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<< voyer de riches présens; je fais consister la mienne « à les refuser. >>

16. Le poète Anacréon ayant reçu de Polycrate, tyran de Samos, une gratification de cinq talens, ou cinq mille écus , passa deux nuits sans dormir, proie aux plus vives inquiétudes.

Le repos quitta son logis;

Il eut pour hôtes les soucis,

Les soupçons,

les alarmes vaines.

Tout le jour il avoit l'oeil au guet; et la nuit,
Si quelque chat faisoit du bruit,

Le chat prenoit l'argent.

en

Enfin, comme le savetier de la fable, Anacréon résolut de se défaire d'un argent que le Ciel lui avoit envoyé dans sa colère; et préconisant le désintéressement des sages, dont il sentoit en ce moment tout le prix, il renvoya les cinq talens au tyran de Samos. « Cachez-les avec soin dans votre coffre, lui <«< dit-il; car ils pourroient bien vous jouer le même << tour qu'à moi. »

17. Ålexand-le-Grand envoya à Phocion, général athénien, un présent de cent mille écus. Ce capitaine demanda aux députés du monarque,« pourquoi, <« dans un si grand nombre d'Athéniens, il étoit le << seul que le roi de Macédoine eût jugé digne de ses <«< bienfaits?» Les ambassadeurs lui répondirent qu'Alexandre vouloit lui témoigner, par cette distinction, combien il estimoit sa vertu. « Eh bien! << qu'il me laisse donc cette vertu, reprit Phocion, « et qu'il garde ses trésors. »

Une autre fois, Antipater, gouverneur de la Macédoine, lui fit offrir une grosse somme d'argent par un certain Ménillus. Phocion la refusa. « Permettez du <«< moins, lui dit le député, qu'on la donne à votre fils. «Non, répondit Phocion: si mon fils sait régler sa <«< vie et ses mœurs, l'héritage de son père lui suffira; << mais s'il devient un prodigue et un débauché, quel << qu'argent qu'on lui donne, il n'en aura jamais assez.>> 18. Le même conquérant fit présenter une somme

d'argent considérable au philosophe Xénocrate. Ce sage, pour ne pas paroître mépriser les dons du prince, en prit une très-petite partie, et dit aux envoyés « Reportez le reste à votre maître ; il en << a plus besoin que moi. »

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19. Une abbaye étant venue à vaquer, deux moines allèrent offrir à Guillaume-le-Roux, roi d'Angleterre, une somme considérable pour l'obtenir. Le monarque écouta leurs offres, et s'adressa, sans leur répondre, à un troisième moine qui étoit venu avec eux, et qui n'avoit encore rien dit : « Et vous, lui demanda-t-il « combien me voulez-vous donner de cette abbaye? «< Moi, sire, répondit le religieux, je n'ai rien à << donner; et je serois bien fàché d'acheter un emploi « qui, obtenu de cette manière, seroit nuisible à mon << salut. « Le roi charmé de ce désintéressement, lui dit: « De tels sentimens vous rendent digne de com« mander aux autres je vous donne cette abbaye. » 20. Le duc de Montmorenci étant à Montpellier pour éviter d'être suivi d'une troupe de soldats qui se disposoient à l'accompagner avec leurs acclamations ordinaires, s'avisa de leur jeter des poignées d'argent mais ces guerriers, sans s'amuser à le ramasser, comme il se l'étoit promis, ne l'abandonnèrent point, et l'escortèrent jusqu'à ce qu'il fût rentré chez lui.

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21. Dès que le célèbre M. Fagon fut premier médecin du roi Louis XIV, il donna à la cour un spectacle rare et singulier, un exemple qui non-seulement n'y a pas été suivi, mais peut-être y a été blâmé. Il diminua beaucoup les revenus de sa charge. Il se retrancha ce que les autres médecins de la cour, ses subalternes, payoient pour leur serment. Il abolit des tributs qu'il trouvoit établis sur les nominations aux chaires royales de professeur en médecine dans les différentes universités, et sur les intendances des eaux minérales du royaume. Il se frustra lui-même de tout cc que lui avoit préparé, avant qu'il fût en place, une avarice ingénieuse et inventive, dont il pouvoit assez innocemment recueillir le fruit ; et il ne voulut point que ce qui appartenoit au mérite lui pût être disputé

par l'argent, rival trop dangereux et trop accoutumé à vaincre. Le roi, en faisant la maison du duc de Berri, donna à M. Fagon la charge de premier médecin de ce prince, pour la vendre à qui il voudroit. Ce n'étoit pas une somme à mépriser ; mais M. Fagon ne démentit pas :il représenta qu'une place aussi importante ne devoit pas être vénale; et la fit tomber à M. de la Carlière, qu'il en jugea le plus digne.

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22. Un officier-général vint proposer à M. de Turenne un moyen de gagner quatre cent mille francs dans quinze jours, sans que la cour pût jamais en avoir connoissance. Il lui répondit, avec autant de simplicité que de noblesse: «Je vous suis fort obligé ; mais << comme j'ai souvent trouvé de semblables occasions << sans en avoir jamais profité, je ne crois pas devoir <«< changer da conduite à mon âge. » A peu près dans le même temps, les habitans d'une grande ville lui offrirent cent mille écus, pourvu qu'il voulût bien se détourner de son chemin, et ne point faire passer ses troupes chez eux. Il leur répondit: «Comme votre ville « n'est point sur la route par où j'ai résolu de faire « marcher l'armée, je ne puis prendre l'argent que « vous m'offrez.

23. S. Grégoire, évêque de Constantinople, que sa haute vertu, ni la faveur de Théodose-le-Grand ne mettoient pas à l'abri de l'insolence des hérétiques résolut de renoncer à l'épiscopat ; mais les vives instances de son peuple l'obligèrent de différer l'exécution de ce projet. L'empereur, qui vouloit concilier tous les partis, et rendre la paix à l'Eglise, convoqua un concile à Constantinople. Ce fut pour Grégoire l'occasion qu'il désiroit depuis si long-temps. Les évêques d'Occident étoient prévenus contre son ordination: ils réclamoient l'autorité des canons contre un prélat qui, déjà évêque de deux siéges, disoient-ils, étoit venu s'emparer encore de celui de Constantinople. Saint Grégoire n'eût pas été embarrasé de se défendre, s'il eût souhaité de gagner sa cause; mais indifférent pour les dignités, après avoir déclaré que pour calmer la tempête, il subissoit avec joie le sort,

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de Jonas, il abdiqua l'épiscopat en plein concile. La plupart des prélats acceptèrent, sans délibérer, la démission de cet homme divin, dont l'éloquence excitoit leur jalousie, et dont l'austérité condamnoit leur luxe. Cependant il falloit encore le consentement de Théodose; et c'étoit le plus grand obstacle. Grégoire alla au palais; et s'approchant de l'empereur, qu'il trouva environné d'une cour nombreuse et brillante : << Prince, lui dit-il, je viens vous demander une grace: << vous aimez à en accorder. Ce n'est pas de l'or pour «< mon usage, ni des ornemens pour mon église ; ce << ne sont pas non plus des gouvernemens ni des em<< plois pour quelqu'un de mes proches. Je laisse ces fa<< veurs à ceux qui ne recherchent que ce qui est de « nul prix. Mon ambition s'est toujours élevée audessus << des choses de la terre. Je ne désire de votre bonté << que la permission de céder à l'envie. Je respecte le « trône épiscopal, mais je ne veux le voir que de loin. Je suis las de me rendre odieux à mes amis mêmes, << parce que je ne cherche qu'à plaire à Dieu. Réta<«<tablissez entre les évêques cette concorde si pré<< cieuse ; qu'ils terminent enfin leurs débats, si ce << n'est par la crainte de la justice divine, du moins par «< complaisance pour l'empereur. Vainqueur des Bar«bares, remportez encore cette victoire sur l'ennemi << de l'Eglise. Vous voyez mes cheveux blancs et mes « infirmités. J'ai épuisé au service de Dieu ce qu'il << m'avoit donné de forces. Vous le savez, prince; << c'est contre mon gré que vous m'avez chargé du << fardeau sous lequel je succombe. Permettez-moi de <«<le mettre àvos pieds, et d'achever en liberté ce qui << me reste d'une longue et pénible carrière.» Ces paroles affligèrent sensiblement l'empereur: mais la demande étoit aussi juste que sincère. Il consentit à regret; et le saint prélat, après avoir dit adieu à son peuple, par un discours plein d'une tendresse noble et chétienne, qu'il prononça dans la grande église de Constantinople, en présence des évêques du concile, alla terminer le cours d'une vie pénitente et laborieuse

dans sa chère solitude, après laquelle il n'avoit cessé de soupirer.

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24. Un saint abbé, nommé Ammonius, joignant la science la plus profonde à la piété la plus éminente fut demandé pour évêque par les hahitans d'une ville qui vinrent trouver le saint évêque Timothée et le prièrent de vouloir bien lui conférer l'onction épiscopale. «< Amenez-le-moi, leur dit Timothée, et je l'or«donnerai. » Ils allèrent donc en foule pour le prendre; mais il s'évada secrètement. On l'atteignit pourtant; et comme on vouloit le saisir, malgré ses prières, il se coupa l'oreille gauche, et leur dit : « Vous voyez « maintenant que je ne puis devenir ce que vous vou→ » lez que je sois par force, puisque la loi défend que <«< celui qui a les oreilles coupées soit élevé au sacer<< doce. » Etonnés de cette conduite, ils retournèrent aussitôt vers Timothée, lui raconter l'action d'Ammonius, et le prétexte sur lequel il fondoit son refus. « Que cette loi, répondit Timothée, soit en usage chez <<< les Juifs, à la bonne heure! mais, pour moi, quand << vous m'ameneriez un homme qui auroit le nez coupé, << pourvu qu'il fût de bonnes mœurs, je l'ordonnerois.>> Ils allèrent donc réitérer leurs instances auprès d'Ammonius; mais ne pouvant rien gagner sur lui, ils résolurent d'employer la violence. Ce saint abbé, usant alors du serment, leur dit : «Si vous me contrai<< gnez davantage, je me couperai la langue. » Cette menace les intimida. Pleins d'admiration pour sa vertu et pour cet héroïque désintéressement, ils se retirèrent en se recommandant à ses prières.

25. Albornos, archevêque de Tolède, donna sa démission de ce riche archevêché aussitôt qu'il fut cardinal. Il dit à ceux qui paroissoient surpris de sa conduite: «Je serois très-blamable de garder une épouse que je << ne puis servir. »

26. Agis IV, roi de Lacédémone, auroit pu vivre, comme la plupart des monarques, dans l'opulence et dans les délices ; mais il méprisa l'un et l'autre. Flein d'un noble désintéressement, entiérement détaché des richesses, loin d'augmenter ses biens, il voulut rétablir

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