et suivis d'une foule de citoyens, vils sectateurs de ces hommes turbulens, ils voulurent forcer le consul Scipion Nasica à prendre certains arrangemens par rapport aux blés. Ce grand homme s'y opposa fortement, et rejeta leur requête, comme tendant au renversement des constitutions de la république. Il se rendit à l'assemblée du peuple, et commença par exposer les raisons de sa résistance. Tout-à-coup, il fut interrompu par des murmures et par des cris. Alors, d'un ton d'autorité conforme à son grand mérite: << Romains, dit-il, faites silence. Je sais mieux que << vous ce qui est utile à la république. » A ces mots, toute l'assemblée se tut avec respect; et la majestueuse gravité d'un seul homme fit plus d'impression sur la multitude, qu'un intérêt aussi vif et aussi puissant que celui des vivres et du pain.

4. Euseb, gouverneur du Pont et de la Cappadoce, encle de l'impératrice, et dévoué aux Ariens, saisissoit

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toutes les occasions de chagriner Basile, évêque de Césarée. Un de ses assesseurs, devenu éperdument amoureux d'une veuve de famille illustre, vouloit la contraindre à l'éponser. Pour éviter ses poursuites, soutenues de l'autorité du gouverneur, elle se réfugia dans l'église, auprès de la table sacrée. Le magistrat voulut forcer cet asile. Le saint prélat prit la désfense de cette femme: il s'opposa aux gardes envoyés pour la saisir, et lui procura les moyens de s'échapper.Le gouverneur irrité cita Basile devant son tribunal; et, le traitant comme un criminel, il ordonna de le dépouiller, et de lui déchirer les flancs avec les ongles de fer. Le prélat se contenta de lui dire : « Vous me « ferez un grand bien, si vous m'arrachez le foie, qui « me cause de perpétuelles douleurs.» Mais les habitans apprenant aussitôt le péril de leur évêque, entrent en fureur: hommes, femmes, enfans,.armés de tout ce qu'ils rencontrent, accourent, avec des cris horribles, à la maison d'Eusèbe ; chacun brûle d'envie ́ de lui porter le premier coup. Ce magistrat, un moment auparavant, si fier et si intraitable, tremblant pour lors, se jette aux pieds de sa victime. Il n'eut pas besoin de prières. Basile, délivré des bourreaux, alla au devant du peuple. Sa seule vue calma la sédition, et sauva la vie à celui qui lui préparoit une mort cruelle.

5. Caton l'ancien assistoit aux Jeux Floraux. Le peuple, en présence d'un homme si vertueux et si grave, eut honte de se livrer à la licence ordinaire à ce spectacle. Le rigide censeur s'en étant aperçu, sortit aussitôt pour ne pas troubler les plaisirs du peuple. Tonte l'assemblée l'applaudit avec de grands cris, et l'on continua de célébrer les jeux, selon la coutume. Cette contrainte d'un grand peuple, en présence d'un citoyen, est l'hommage le plus glorieux et le plus vrai qu'on ait jamais rendu à la vertu.

6. Après la mort de Henri IV, le duc de Sully, son confident et son ministre, se retira dans sa maison de Villebon au Perche. Ayant été invité, comme l'un des plus anciens officiers de la couronne, à se trouver à

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un conseil, pour y donner son avis, il y parut avec son épaisse barbe à la Huguenotte, un habit et des airs passes de mode. S'étant aperçu que les jeunes seigneurs de la nouvelle cour cherchoient à lui donner des ridicules, il dit'au roi Louis XIII, en entrant dans le cabinet: << Sire, quand le roi votre père, de glorieuse. << mémoire, me faisoit l'honneur de me consulter, <<< nous ne commencions à parler d'affaires, qu'au « préalable on n'eût fait passer dans l'anti-chambre << les baladins et bouffons de cour. »

7. Un ambassadeur de Charles-Quint auprès de Soliman II, empereur des Turcs, venoit d'être appelé à l'audience de ce prince. Comme il vit, en entrant dans la salle de l'audience, qu'il n'y avoit point de siége pour lui, et que ce n'étoit point par oubli, mais par orgueil qu'on le laissoit tenir debout, il ôta son manteau, et s'assit dessus avec autant de liberté que si c'eût été un usage établi depuis long-temps. Il exposa l'objet de sa commission, avec une assurance et une présence d'esprit, que Soliman lui-même ne put s'empêcher d'admirer. Lorsque l'audience fut finie, l'ambassadeur sortit sans prendre son manteau. On l'en avertit; il répondit avec autant de gravité que de douceur: « Les ambassadeurs de l'empereur << mon maître ne sont point dans l'usage d'emporter <«<leurs siéges avec eux. »

8. L'ambassadeur d'Angleterre se plaignoit hautement, à Versailles, des travaux que Louis XIV faisoit faire au port de Mardick. Il demanda une audience particulière; il l'obtint, et parla au roi avec plus de véhémence que de retenue. Sa majesté ne l'interrompit point; mais lorsqu'il eut achevé, elle dit : « Mon<< sieur l'ambassadeur, j'ai toujours été le maître chez « moi, quelquefois chez les autres ; ne m'en faites << pas souvenir. »

Tome II

T

1. PLATON

HABITUDE.

LATON, Voyant un jeune homme occupé à jouer, lui en fit des reproches très vifs : « Je ne <«< joue qu'un très-petit jeu, lui répondit le jeune << homme; Eh! comptez-vous pour rien, répliqua « le sage, l'habitude du jeu que vous contractez

« là ? » par

2. Le comte de Grammont, étant encore fort jeune, étoit en voyage avec son gouverneur , pour se rendre à l'armée de Piémont. Il descendit à Lyon, dans une auberge. Le gouverneur, qui appréhendoit que son élève ne trouvât quelque sujet de dissipation qui l'arrêtât trop long-temps, vouloit le faire souper dans une chambre; mais le comte insista à manger en compagnie. <«< En pleine auberge ! s'écria le rigido « Mentor. Eh! monsieur, vous n'y pensez pas; << ils sont une douzaine de baragouineurs à jouer aux << cartes et aux dés, qui font un bruit de diable. » A ces mots de cartes et de dés, dit le comte, qui rapporte lui-même son aventure, je sentis mon argent pétiller. Je descendis, et fus un peu surpris de trouver la salle où l'on mangeoit, remplie de figures extraordinaires. Mon hôte, après m'avoir présenté, m'assura qu'il n'y auroit que dix-huit ou vingt de ces messieurs qui auroient l'honneur de manger avec moi. Je m'approchai d'une table où l'on jouoit, et je pensai mourir de rire. Je m'étois attendu à trouver bonne compagnie et gros jeu; mais c'étoient deux Allemands qui jouoient au trictrac. Jamais chevaux de carrosse n'ont joué comme ils faisoient; mais leur figure sur-tout passoit l'imagination. Celui auprès duquel je me trouvais, étoit un petit ragot, grassouillet et rond comme une boule. Il avoit une fraise avec un chapeau pointu haut d'une aune. Non, il n'y a personne qui, d'un peu loin, ne l'eût pris pour le dôme de quelque église avec un clocher dessus. Je

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demandai à l'hôte ce que c'étoit. « Un marchand « de Bâle, me dit-il, qui vient vendre ici des che« vaux; mais je crois qu'il n'en vendra guère de la << manière qu'il s'y prend; car il ne fait que jouer. « Joue-t-il gros jeu? lui dis-je. -- Non pas à pré<< sent, répondit-il; ce n'est que pour leur écot, en << attendant le souper. Mais, quand on peut tenir le << petit marchand en particulier, il joue beau jeu. - A-t-il de l'argent ? lui dis-je. «< -Oh! oh! dit le << perfide Cerize, ( c'étoit le nom de l'aubergiste) << plût à Dieu que vous lui eussiez gagné mille pis« toles, et moi en être de moitié! nous ne serions << pas long-temps à les attendre. » Il ne m'en fallut pas davantage pour méditer la ruine du chapeau pointu. Je me remis auprès de lui pour l'étudier. Il jouoit tout de travers écoles sur écoles, Dieu sait! Je commencois à me sentir quelques remords sur l'argent que je devois devois gagner à une petite citrouille qui en savoit si peu. Il perdit son écot on servit, et je le fis mettre auprès de moi. C'étoit une table de réfectoire, où nous étions pour le moins vingtcinq, malgré la promesse de mon hôte. Le plus mauvais repas fini, toute cette cohue se dissipa, je në sais comment, à la réserve du petit Suisse qui se tint auprès de moi, et de l'hôte qui vint se mettre de l'autre côté. Ils fumoient comme des dragons, et le Suisse me disoit de temps en temps: «Demande << pardon à monsieur de la liberté grande»; là-dessus il m'envoyoit des bouffées de tabac à m'étouffer. Cérize, de l'autre côté, me demanda la liberté de me demander si j'avois été dans son pays, et parut surpris de me voir assez bon air sans avoir voyagé en Suisse. Le petit ragot, à qui j'avois affaire étoit aussi questionneur que l'autre il me demanda si je ve nois de l'armée de Piémont; et, lui ayant que j'y allois, il me demanda si je voulois acheter des che vaux ; qu'il en avoit bien deux cents, dont il me feroit bon marché. Je commencois à être enfume comme un jambon; et, m'ennuyant du tabac et des questions, je proposai à mon homme de jouer

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