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S'étant assemblés pour le voir et pour l'entendre, il éleva la voix et dit au monarque « Prince, au « lieu de dix graces, je ne vous en demanderai qu'une « qui me tiendra lieu de toutes. Vous avez, non loin « d'ici, une colonie de Grecs, qui n'ont qu'un petit << espace de terre qu'ils cultivent avec soin; mais aux << approches de la récolte, des Barbares, leurs voisins, << viennent tout ravager, et les privent du fruit de leurs << travaux. Je vous supplie de les mettre à l'ombre de « votre protection. » Le roi lui répondit : « Les Grecs « dont vous me parlez, étoient regardés comme mes << ennemis, et les ennemis de mes pères ; mais désor<<< mais ils seront traités comme mes amis. Au reste << pourquoi refusez-vous neuf dons que je suis disposé « à vous faire ? C'est que je n'ai point encore << acquis d'amis dans ce pays-ci. Et vous, n'avez<< vous donc besoin de rien? Il me faut des fruits << et du pain avec ces mets je fais bonne chère. »

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4. Périclès avoit tant d'éloignement pour les présens, il méprisoit si fort les richesses, il étoit tellement au-dessus de toute cupidité et de toute avarice, que, quoiqu'il eût rendu Athènes l'une des plus opulentes cités de l'univers, et qu'il eût manié longtemps avec un souverain pouvoir les finances de la Grèce, il n'augmenta pas d'une seule dragme le bien que son père lui avoit laissé. Telle fut la source et la cause véritable du crédit suprême de Périclès dans la république, digne fruit de sa droiture et de son parfait désintéressement. Il employoit ses richesses à servir utilement l'état, en s'attachant d'habiles coopérateurs dans son ministère, en aidant de bons officiers dépourvus souvent des biens de la fortune, en faisant du bien à tout le monde.

5. Dans le temps que le célèbre Lysandre commandoit la flotte des Lacédémoniens, il sut, par sa souplesse et par ses manières flatteuses, gagner les bonnes graces de Cyrus, fils du roi de Perse. « Je veux vous << prouver mon amitié, lui dit un jour ce jeune prince: << demandez, je ne vous refuserai rien. » Lysandre usa 'en digne Spartiate de la permission qu'on lui donnoit.

<< Seigneur, dit-il à Cyrus, je vous conjure d'ajouter << seulement une obole à la paye des matelots, et de <«<leur en donner quatre, au lieu de trois qu'ils re<«< coivent. » Le prince, plein d'admiration pour un désintéressement si généreux, lui fit compter aussitôt mille dariques. Lysandre les employa à fournir aux matelots cette obole d'augmentation; et, par ce moyen, il eut bientôt rendu presque vides toutes les galères des ennemis la plupart des matelots accouroient où la paye étoit la plus forte.

6. Le même Cyrus, ayant envoyé de l'argent pour payer les troupes lacédémoniennes, avoit destiné en particulier pour Callicratidas, amiral de Sparte, un riche présent qui seroit, disoit-il, un gage de son amitié pour ce grand homme. Callicratidas reçut l'argent qui devoit servir à la paye des soldats; mais il refusa le don magnifique du prince, et ajouta : «J'ho<«<nore Cyrus comme l'ami public de Lacédémone; << mais je n'ai avec lui aucune amitié particulière. »

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Quelques amis de Lysandre lui offroient une grosse somme, pour qu'il leur permit de faire mourir un de leurs ennemis. Il la refusa avec indignation. « J'eusse << reçu cet argent, lui dit Cléandre, si j'eusse été Cal«<licratidas.Et moi aussi, si j'eusse été Cléandre,» 7. Après la destruction de Corinthe on songea à punir les auteurs de l'insulte faite aux ambassadeurs romains, et l'on mit leurs biens à l'encan. Lorsqu'on vint à ceux de Dieus, qui y avoit eu le plus de part, les dix commissaires ordonnèrent au questeur qui les mettoit en vente, de laisser prendre au célèbre Polybe tout ce qu'il y trouveroit à sa bienséance, sans rien exiger de lui, et sans en rien recevoir. Il refusa cette offre, quelqu'avantageuse qu'elle parût; et il auroit cru se rendre complice, en quelque sorte, des crimes de ce scélérat, s'il avoit pris quelque partie de ses biens outre qu'il regardoit comme honteux de s'enrichir des dépouilles de son concitoyen. Non-seulement il ne voulut rien accepter, il exhorta encore ses amis de ne rien souhaiter de ce qui avoit appartenu à Diœus; et tous ceux qui suivirent cet exemple généreux furent

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comblés de justes louanges. Cette action fit concevoir aux commissaires tant d'estime pour Polybe, qu'en sortant de la Grèce, ils le prièrent de parcourir toutes les villes qui venoient d'être conquises d'accommoder leurs différents, jusqu'à ce que l'on s'y fût accoutumé aux changemens qui s'y étoient faits, et aux nouvelles lois qui leur avoient été données. La manière dont ce grand homme s'acquitta de cette honorable commission, mit le comble à sa gloire.

8. Sur le point de partir pour la conquête des Indes, Alexandre remarqua que la grande multitude de bagages et de butir que son armée traînoit après elle, en retarderoit beaucoup la marche. Un matin done que les chariots étoient déjà chargés, il brûla d'abord les siens, puis ceux de ses favoris; ensuite il ordonna qu'on mit le feu à tous les autres. Il avoit, sur ce sujet, pris le conseil de ses amis, qui avoient trouvé la chose beaucoup plus dangereuse qu'elle ne le fut dans l'exécution. Très-peu de soldats témoignèrent du mécontentement. Le plus grand nombre, animés d'un généreux désintéressemeut, et comme poussés par une inspiration divine, s'entre-donnèrent les uns aux autres, en jetant des cris de joie, les choses dont il étoit impossible de se passer, et brûlèrent tout le

reste.

9. En se promenant, le célèbre Themistocle trouva un collier d'or. Aussitôt il appela le premier homme qu'il aperçut. « Tu peux, lui dit-il, ramasser ce «collier; car tu n'es pas Themistocle. »

Jamais peut-être on ne porta le désintéressement plus loin que ne le fit le célèbre M. Annius-CuriusDentatus. Il venoit de triompher des Sabins; et, pour récompenser les exploits de ce grand homme, le sénat lui assignoit une portion de terre plus considérable que celle qu'on avoit coutume d'accorder aux anciens soldats; mais le magnanime consul refusa cette faveur, et se contenta du partage commun, ajoutant que celui qui vouloit posséder plus de terre que les autres, étoit un mauvais citoyen. Après sa victoire, les députés des Samnites vinrent le trouver, et lui offrirent

de riches présens. Curius mangeoit alors des ravės auprès de son foyer. Il se tourna vers les ambassadeurs, et leur dit : « Pour faire de pareils repas, je <«< n'ai pas besoin de tant de richesses; d'ailleurs, <«< n'est-il pas plus beau de commander à ceux qui << ont de l'or, que d'en avoir soi-même ? »

11: Epaminondas, l'un des plus grands généraux de la Grèce, ayant appris que le roi de Perse avoit envoyé des ambassadeurs à Thèbes, pour tâcher de le corrompre par des présens, les invita à dîner. Il leur servit un repas des plus simples. Tout dans sa maison annonçoit la pauvreté. « Allez, dit-il ensuite << en souriant aux ambassadeurs; allez, et apprenez « à votre maître quelle est la vie d'Epaminondas : il << comprendra qu'un homme qui sait se contenter de « si peu de chose, méprise l'or et les richesses. >>

12. Des ambassadeurs que les Etoliens, peuple de la Grèce, avoient envoyés pour complimenter ÆliusTubero-Carus, gendre de Paul-Emilie, ayant rapporté chez eux qu'ils n'avoient vu sur la table de cet illustre Romain que de la vaisselle de terre, revinrent, lorsqu'il étoit consul, lui présenter de la part de leur république, une grande quantité de belle vaisselle d'argent de toute espèce. Le généreux Romain remercia les Etoliens de leur magnificence, leur promit ses services, et refusa leur présent.

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13. Annon, riche et puissant Carthaginois, ébloui de la grande réputation du philosophe Anacharsis, lui fit dire qu'il vouloit l'aller voir, et lui faire de magnifiques présens. Cette vaine bienfaisance paroît avoir été le défaut des grands dans tous les siècles et, malheureusement pour la gloire des lettres, on a vu peu d'écrivains s'estimer assez pour refuser d'être en quelque sorte aux gages de l'opulence. Anacharsis étoit trop sage son ame étoit trop élevée pour ne pas refuser des dons qui l'avilissoient, en diminuant son agréable indépendance. Son remerciment fut donc conçu en ces termes : « Mon habillement est << celui dont se servent les Scythes; la peau de mes « pieds, qui s'est endurcie à force de marcher, me sert

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<< de souliers. Pour me reposer et dormir, il ne me << faut pas de meilleur lit que la terre ; et la sauce la << plus friande dont j'use à mes repas, est la faim. Je << mange ordinairement du lait et du fromage; et, « quand cela se trouve, de la viande. C'est pourquoi <«< je t'avertis, si tu veux me venir voir et ne me point << offenser, de donner tes magnifiques présens à tes «< concitoyens, ou bien aux Dieux immortels, et non « pas à moi. Bonjour. >>

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14. Alexandre ayant entendu parler de Diogène comme d'un homme singulier, eut la curiosité de le voir. Il le trouva assis au soleil sur son tonneau, avec tout l'équipage cynique. Après avoir causé quelque temps avec lui: « Diogène, lui dit-il, demande-moi «< ce que tu voudras, je te l'accorderai. Eh bien! << répondit le philosophe, je vous demande. que vous < vous retiriez un peu de côté, afin que je puisse << jouir des rayons du soleil. » Le même prince, paroissant avoir pitié de l'extrême pauvreté où il le voyoit réduit, lui offrit de le secourir dans ses besoins; mais le fier cynique lui répondit : « Quel est, à votre avis, << le plus pauvre, de vous, qui, non content du royaume « de vos pères, vous exposez tous les jours à mille <dangers pour en conquérir de nouveaux ; ou de << moi, qui vis satisfait de ce que je possède, et dont « les désirs ne s'étendent pas au-delà de ma besace et « de mon manteau ? »

15. Archélaüs, roi de Macédoine, invitoit Socrate à venir à sa cour, lui promettant de l'enrichir. Le philosophe lui répondit : « Le boisseau de farine ne coûte « à Athènes qu'une obole : les fontaines fournissent << abondamment de l'eau : à quoi me serviroient les ri<< chesses ? Et d'ailleurs, qu'irois-je faire chez un prince qui peut me donner plus que je ne puis lui rendre?» Alcibiade son disciple ayant fait porter chez lui des présens magnifiques, Socrate se disposoit à les renvoyer; mais son épouse Xantippe, qui étoit avare, ne pouvoit y consentir, et lui disoit qu'il seroit bien fou de ne pas recevoir ces dons faits de si bonne grace. Le sage lui répondit ; « Alcibiade met sa gloire à m'en

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