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teurs, ne voulurent point se faire inscrire. Quand il l'apprit, il leur en fit des reproches, et leur dit qu'il étoit mal de dissimuler ainsi avec ses compatriotes.

19. Cimon, fils de Miltiade, faisoit de ses biens un usage que le rhéteur Gorgias marque en peu de mots, mais d'une manière vive et élégante. « Cimon, dit-il, << amassoit des richesses pour s'en servir; et il s'en ser<< voit pour se faire estimer et honorer. » Il vouloit que ses vergers et ses jardiins fussent ouverts en tout temps aux citoyens, afin qu'ils pussent y prendre les fruits qui leur conviendroient. Il avoit tous les jours une table servie frugalement, mais honnêtement. Elle ne ressembloit en rien à ces tables somptueuses et délicates, où l'on n'admet que des personnes de distinction, et en petit nombre, uniquement pour faire parade de sa magnificence ou de son bon goût. Lasienne étoit simple, mais abondante; et tous les pauvres bourgeois de la ville y étoient indifféremment reçus. Il se faisoit toujours suivre de quelques domestiques qui avoient ordre de glisser secrètement quelque pièce d'argent dans la main des pauvres qu'on rencontroit, et de donner des hahits à ceux qui en manquoient. Souvent aussi il pourvut à la sépulture de ceux qui étoient morts sans avoir laissé de quoi se faire inhumer; et, ce qui est admirable, c'est qu'il n'exercoit point ses libéralités pour se rendre puissant parmi le peuple, ni pour acheter ses suffrages.

Quoiqu'il vit tous les autres gouverneurs de son temps enrichis par leurs concussions et leurs rapines, il se maintint pourtant toujours incorruptible, conserva ses mains pures, non-seulement de toute exaction, mais encore de tout présent, et continua jusqu'à la fin de sa vie de dire et de faire gratuitement, et sans aucune vue d'intérêt, tout ce qui étoit utile et expédient pour la république.

20. Mondir-Ben-Mogheïrah raconte, dans le livre du Nighiaristan,qu'étant tombé dans une extrême indigence, il quitta Damas son pays, etvint à Bagdad avec ses enfans, dans le temps que le célèbre Fadhel-Ben-Iahia étoit enfaveur auprès dukalifeHaroun Al-Raschild.Lorsqu'il fut arrivé sur la grande place du marché,ilmitses enfansà

a porte de la grande mosquée,et alla chercher fortune. vit d'abord une foule de gens de qualité, qui paroissoient s'assembler pour assister à quelque festin. Comme la faim le pressoit, il prit la résolution de les suivre, et entra avec eux dans un palais magnifique, où d'abord la porte ayant été ouverte, on les fit passer tous jusques dans la salle du festin. Chacun, dit-il lui-même, s'étant mis à table, je pris aussi ma place; et, ayant demandé à celu qui étoit assis auprès de moi le nom du maître du logis, il me dit que c'étoitFadhel. Quoiqu'à cette question je me fisse connoître pour étranger, on ne laissa pas de me souffrir avec les autres, et de me présenter une assiette d'or, comme à tous les convives; et, après le repas, deux sachets de parfums qu'on emportoit chez soi avec l'assiette. Enfin, la compagnie se séparant, je prenois le chemin de la porte, lorsqu'un valet de la maison m'arrêta. Je crus alors que l'on me vouloit faire rendre ce que j'emportois; mais on me ditseulement que Fadhel vouloit me parler: je me présentai donc devant lui. Ilme dit d'abord qu'il m'avoit reconnu pour étranger parmi les autres, et que sa curiosité l'avoit porté à apprendre de moi quelle aventure m'avoit conduit dans sa maison ? Je lui fis un détail de tout ce qui m'étoit arrivé ; et l'histoire de mes misères le toucha si fort, qu'il m'invita à demeurer le reste de la journée en conversation avec lui. Comme la nuit s'approchoit, je le priai de me permettre d'aller apprendre des nouvelles de mes enfans. Il me demanda où je les avois laissés, et lui ayant répondu qu'ils étoient à la porte de la mosquée : « Eh bien ! dit-il, il n'y a « rien à craindre pour eux; ils sont à la garde du Très« Haut. » Puis, appelant un de ses domestiques, quel il dit un mot à l'oreille, il continua la conversation, et voulut que je passasse la nuit dans son palais. Le lendemain, à mon réveil, il me donna un homme pour me conduire à la mosquée; mais, au lieu d'en prendre le chemin, ce domestique me mena dans une belle maison richement meublée, où je trouvai mes enfans. Legénéreux Fadhel les y avoit fait conduire la veille; et c'étoit pour travailler à ma fortune que cet homme bienfaisant m'avoit retenu auprès de lui sans me connoître.

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21. Un savant Suédois ayant donné au public un ourage qui fit du bruit en France, M. Colbert s'informa le son nom; et, l'ayant appris, ce ministre obtint pour ui une pension de mille écus. Le roi fit donner ordre en même temps à son ambassadeur en Suède, d'avertir ce savant de la pension que sa majesté lui accordoit à la prière de M. Colbert. L'ambassadeur le chercha d'abord à Stockolm; on n'y connoissoit pas même son nom. Enfin, après bien des perquisitions, on trouva ce savant dans une petite ville de Suède, presque ignoré de ses concitoyens. Il étoit mal accommodé des biens de la fortune; et il ne s'attendoit guère à la voir accourir, pour le favoriser", d'un climat anssi éloigné du sien. On lui vint annoncer un gentilhomme de la part de l'ambassadeur de France; et celui-ci ne se fit connoître qu'en lui remettant la moitié de sa pension, échue pendant le temps qu'on s'étoit occupé à le chercher.

22. Du Guesclin sortoit de Bordeaux, où il avoit été long-temps prisonnier. Sur sa route, il rencontra un écuyer breton, autrefois officier sous lui. Cet écuyer étoit à pied, il paroissoit très-fatigué de sa marche, et ledésordre de ses habits annoncoit sa mauvaise fortune. Du Guesclin l'ayant reconnu, lui demanda où il alloit en si mauvais équipage? Le gentilhomme lui répondit qu'il revenoit de Bretagne, où il avoit été inutilement pour y chercher de quoi payer sa rançon, etque, suivant la parole qu'il avoit donnée, il alloit se remettre dans les prisons de Bordeaux. La rancon de cet écuyer montoit acent livres que Du Guesclin lui donna, avec cent autres livres pour le mettre en état de le suivre à la guerre. 23. Un marchand présenta un bonnet à Octaï-Kan empereur des Tartares, lorsque ce prince étoit à table, un peu échauffé de vin : le bonnet lui plut; et il fitexpédier au marchand un billet pour recevoir deux cents balisches. Le billet fut dressé et livré ; mais les officiers qui devoient compter la somme ne la payèrent pas, voyant qu'elle étoit excessive pour un bonnet, et que le Kan, dans l'étatoù il étoit, n'y avoit pas fait réflexion. Le marchand parut le lendemain, et les officiers présentèrent le billet au Kan, qui se souvint fort

bien de l'avoir fait expédier; mais, au lieu d'un billetde deux cents balisches, il en fit expédier un autre de trois cents. Les officiers en différèrent encore le payement, comme ils avoient fait la première fois. Le marchand en fit ses plaintes, et le Kan lui fit faire un troisième billet de six cents balisches que les officiers furent enfin obligés de payer. Octaï, le prince du monde le plus modéré, ne s'emporta pas contre eux sur le retardement qu'ils avoient apporté a l'exécution de sa volonté; mais il leur demanda s'il y avoit au monde une chose qui fût éternelle? Les officiers répondirent qu'il n'y en avoit aucune : « Vous vous trompez, reprit l'empereur; la bonne renommée et le souvenir des bonnes actions << doivent durer éternellement. Ainsi, par vos lon<< gueurs à distribuer les largesses que vous vous « imaginez m'être inspirées par le vin, vous montrez << que vous êtes mes ennemis, puisque vous ne voulez <<< pas qu'on parle éternellement de moi dans le << monde. » Voyez BIENFAISANCE, GÉNÉROSITÉ.

LIBERTÉ.

1. QUELQU'UN conseilloit au célèbre Hippocrate

d'aller à la cour d'Artaxerxès, roi de Perse, lui disant que c'étoit un bon maître : « Je ne veux point de maître, quelque bon qu'il soit, » répondit l'immortel médecin.

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2. Le sénat de Rome, après la funeste bataille de Cannes, plutôt que de racheter les prisonniers, ce qui auroit moins coûté, aima mieux armer huit mille esclaves; et il leur fit espérer la liberté, s'ils combattoient vaillamment. Ils avoient déjà servi près de deux ans, avec beaucoup de courage : la liberté tardoit toujours à venir; et ils aimoient mieux la mériter que de la demander, quoiqu'elle fût l'objet de leurs plus ardens désirs. Il se présenta une occasion importante, où elle leur fut montrée comme le fruit prochain de leur courage. Ils firent des merveilles dans le combat, excepté quatre

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mille qui montrèrent quelque timidité. Après la bataille, ils furent tous déclarés libres. La joie fut incroyable. Gracchus, qui les commandoit, leur dit : « Avant que << de vous avoir égalé tous par le même titre de la li« berté, je n'ai point voulu mettre de différence entre << le courageux et le timide. Il est pourtant juste qu'il « y en ait. » Alors il fit promettre avec serment à tous ceux qui avoient mal fait leur devoir, que, tant qu'ils serviroient, en punition de leur faute, ils ne prendroient leur nourriture que debout, excepté en cas de maladie ; ce qui fut accepté, et exécuté avec une parfaite soumission.

3. Jamais le fameux Pollion, l'un des plus grands orateurs de son siècle, ne put s'abaisser au métier de courtisan. Il conserva toujours, dans ses procédés avec Anguste, la liberté républicaine. Ayant donné un grand repas, dans le temps où la nouvelle de la mort du jeune Caïus-César, étoit toute récente, Auguste lui écrivit pour s'en plaindre en ami : « Vous savez, lui disoit-il, «quelle part vous avez dans mon amitié ; et je m'étonne « que vous en preniez si peu à mon affliction. » Pollion lui répondit: «J'ai soupé en compagnie, le jour même « que je perdis mon fils Hérius. Qui pourroit exiger une << plus grande douleur d'un ami que d'un père? »

4. On sait que, pour la proclamation du roi de Pologne, il faut un consentement général. Lors du couronnement de Ladislas, frère aîné du roi Casimir le primat ayant demandé à la noblesse si elle agréoit ce prince, un simple gentilhomme répondit que non. On lui demanda quel reproche il avoit à faire à Ladislas ? « Aucun, dit-il; mais je ne veux point qu'il << soit roi. » Il tint ce langage pendant plus d'une heure, et suspendit la proclamation. Enfin, il se jeta aux pieds du roi, et lui dit qu'il avoit voulu voir si sa nation étoit encore libre; qu'il étoit content, et qu'il donnoit sa voix à sa majesté.

5. En 1574, Philippe II fit investir la ville de Leyde, pour la soumettre au joug espagnol qu'elle avoit secoué. Les assiégeans, instruits qu'iln'y avoit point de garnison dans la ville, y jetèrent des lettres pour engager les ha

Tome II.

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