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T

DICTIONNAIRE

HISTORIQUE

D'ÉDUCATION.

HABITUDE.

1.PLATON, LATON, voyant un jeune homme occupé à jouer, lui en fit des reproches très-vifs : « Je ne joue » qu'un très-petit jeu, lui répondit le jeune homme. Eh! comptez-vous pour rien, repliqua le fage, » l'habitude du jeu que vous contractez par-là » ?

2. Le comte de Grammont, étant encore fort jeune étoit en voyage avec fon gouverneur, pour fe rendre à l'armée de Piémont. Il defcendit à Lyon dans une auberge. Le gouverneur, qui appréhendoit que fon élève ne trouvât quelque fujet de diffipation qui l'arrétât trop long-temps, vouloit le faire fouper dans une chambre; mais le comte infifta à manger en compagnie. «En pleine auberge ! s'écria le rigide Mentor. » Eh! monfieur, vous n'y penfez pas; ils font une » douzaine de baragouineurs à jouer aux cartes & aux » dés, qui font un bruit de diable ». A ces mots de cartes & de dés, dit le comte, fon aventure, je fentis mon argent pétiller. Je defqui rapporte lui-même cendis, & fus un peu furpris de trouver la falle où fon mangeoit, remplie de figures extraordinaites. Mon

Tome II,

A

hôte, après m'avoir préfenté, m'affura qu'il n'y auroit que dix-huit ou vingt de ces meffieurs qui auroient l'honneur de manger avec moi. Je m'approchai d'une table où l'on jouoit, & je penfai mourir de rire. Je m'étois attendu à trouver bonne compagnie & gros jeu; & c'étoient deux Allemands qui jouoient au trictrac. Jamais chevaux de carroffe n'ont joué comme ils faifoient; mais leur figure fur-tout paffoit l'imagination. Celui auprès duquel je me trouvois, étoit un petit ragot, graffouillet & rond comme une boule. Il avoit une fraife, avec un chapeau pointu haut d'une aune. Non, il n'y a perfonne qui, d'un peu loin, ne l'eût pris pour le dôme de quelque églife avec un clocher deffus. Je demandai à l'hôte ce que c'étoit ? Un mar» chand de Bafle, me dit-il, qui vient vendre ici des » chevaux; mais je crois qu'il n'en vendra guère de » la manière qu'il s'y prend; car il ne fait que jouer. " Joue-t-il gros jeu? lui dis-je. - Non pas à pré» fent, répondit-il; ce n'eft que pour leur écot, en » attendant le fouper. Mais, quand on peut tenir le petit » marchand en particulier, il joue beau jeu. — A-t-il de »l'argent ? lui dis-je.-Oh! oh! dit le perfide Cerize, » (c'étoit le nom de l'aubergifte) plût à Dieu que vous Ini euffiez gagné mille piftoles, & moi en être de moitié! nous ne ferions pas long-temps à les attendre ». Il ne m'en fallut pas davantage pour méditer la ruine du chapeau pointu. Je me remis auprès de lui pour l'étudier. Il jouoit tout de travers: écoles fur écoles, Dieu fait ! Je commençois à me fentir quelques remords fur "l'argent que je devois gagner à une petite citrouille, qui en favoit fi peu. Il perdit fon écot: on fervit, & je le fis mettre auprès de moi. C'étoit une table de réfectoire, où nous étions pour le moins vingt-cinq, malgré la promeffe de mon hôte. Le plus mauvais repas fini, toute cette cohue fe diffipa, je ne fais comment, à la réferve du petit Suiffe qui fe tint auprès de moi, & de l'hôte qui vint fe mettre de l'autre côté. Ils fumoient comme des dragons, & le Suiffe me difoit de temps en temps; « De»mande pardon à monfieur de la liberté grande »; làdeffus il m'envoyoit des bouffées de tabac à m'étouffer.

Cerize, de l'autre côté, me demanda la liberté de me de mander fi j'avois été dans fon pays, & parut furpris de me voir affez bon air fans avoir voyagé en Suiffe. Le petir rágot, à qui j'avois affaire, étoit auffi queftionneur que l'autre : il me demanda fi je venois de l'armée de Piémont ; &, lui ayant dit que j'y allois, il me demanda fi je voulois acheter des chevaux ; qu'il en avoit bien deux cens, dont il me feroit bon marché. Je commençois à être enfumé comme un jambon; &, m'ennuyant du tabac & des queftions, je propofai à mon homme de jouer une petite piftole au trictrac, en attendant que nos gens euffent foupé. Ce ne fut pas fans beaucoup de façons qu'il y confentit, & me demandant pardon de la liberté grande. Je lui gagnai partie, revanche & le tout en un clind'oeil ; car il fe troubloit & fe laiffoit enfiler, que c'étoit une bénédiction. Brinon (le gouverneur du comte), arriva fur la fin de la troisième partie, pour me mener couches. Il fit un grand figne de croix, & n'eut aucun égard à tous ceux que je lui faifois de fortir. Il fallut me lever pour en aller donner l'ordre en particulier. Il commença par me faire des réprimandes de ce que je m'enca naillois avec un vilain monftre comme cela. J'eus beau lur dire que c'étoit un gros marchand qui avoit force argent, & qui ne jouoit non plus qu'un enfant : « Lui marchand, » s'écria-t-il! ne vous y fiez pas, M. le comte ; je ne fois pas homme, fi ce n'eft quelque forcier.- Tais-tois, » vieux fou, lui dis-je; il n'eft non plus forcier que toi, c'est tout dire ; &, pour te le montrer, je lui veux ga»gner quatre ou cinq cens piftoles avant de me cou» cher ». En difant cela, je le mis dehors, avec défense de rentrer ou de nous interrompre. Le jeu fini, le petit Suiffe déboutonne fon haut-de-chauffes, pour tirer un beau quadruple d'un de fes gouffets; & me le préfentant, il me demande pardon de la liberté grande, & voulut se retirer. Ce n'étoit pas mon compte. Je lui dis que nous ne jouyons que pour nous amufer; que je ne voulois point de fon argent; & que, s'il vouloit, je lui jouerois fes quatre piftoles dans un tour unique. Il en fit quelque difficulté; mais il fe rendit à la fin, & les regagna. Je fus piqué. J'en rejonai un autre ; la chance

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tourna; le dé lui devint favorable, & les écoles cefsè rent. Je perdis partie, revanche & le tout; les moitiés fuivirent, le tout enfin. J'étois piqué; lui beau joueur il ne me refufa rien, & me gagna tout, fans que j'euffe pris fix trous en huit ou dix parties. Je lui demandai encore un tour pour cent piftoles; mais, comme il vit que je ne mettois pas au jeu, il me dit qu'il étoit tard, qu'il falloit qu'il allât voir fes chevaux, & fe retira, me demandant pardon de la liberté grande. Le fang-froid dont il me refufa, & la politeffe avec laquelle il me fit la révérence, me piquèrent tellement, que je fus tenté de le tuer. La rapidité dont je venois de perdre jufqu'à la dernière piftole m'avoit tellement troublé que je ne fis pas d'abord toutes les réflexions qu'il y a à faire fur l'état où j'étois réduit.

3. Alipe, jeune homme d'une des meilleures maifons de Tagafte en Afrique, patrie de S. Auguftin, étoit allé à Rome pour y étudier le droit. Quelques jeunes gens de fes amis, & qui étudioient le droit comme lui l'ayant rencontré par hafard, lui proposèrent de venir avec eux voir les combats des gladiateurs. Il rejetta avec horreur cette propofition, ayant toujours eu un extrême éloignement pour cet horrible spectacle où l'on voyoit répandre le fang humain. Sa réfiftance ne fit que les animer davantage; &, ufant de cette forte de violence qu'on fe fait quelquefois entre amis, ils l'emmenèrent avec eux malgré lui. « Que faites-vous ? leur difoit-il : » vous pouvez bien entraîner mon corps, & me placer » parmi vous à l'amphithéâtre; mais difpoferez-vous de » mon efprit & de mes yeux, pour les rendre attentifs » au spectacle? J'y affifterai comme n'y affiftant point; " & j'en triompherai auffi-bien que de vous ». Ils arrivent, & trouvent tout l'amphithéâtre dans l'ardeur & dans les tranfports de ces barbares plaifirs. Alipe ferma fes yeux auffi-tôt, & défendit à fon ame de prendre part à une fi déteftable fureur. Heureux, s'il avoit pu auffi fermer fes oreilles! Elles furent frappées avec violence par un grand cri que jetta tout le peuple, à l'occafion d'un coup mortel porté à un gladiateur. Vaincu par la curiofité, fe croyant fupérieur à tout, il ouvrit les yeux,

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