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cour, il dit aux officiers qui l'environnoient. « Le comte « de Grand-Pré sera fàché contre moi, à cause d'une << commission secrète que je lui ai donnée, et qui l'a << arrêté à Arras, dans un temps où il auroit en occa→ << sion de signaler son courage. » Le comte, de retour, apprit ce qu'avoit dit son général. Il courut à sa tente, se jeta à ses genoux, et lui marqua sa reconnoissance et son repentir par des larmes pleines de tendresse. Le vicomte lui parla alors avec une sévérité paternelle. Ses remontrances firent un tel effet sur l'esprit de ce jeune officier, que, bien loin de tomber dans la même faute, il se signala par les plus grandes actions, pendant le reste de la campagne, et devint un des meilleurs capitaines de son siècle.

14. Khan-Hi, empereur de la Chine, avoit coutume de faire servir sur sa table des vins d'Europe. Un jour, ce prince ordonna à un mandarin, son plus fidelle favori, de boire avec lui. Il s'enivra. Le mandarin, qui craignoit les suites de cette intempérance, passa dans l'antichambre des eunuques, et leur dit que l'empereur étoit ivre; qu'il étoit à craindre qu'il ne contractât l'habitude de boire avec excès; que le vin aigriroit encore davantage son humeur déjà trop violente, et que, dans cet état, il n'épargneroit pas même ses plus chers favoris. « Pour éviter un si grand mal, ajouta le sage man<«< darin, il faut que vous me chargiez de chaînes, et << que vous me fassiez mettre dans un cachot, comme << si l'ordre en étoit venu de l'empereur.» Les eunuques approuvèrent cette idée, pour leur propre intérêt. Le prince, surpris de se trouver seul à son réveil, demanda ce qu'étoit devenu son compagnon de table? On lui répondit qu'ayant eu le malheur de déplaire à sa majesté, on l'avoit conduit, par son ordre, dans une étroite prison, où il devoit recevoir la mort. Le monarque parut quelque temps rêveur, et commanda enfin que le mandarin fût amené. Il parut chargé de chaînes, et se jeta aux pieds de son maître, comme un criminel qui attend l'arrêt de sa mort. «Qui t'a mis << en cet état? quel crime as-tu commis? » lui demanda le prince. << Mon crime? je l'ignore, » lui répondit le

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mandarin; « je sais seulement que votre majesté m'a « fait jeter dans un noir cachot, pour y être livré à « la mort. » L'empereur retomba dans une profonde rêverie il parut surpris et troublé. Enfin, rejetant sur les fumées de l'ivresse une violence dont il ne conservoit aucun souvenir, il fit ôter les chaînes au mandarin; et l'on remarqua que, depuis, il évita toujours les excès du vin.

15. Jean d'Aubigné usa d'un moyen bien extraordinaire, pour corriger Théodore d' Aubigné, son fils, qui s'étoit livré à la débauche, et déshonoroit sa naissance par une vie oisive et criminelle. Il lui envoya par un de ses domestiques, un habit de grosse serge; et, dans cet équipage, il le fit conduire dans toutes les boutiques de la ville, lui disant de choisir quel métier il vouloit apprendre, puisqu'il menoit une vie indigne d'un gentilhomme. Le jeune d'Aubigné fut si sensible à cet affront public, qu'il en tomba malade, et pensa mourir.

16. Les mœurs d'Auguste n'étoient pas trop chastes; et ce princc n'étoit pas fort délicat sur les moyens de satisfaire ses passions aveugles. Mais la philosophie vint à bout de corriger ses penchans dépravés. Epris des charmes de l'épouse d'un ami particulier du philosophe Athénodore, il l'envoya chercher dans une litière couverte, pendant que le sage étoit au logis de son ami. Le mari et la femme furent également consternés; mais ils n'avoient pas le courage de résister à l'empereur. Le philosophe s'offrit à les tirer d'embarras; et, prenant les habits de la dame lorsque la litière fut venue, il y entra à sa place, et fut porté dans la chambre de l'empereur. Ĉe prince ayant levé les rideaux de la litière, fut bien surpris d'en voir sortir, l'épée à la main, Athénodore, dont il respectoit la vertu. « Eh quoi! César, lui dit le sage, « vous ne craignez pas que quelqu'un n'imagine, pour << attenter à votre vie, l'artifice que j'emploie inno« cemment?» Auguste, surpris des dangers où ses désirs impétueux pouvoient l'entraîner, rectifia son cœur, et l'accoutuma bientôt à n'aimer que ce qui est honnête. 17. Pythius, gouverneur d'une ville de Phrygie

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étoit un homme riche et avare, qui faisoit creuser des mines dans tout le pays, de manière qu'il ne restoit presque plis de terres pour labourer. Sa femme lui fit sentir, par un stratagême adroit, l'extravagance d'une telle conduite. Pendant l'absence de són mari, elle fit faire une table d'or, ainsi que tous les vases qui servent à la table: elle fit même représenter en or la figure des mets que son mari aimoit le plus. Lorsqu'il fut de retour, on mit devant lui, à l'heure du repas la table et les vases d'or. Ce spectaclé le réjouit d'abord; mais, la faim commençant à le presser, il ordonna qu'on servît. On lui apporta les mets d'òr, qu'on avoit fabriqués en son absence. Pythius commenca à s'ennuyer de ce jeu, et, tout en colère, demanda quelque chose à manger. « Ne voyez-vous pas, <«<lui dit alors sa femme, que Fo ne nourrit pas les << hommes ? Vous ne songez qu'à tirer de l'or du sein << de la terre, au lieu d'en tirer les fruits nécessaires à

la vie. Vous ruinez l'agriculture; et tous vos sujets << mourront bientôt de faim, si vous continucz. » Pythius profita de cette lecon, et changea de conduite.

18. On fit à M. de Harlai une plainte d'une fausseté que Nibobet, procureur, , procureur, avoit commise; mais on n'avoit pas assez de preuves pour le convaincre. Le magistrat le manda, et le reçut avec un visage serein qui charma cet officier subalterne. « Asseyez-vous, M. Ñi«bobet.» Le procureur témoigna qu'il recevroit debout les ordres de Sa Grandeur. «Non, non, je veux absolu<«<ment que vous soyez assis. » M. Nibobet obéit, et alla prendre une chaise pour s'asseoir. « Un fauteuil, << s'il vous plaît, M. Nibobet, un fauteuil.- Ah! mon« seigneur, vous me remplissez de confusion; » et, en disant ces mots, le procureur conçoit les plus flattenses espérances. « Couvrez-vous donc, M. Nibobet, » continua le magistrat. M. Nibobet, qui n'avoit plus la force de résister à ces honnêtetés excessives, se couvrit. M. de Harlai, après s'être arrêté quelque temps, prit tout-à-coup un visage sévère, où régnoient la colère et la terreur. <«< M. Nibobet, lui dit-il, vous avez commis « une fausseté. » Il lui détailla son crime. « C'est chez

vous un péché d'habitude: si l'on achève de m'éclair<«< cir là-dessus, je vous avertis que je vous ferai pen<< dre. Serviteur, M. Nibobet. » Cette lecon fut utile au procureur, qui ne tarda point à se corriger.

19. L'empereur Constantin donna une belle lecon à un courtisan avide, possédé du désir d'accumuler des richesses. Avec une pique qu'il tenoit, par hasard, à la main, il traça sur la poussière à peu près la figure et l'étendue du corps humain; et, s'adressant à ce courtisan : << Que vous en semble, lui dit-il? Quand << vous auriez amassé toutes les richesses de l'univers, «<et quand vous seriez maître de toute la terre, n'est«< il pas vrai que bientôt vous n'occuperez plus que « ce petit espace que je viens de circonscrire; enco«re, supposé qu'on vous l'accorde ? »

20. Un gentilhomme de la maison de Louis XII avoit maltraité un paysan. Le monarque ordonne de retrancher le pain à cet officier, et de ne lui servir que de la viande et du yin. Le gentilhomme s'en plaint au roi, qui lui demande si les mets qu'on lui sert ne suffisent pas? « Non, sire, puisque le pain est essen« tiel à la vie.— Eh! pourquoi donc, reprit le prince, « êtes-vous assez peu raisonnable pour maltraiter « ceux qui vous le mettent à la main ? »

21. Benoit XIV, n'étant encore qu'archevêque de Bologne, apprit qu'un curé de son diocèse s'étoit rendu coupable d'une faute extrêmement grave. Il va le trouver: « Mon frère, lui dit-il, je dois à Dieu seul « la grace de ne point prévariquer je viens pleurer « avec vous et non vous gronder. Le scandale que « vous avez causé ne peut se réparer qu'en quit<< tant votre paroisse. Je vous donne un bénéfice sim«ple, qui vaut au moins votre cure. Allez, ne péchez « plus; embrassez-moi comme un père qui verse des <larmes sur un fils qui lui sera toujours cher. Vous * viendrez me voir de temps en temps, car il faut « qu'un ministre des autels soit toujours honoré. »

On lui dit qu'un malheureux poète avoit fait une satire amère contre lui. Il se la procura, la lut, la corrigea de sa propre main, et en l'envoyant à

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l'auteur, il lui conseilla de suivre ses corrections, parce qu'elle s'en vendroit mieux.

COURAGE.

1. PORSENNA, roi des Etrusques, résolu de rétablir

sur le trône Tarquin-le-Superbe qui avoit imploré son assistance, vint assiéger Rome avec une armée aussi nombreuse que redoutable. Bientôt la ville fut réduite à la plus triste extrémité; et cette cité fameuse, qui nourrissoit dans son sein les conquérans futurs de l'univers, alloit tomber sous les coups d'un voisin trop puissant, lorsqu'un jeune Romain, appelé Mutius Scévola, forme le dessein de délivrer sa patrie, pər quelqu'entreprise nouvelle et hardie. Il passe dans le camp des ennemis, après en avoir demandé la permission au sénat, en faisant entendre qu'il méditoit quelque grand projet, mais sans s'expliquer clairement. Il trompe les gardes, qui le prennent pour un homme de la nation, parce qu'il ne paroissoit porter aucune arme, et qu'il parloit leur langue. Il pénètre jusques dans la tente du roi, qui, accompagné d'un secrétaire vêtu à peu près comme lui, payoit la solde à ses troupes. Mutius, ne voulant pas demander lequel étoit le roi, de peur de se découvrir, et voyant que les soldats s'adressoient plus souvent au secrétaire, se détermine enfin, et perce le ministre d'un coup de poignard. Il est saisi sur le champ malgré toute sa résistance et traîné devant le tribunal du monarque irrité. Mais alors même, à la vue de mille affreux supplices qui le menacent, il paroît dans une contenance intrépide, plus capable d'inspirer de la terreur que d'en recevoir. «< Je << suis Romain, dit-il, mon nom est Mutius: j'ai voulu - « tuer l'ennemi de ma patric ; et je n'ai pas moins de «<,courage pour souffrir la mort, que j'en ai fait paroître « en voulant te la donner. Agir avec intrépidité, souf«frir avec constance, telles sont les vertus d'un Romain. « Je ne suis pas le seul qui ai formé ce dessein contro

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