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et qui eussent pu se passer de sa libéralité, le laissoiti l'écart, lui qui avoit besoin de tout. Le monarque l'ayant appris, le fit venir en sa présence: « Je sais, lui dit il, <que vous vous plaignez de moi; tenez, voici deux << bourses égales l'une est pleine d'or; il n'y a que du << plomb dans l'autre : choisissez ; nous verrons si ce <«< n'est pas plutôt à la fortune qu'à moi, que vous de« vez vous en prendre. » L'officier choisit, et prit malheureusement la bourse remplie de plomb.: «Eh bien! « lui dit le roi, à qui tient-il que vous ne vous enri<< chissiez ? » Il joignit à cette réflexion, qui peut en produire bien d'autres, le don des deux bourses.

9. Le fameux Marc-Antoine, le collègue et le rival d'Auguste, étoit naturellement libéral et magnifique. Ayant commandé à son intendant de donner dix mille livres à un de ses amis, l'intendant, homme avare, lui représenta que cette somme étoit trop considérable; et, pour mieux lui faire sentir la grandeur d'un tel présent, il étala devant lui les dix mille livres. « Quoi! ce << n'est que cela? dit froidement Antoine ; je croyois << dix mille livres un objet plus considérable : qu'on << en donne vingt mille à mon ami. »

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10. L'empereurConrad IIsaisissoit toutes les occasions qui se présentoient d'exercer sa libéralité. Dans une émeute qu'il y eut à Rome quand il s'y fit couronner, un gentilhomme perdit une jambe en combattant. Conrad se fit apporter la botte du blessé, la remplit d'or, et la lui renvoya. « Annoncez-lui, dit-il à l'officier qu'il << chargea de ce présent, que je ne bornerai pas mes << bienfaits à cette modique gratification; que je lui << avance seulement la somme nécessaire pour guérir sa <<< blessure, et me conserver un excellent officier, »>

11. Philotas, médecin de la ville d'Amphise, fut mis, par Marc-Antoine, auprès de son fils, à peine sorti de l'enfance. Quand le jeune Antoine nemangeoit pas avec son père, il invitoit ordinairement son mentor, dont la conversation enjouée l'amusoit beaucoup. Un jour qu'un autre Esculape faisait bâiller tous les convives par ses longs propos chargés de citations ridicules, Philotas le fit taire par un sophisme absurde, dont ce docte ba

billard ne sut pas se démêler. De grands éclats de rire prouvèrent la satifaction de toute l'assemblée. Antoine, en son particulier, en fut si content, que montrant au vainqueur de magnifiques vases d'or et d'argent dont le buffet étoit orné: « Je te donne toutes ces bagatelles, << lui dit-il, pour prix de ton triomphe. » Surpris de cet excès de générosité, Philotas l'en remercia, mais en ajoutant qu'il avoit peine à croire qu'à son âge il lui fût permis de faire un présent de cette conséquence. Il ne fut pas plutôt rentré chez lui, qu'un esclave lui vint apporter les vases, et lui dit d'y faire mettre sa marque, et de les garder. Philotas craignant d'être blâmé, s'il les acceptoit, les renvoya par le même esclave, et courut faire de nouveaux remercimens au jeune Antoine : « Pauvre homme ! lui dit celui-ci, << pourquoi refuse-tu les dons de ton ami? Ne sais-tu << pas que c'est le fils d'Antoine qui te fait ce présent, << et qu'il en a le pouvoir ? Si cependant tu veux m'en << croire, reçois-en de ma main la valeur en argent, << parce qu'il pourroit arriver qu'on redemandât quel« ques-uns de ces effets qui sont antiques, et dont << on estime beaucoup le travail. » Ce jeune homme s'annonçoit pour devoir être aussi libéral et peut-être aussi prodigue que son père.

12. Xerxès, roi de Perse, étant entré dans Célène, ville de la Phrygie, près de laquelle le Méandre prend sa source, y fut reçu par Pythius, qui en étoit le souverain, avec une magnificence incroyable. Non conlent de lui avoir fait une fête splendide, il lui offrit tous ses biens pour fournir aux frais de son expédition contre les Grecs.Xerxès surpris, ettout-à-la-fois charmé de la générosité de son hôte, eut la curiosité d'apprendre à quoi montoient ses richesses. Pythius lui répondit que, dans le dessein de les lui présenter, il en avoit fait un compte exact, et qu'elles montoient, pour l'argent, à deux mille talens; et pour l'or, à environ quatre millions de dariques, ajoutant que ces sommes ne lui étoient pas nécessaires, puisque ses revenus lui suffisoient pour l'entretien de sa maison. Xerxès lui marqua une vive reconnoissance, fit une amitié particulière avec lui;

et, pour ne pas se laisser vaincre en générosité, an lieu d'accepter ses offres, il l'obligea de recevoir ce qui manquoit à ses sommes, pour en faire un compte rond.

13. Le philosophe Arcésilas prêtoit volontiers sa vaisselle d'or et d'argent à ses amis, quand ils avoient de grands repas à donner. Un d'entre eux, étant dans ce cas, emprunta tout, et ne renvoya rien. Arcésilas, sachant qu'il étoit très-pauvre, lui fit dire qu'il pouvoit tout garder.

14. Charles Benoise, trésorier du cabinet, et depuis maître des comptes, ayant laissé son porte-feuille dans le cabinet de Henri III, le prince l'ouvrit, et y trouva un morceau de papier, où Benoise, pour essayer sa plume, avoit écrit ces mots, qui sont le commencement d'une ordonnance: Trésorier de mon épargne. Lemonarque continua d'écrire : «Vous paierez ausieur « Benoise, secrétaire de mon cabinet, la somme de << mille écus, » et signa. Benoise, venant pour travailleravec le roi, fut agréablement surpris de trouver l'ordonnance, et le remercia avec des expressions qui marquoient si bien le vivacité de sa reconnoissance, que Henri,ne croyant pas le présent proportionné aux remercimens, demanda le billet, et y ajouta un zéro, ou le mot dix à la somme, et convertit ainsi les mille écus en dix mille; ce qui étoit alors une somme très-considérable.

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15. Une femme fort pauvre, mais qui avoit la consolation d'avoir une fille aimable, se présenta avec cette jeune personne à l'audience du cardinal Farnèse. Elle lui exposa qu'elle étoit sur le point d'être renvoyée avec sa fille d'un petit appartement qu'elles occupoient chez un homme fort riche, parce qu'elles ne pouvoient lui payer cinq sequins qui lui étoient dus. Le ton d'honnêteté avec lequel elle faisoit connoître son malheur, fit aisément comprendre au cardinal qu'elle n'y étoit tombée que parce que la vertului étoit plus chère que les richesses. Il écrivit un mandat, etla chargea de le porter à son intendant. Celui-ci, après l'avoir ouvert, compta sur-le-champ cinquante sequins: « Monsieur, lui dit cette femme, je ne demandois pas « tant, et certainement monseigneur s'est trompé. » Il fallut, pour faire cesser la contestation, que l'inten

ant allât lui-même parler au cardinal. Son éminence, a reprenant son mandat, dit aux deux personnes qui toient présentes : « Vous avez tous raison, je m'étois trompé ; le procédé de madame le prouve; » et, au lieu e cinquante sequins, il en écrivit cinq cents, qu'il enagea la vertueuse mère d'accepter pour marier sa fille. 16. La générosité du célèbre Fouquet, surintendant les finances sous Louis XIV, ne l'abandonna point lans sa disgrace. Un homme de lettres, ayant vu supprimer une pension qu'il tenoit de sa libéralité, ne laissa pas de le défendre avec zèle, et de témoigner hautement sa reconnoissance. Fouquet, instruit de sa conduite, ›e retrancha quelque chose du peu qui lui restoit, et fit prier mademoiselle de Scuderi de remettre une somme considérable à cet homme de lettres. Mademoiselle de Scuderi se conduisit à cet égard avec autant de générosité que de politesse. Une pesonne, étant allée de sa part chez le littérateur, trouva le moyen, après avoir causé quelque temps avec lui, de lui laisser, sans qu'il s'en aperçût, un sac où étoit enfermée une somme proportionnée à la pension qu'il avoit perdue.

17. Un gentilhomme fort pauvre avoit deux filles à marier. Il demanda leur dot à Henri I, comte de Champagne, surnommé le Magnifique. L'intendant du comte traita fort mal ce gentilhomme, et finit par jurer que les libéralités de son maître l'avoient réduit à n'avoir plus rien à donner. « Tu en as menti, répondit le prince; je << ne t'ai pas encore donné, vilain! Tu es à moi: prenez<< le, mon gentilhomme, et je vous le garantirai. » Celuici obéit aussitôt, se saisit de l'intendant, le mit en prison, et ne lui rendit la liberté qu'après en avoir tiré cinq cents livres, avec lesquelles il maria ses deux filles. 18. Protéas, dont l'esprit plaisant amusoit Alexandre, ayant eu le malheur de déplaire à ce prince, engagea ses amis à demander son pardon; ce qu'il fit en même temps les larmes aux yeux. Alexandre, sans se laisser trop prier, lui dit qu'il oublioit sa faute. «< Seigneur, reprit << aussitôt Protéas, commencez donc par m'en donner << quelques marques, pour que j'en sois bien assuré. » Cette demande fit rire le conquérant, qui commanda qu'à l'heure même on lui donnât cinq talens.

Ce monarque écrivit à Phocion, le plus célèbre Athénien de son siècle, et l'un des plus grands hommes de la Grèce, qu'il ne le regarderoit plus comme son ami, s'il continuoit de refuser ses présens.

Il aimoit qu'on lui demandât, quoiqu'il prévînt souvent les demandes, et ne savoit point refuser. Un jeune homme, appelé Sérapion, qui donnoit la balle à ceux qui jouoient, n'avoit jamais rien reçu du roi, uniquement parce qu'il ne lui demandoit rien. Unjour qu'Alexandre vint jouer, Serapion jeta toujours la balle aux autres joueurs, et ne la lui jeta pas une seule fois. Le prince, surpris de cette conduite, lui dit enfin: « Et moi, ne mela << donneras-tu pas ?-Non, seigneur, répondit Sérapion, «puisque vous ne demandez point.» Alexandreentendit sans peine ce que le jeune homme vouloit dire: il se mit à rire,et commenca dès ce jour à lui faire beaucoup de bien. · Périllus le priant de l'aider à faire la dot de sa fille, il ordonna qu'on lui délivrât cinquante talens. « C'en est << assez de dix, lui dit cet homme fort surpris. << C'en est assez pour Périllus, répondit le vainqueur << de l'Asie; mais c'en est trop peu pour Alexandre.»

Anaxarque, à qui le trésorier de la couronne avoit ordre de donner tout ce qu'il demanderoit, alla le prier de lui donner cent talens. La somme effrayale trésorier, qui ne voulut pas la compter, sans en instruire le prince. Ce monarque lui répondit qu'Anaxarque savoit bien qu'il avoit un ami qui pouvoit et vouloit lui donner cette somme, et de plus considérables encore.

Il vit un pauvre Macédonien qui conduisoit un mulet chargé de l'argent du trésor royal, mais si las, que ne pouvant plus se soutenir, le conducteur, pour suppléer à l'épuisement de l'animal, chargea l'argent sur ses épaules. Près de succomber sous un fardeau trop pesant, il alloit le jeter à terre : « Ne te lasse << point, lui dit Alexandre, et gagne tout douce<< ment ta tente avec cet argent je te le donne. »>

Ayant fait de grandes largesses à ses soldats, il voulut aussi payer les dettes qu'ils avoient contractées. Pour cet effet, il leur en demanda l'état; mais plusieurs, dans la crainte de passer dans l'esprit de leur roi pour des dissipa

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