صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

était l'élu du peuple doué d'un timbre si sonore et de dehors si florissants. On voulait savoir son nom, connaître son origine. Les femmes l'enveloppèrent de regards curieux et de prunelles ardentes. Tout autre y eût perdu son sang-froid; lui ne s'en émut pas; il resta maître de son terrain. Quelques minutes après, un prétexte s'offrit, et, se recueillant dans un nouvel effort:

-- Vive la république! s'écria-t-il.

C'était un autre registre, plus puissant que le premier; on eût dit tout un orchestre. La salle en fut frappée jamais les théories du son n'avaient reçu une application plus formidable. Les vibrations remplissaient l'enceinte et s'y répercutaient avec une rare vigueur. Dès ce moment, Simon fut classé; l'Assemblée comprit qu'elle avait un maître le sceptre vocal lui échut. L'occasion était belle, il en usa. Il devint la note dominante du refrain de la journée.

Vive la république! s'écriait-il à chaque

instant.

Et l'Assemblée de répéter avec lui :

Vive la république !

On y revint dix-sept fois de suite; dix-sept fois de suite, Simon fit prévaloir son timbre sur celui de ses collègues réunis. De la part de l'Assemblée, ces manifestations itératives étaient un

gage donné au régime nouveau : elle les prodiguait pour désarmer les soupçons et conjurer les défiances. De la part de Simon, le sentiment était plus personnel: il s'agissait d'assurer l'empire de son instrument. Simon atteignit son but; l'Assemblée dépassa le sien. Au dehors, les partis ne virent dans cet excès de zèle qu'une capitulation de conscience et une concession faite à la peur. L'Assemblée en fut donc pour ses frais. Quant à Simon, l'épreuve à laquelle on le mit ne servit qu'à constater les ressources imposantes et variées de son organe. Il ne faiblit pas un instant et ne changea pas de clavier. Toujours la même sûreté, la même plénitude. Le son demeura ce qu'il était au début, brillant, nourri, merveilleux pour le volume et pour la qualité. Aucun succès ne lui manqua.

Cependant une dernière épreuve l'attendait. Simon avait proclamé dix-sept fois la république dans l'enceinte des délibérations; mais, au dehors et à l'air libre, cet instrument victorieux conserverait-il ses avantages? Les lois de l'acoustique varient suivant l'espace, suivant les lieux. L'organe garderait-il son rang en changeant de théâtre? C'était à vérifier. Sur l'inspiration de quelques membres, l'Assemblée venait de décider qu'elle s'offrirait solennellement aux regards du

peuple, avide de la voir. L'exhibition avait pour siége le perron du palais. Le regard planait de là sur la ligne des quais et des ponts; il embrassait les Tuileries et les Champs-Élysées, deux massifs verdoyants, au milieu desquels s'élevait l'obélisque égyptien, pareil à un gnomon solaire. Le soleil s'abaissait à l'horizon et changeait le feuillage en un crible lumineux. L'air était doux, la nature calme; elle semblait inviter au repos ces cœurs agités de passions tumultueuses.

L'Assemblée se rangea sur les marches du monument, au milieu de cris divers et des ondulations de la foule. Les baïonnettes étincelaient au loin, l'hymne patriotique éclatait dans les rangs et se mêlait au roulement des tambours et aux fanfares des clairons. Les grilles du palais cédaient sous la pression d'une multitude désordonnée. On attendait de l'Assemblée une manifestation publique, un engagement pris à la face du ciel, devant le peuple réuni. Cet engagement se résumait en un seul cri que répétèrent huit cents voix :

- Vive la république !

L'expérience fut décisive pour Simon; il s'éleva plus haut qu'il ne l'avait fait. Il domina tout, ses collègues, les tambours, les clairons, les corps de musique. On put l'entendre de la Made

leine. Désormais, il n'avait plus de rivalité à craindre dans l'échelle des sons humains; le canon des Invalides pouvait seul se mesurer avec lui.

Malvina avait donné à la représentation du pays la plus belle voix de la république.

XX

Les secrets des coulisses.

L'assemblée qui venait de se réunir n'était pas homogène divers éléments avaient concouru à la former. Les hommes se connaissaient peu; l'esprit n'était pas le même. Il s'ensuivit, au début, beaucoup d'impuissance et d'hésitation. On s'observait; on ne se livrait pas. Point de grands partis qui eussent le dessein et la force de se disputer l'empire. Les opinions se formaient par groupes, par nuances et sur des points de détail. Le sentiment qui dominait était une adhésion passive aux faits accomplis, et le désir sincère de les faire incliner vers le repos et la sécurité de la patrie.

« السابقةمتابعة »