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bitans à se rendre. On leur répond, du haut des murailles, qu'on sait que le dessein des Espagnols est de réduire la place par la famine; mais qu'ils n'y doivent pas compter, tant qu'ils entendront les chiens aboyer; que lorsque ce secours et toute autre espèce d'alimens manqueront, on mangera le bras gauche, tandis qu'on se servira du droit pour se défendre; que privé enfin de tout, on se résoudra plutôt à mourir de faim, qu'à tomber entre les mains d'un ennemi barbare. Après cette déclaration, on fit une monnaie de papier, avec cette inscription: Pour la liberté. Ce papier fut, après le siége, fidellement converti en monnaie d'argent.

6. L'ame des Romains étoit la liberté. Ils se figuroient sous ce nom un état où personne ne fût sujet que de la loi, et où la loi fût plus puissante que les hommes. Ils aimoient la patrie, parce qu'elle étoit ennemie déclarée de toute servitude et de tout esclavage.Ce goût républicain paroissoit né avec Rome même; et la puissance des rois n'y fut point contraire, parce qu'elle étoit tempérée par le pouvoir du sénat et du peuple, qui partageoient avec eux l'autorité du gouvernement. Il est vrai néanmoins que, pendant tout ce temps, ils ne firent encore qu'un foible essai de la liberté. Les mauvais traitemens de Tarquin-le-Superbe en réveillèrent vivement en eux l'amour; et ils en devinrent jaloux à l'excès, quand ils en eurent goûté la douceur toute entière sous les consuls. Il falloit que dès-lors cet amour de la liberté fût bien vif et bien violent, pour étouffer dans un père tous les sentimens de la nature, et pour lui mettre, en quelque sorte, un poignard à lamain contre ses propres enfans. Mais Brutus erut devoirsceller par leur sang la délivrance de la patrie, inspirer aux Romains, pour tous les siècles, par cette sanglante exécution, une horreur invincible de la servitude et de la tyrannie. Ce fut l'effet véritablement que produisit cet exemple. Le plus léger soupcon contre un citoyen de vouloir porter atteinte à la liberté, faisoit oublier dans l'instant même toutes ses grandes qualités, et tous les services qu'il pouvoit avoir rendus à sa patrie. Caius-Marcius,tout brillant encore de la gloire qu'il s'étoit acquise au siége de Co

rioles, fut banni pour cette seule raison. Sp. Melius malgré ses libéralités à l'égard du peuple, et à cause de ses libéralités mêmes, qui l'avoient rendu suspect, fut puni de mort. Manlius-Capitolinus fut précipité du haut de ce même Capitole qu'il avoit défendu si courageusement, et qu'il avoit sauvé des mains des Gaulois, parce qu'on crut qu'il aspiroit au despotisme. En un mot, l'amour de la liberté et l'amour de la patrie constituoient le Romain, dont le nom seul emportoit avec lui l'idée d'une souveraine indépendance, subordonnée seulement à la loi.

7. Antipater, gouverneur de Macédoine, après avoir vaincu les Athéniens dans une grande bataille, et forcé ces republicams à recourir à la négociation, reçut de leur part une ambassade solennelle, qui venoit le supplier d'accorder à la première ville de la Grèce une paix supportable. On avoit choisi pour députés ce qu'A-, thènes avoit de plus illustres personnages: à leur tête étoient Phocion et Xénocrate. La grande réputation de vertu dont jouissoit ce dernier, avoit fait croire aux Athéniens que sa présence et ses discours amolliroient le cœur. dugénéral macédonien, et que, par respect pour ce philosophe fameux, il leur imposeroit des conditions moins dures. Ils s'étoient trompés. Antipater embrassa les autres ambassadeurs, etne daigna pas même saluer Xéno-. crate. «Vous avez raison, lui dit ce sage; vous rougissez << de m'avoir pour témoin des injustices que vous voulez << faire à ma patrie. » Quand ensuite il se mit à parler, le vainqueur l'interrompit sans cesse, et finit par lui commander de se taire. Il écouta Phocion, lié de tous les temps avec les Macédoniens; parce qu'il avoit cru que l'intérêt d'Athènes le demandoit. Après qu'il eut achevé son discours, le gouverneur de Macédoine dit que les Athéniens auroient paix, alliance et amitié avec lui pourvuqu'ilsluilivrassentHypérideet Démosthène;que, rétablissant la forme donnée par leurs ancêtres à leur gouvernement,ils n'admissent aux charges que des gens convenablement riches; qu'ils les remboursassentdes frais. de la guerre, et qu'ils lui payassent une certaine somme à titre d'amende. Les ambassadeurs se soumirent à ces

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conditions, qui leur parurent assez douces.Xénocrate senten pensa bien autrement.Cegénéreux athénien conservant toujours son héroïque indépendance, et triomphant de son ennemi par sa noblefermeté : «J'avoue, dit«il, que si nous sommes esclaves, on nous traite assez << humainement; mais si nous sommes encore libres, << n'est-ce pas là nous asservir?Oma patrie! ma chère pa<<< trie! tes meilleurs citoyens te trahissent en ce jour. Dé<< plorable liberté! je te perds pourjamais. Des conditions « aussi peu équitables t'anéantissent sans espérance!>>

8. Xerxès, résolu de porter la guerre dans la Grèce, fit le dénombrement de ses troupes de terre et de mer, et demanda à Démarate s'il croyoit que les Grecs osassent l'attendre ? Ce Démarate étoit un des deux rois de Lacédémone, qui, ayant été exilé par la faction de ses ennemis, s'étoit réfugié en Perse, où il avoit été comblé de biens et d'honneurs. Mais ni l'injustice de ses concitoyens, ni les bons traitemens du monarque hospitalier, ne purent lui faire oublier sa patrie. Dès qu'il sut que Xerxès travailloit aux préparatifs de la guerre, il en avoit averti les Grecs par une voie secrète. Obligé, dans cette occasion, de s'expliquer, il le fit avec une noblesse et une liberté dignes d'un roi de Sparte.

Démarate, avant que de répondre à la question du roi, lui avoit demandé si son intention étoit qu'il lui parlât sans déguisement; et Xerxès ayant exigé de lui la plus grande sincérité : « Puisque vous me l'ordonnez,

grand prince, reprit Démarate, la vérité va vous parler << par ma bouche. Il est vrai que de tout temps la Grèce << aété nourrie dans la pauvreté; mais on a introduit chez «elle la vertu, que la sagesse cultive, et que la vigueur <<< des lois maintient. C'est par l'usage que la Grèce fait « de cette vertu, qu'elle se défend également des in<< commodités de la pauvreté, et du joug de la domina<< tion. Pourne vous parler que de mes Lacédémoniens, << soyez sûr que,nés et nourris dans la liberté, ils ne prê<<< teront jamais l'oreille à aucune proposition qui tende « à la servitude. Fussent-ils abandonnés par tous les an<< tres Grecs, et réduits à une troupe de mille soldats, ou « même à un nombre encore moindre, ils viendront au

<devant de vous, et ne refuseront pas le combat. >> A ce discours, le roi se mit à rire; et comme il ne pouvoit comprendre que des hommes libres et indépendans, tels qu'on lui dépeignoit les Lacédémoniens, qui n'avoient point de maîtres pour les contraindre, fussent capables de s'exposer ainsi aux dangers et à la mort: <«< Ils << sont libres et indépendans de tout homme, répliqua « Démarate; mais ils ont au-dessus d'eux la loi qui les <<<< domine, et ils la craignent plus que vous-même n'êtes << craint de vos sujets. Or, cette loi leur défend de fuir <<< jamais dans le combat,quelque grand que soit le nom<< bre des ennemis; et elle leur commande,en demeurant << fermes dans leur poste, de vaincre ou de mourir. »>

9. Auguste, assis sur son tribunal, rendoit la justice, et paroissoit disposé à condamner à mort plusieurs criminels. Mécène, son intime ami, s'en apercut; et voulant sauver la vie à ces malheureux, il tâcha de s'approcher de lui; mais la foule étoit trop grande. Il écrivit donc sur des tablettes ces mots : « Lève-toi, << bourreau, » et les jeta à l'empereur, qui, les ayant lues, se leva, et ne condamna personne.

10. Titus, fils de Vespasien, étant en Silicie, des députés de la ville de Tarse lui présentèrent une requête sur des objets pour eux de grande importance. Titus leur répondit qu'il s'en souviendroit lorsqu'il seroit à Rome, et qu'il se rendroit lui-même leur agent auprès de son père. Cette réponse paroissoit favorable et obligeante ; mais Apollonius de Thyane, qui l'avoit entendue, n'en fut pas content. Usant de toute la liberté que donne la philosophie: << Seigneur, dit-il à Titus, si j'accusois de<< vant vous quelques-uns de ceux-ci d'avoir conspiré << contre votre personne et contre l'empire, quel traite<<ment éprouveroient-ils de votre part?Je les ferois << périr sur-le-champ, répondit le prince.-Eh quoi ! << reprit le philosophe, n'est-il pas honteux de tirer << vengeance dans le moment, et de différer les graces; « de décider par vous-même du supplice, et d'atten<dre des ordres pour dispenser des bienfaits? » Titus fut frappé de cette remontrance;et dans le momentilaccorda aux citoyens de Tarse ce qu'ils lui demandoient.

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11. L'heureux succès de la bataille de Chéronnée enfla singulièrement Philippe,roi de Macédoine. Au sortir d'un grand repas qu'il avoit donné aux officiers,enivré également de joie et de vin,il se transporta sur le champ de bataille; et là, insultant à tous ces morts dont la terre étoit couverte, il mit en chant le commencement d'un décret que Démosthène avoit dressé pour exciter les Grecs à cette guerre, et chanta, en battant la mesure : « Démosthène,Péanien,fils de Démosthène, a dit. >> Iln'y eut personne qui ne fût choqué de voir le prince se déshonorer lui-même, etflétrir sa gloire par une bassesse si indigne d'un roi et d'un vainqueur; mais tous gardoient le silence. L'orateur Démade, du nombre des prisonniers, mais toujours libre, fut le seul qui osât lui en faire sentir l'indécence. « Eh! seigneur, lui dit-il, la fortune << vous ayant donné le rôle d'Agamemnon, comment ne << rougissez-vous point de jouer celui de Ther site?»Cette parole pleine d'une généreuse liberté, lui ouvrit les yeux, et le fit rentrer en lui-même. Loin d'en savoir mauvais gré à Démade, il l'en estima encore davantage, lui fit toutes sortes d'amitiés, et le combla d'honneur.

12. Le philosophe Zénon étoit très-familier avec Antigone, roi de Macédoine, et reprenoit avec beaucoup de liberté la passion de ce prince pour le vin. Un jour, le monarque étant ivre, s'approcha du sage, l'embrassa avec cet épanchement de coeur que donne quelquefois l'ivresse, et lui dit : « Mon cher Zénon, de<< mande-moi tout ce que tu voudras, et je te l'ac<<corderai. Eh bien ! répondit Zénon, je demande << que vous alliez cuver votre vin. »

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13. Les Athéniens envoyèrent une ambassade à Philippe, roi de Macédoine, ennemi d'autant plus redoutable, qu'il se cachoit davantage. Ce prince, en congédiant les ambassadeurs, leur dit, suivant sa coutume: << Si les Athéniens ont encore quelque chose à me de<< mander, je suis prêt à les servir.-Pendez-vous, » lui dit librement l'un d'eux, nommé Démocharès. Cette liberté lui eût coûté la vie, si la feinte clémence du roi de Macédoine n'eût arrêté son bras. « Allez rappor << ter aux Athéniens, dit-il, en s'adressant aux autres dé

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