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PRÉFACE.

LES Sermons de Massillon ont été prêchés vingt ans de suite, à Paris ou à la cour, avec un succès toujours égal. C'est le préjugé le moins équivoque et le plus décisif, en faveur de ce genre d'ouvrages. Un talent médiocre a quelquefois la vogue; et tant qu'il ne sera pas effacé par un talent supérieur, on le verra s'attirer, et se conserver même pour un temps, l'estime et les applaudissements du public. Mais, réunir en sa faveur et fixer constamment les suffrages d'une multitude libre et indépendante, toujours prête à se retirer dès qu'on cesse de l'attacher et de lui plaire, c'est ce qui n'est donné qu'aux génies du premier ordre. Il n'appartient qu'aux Bossuet, aux Bourdaloue et à ceux qui leur ressemblent, d'exercer

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Jusqu'à présent le Petit Caréme a formé le premier volume des OEuvres de Massillon. On a cru mieux faire en le plaçant ici dans son ordre naturel, après l'Avent et le Caréme; et cependant on a conservé la préface ou avertissement de l'in-12, afin que le lecteur n'ait rien à regretter de ce qui se trouve dans les anciennes éditions.

un empire perpétuel sur les esprits et sur

les cœurs.

Nous pouvons donc nous dispenser de faire ici l'éloge des Sermons de Massillon. Qu'ajouterions-nous à l'approbation constante et unanime de toute la France? D'ailleurs le public s'apercevra bientôt que les Sermons que nous lui présentons, sont dans le vrai goût de la chaire; c'est au cœur que parle Massillon; c'est le cœur qu'il affecte et qu'il intéresse: or quiconque a le secret d'aller au cœur, soit qu'on l'écoute, soit qu'on le lise, est sûr de plaire, et de plaire toujours.

Ce pathétique qui fait la principale force de l'éloquence et le caractère propre de notre orateur, manquoit presque entièrement à la chaire, lorsque le ministère de la parole lui fut confié. On en avoit heureusement banni tous ces traits entassés d'une érudition déplacée, assemblage bizarre du sacré et du profane, propre à imposer au vulgaire ignorant, plus propre encore à révolter l'homme sensé. Mais le commun des prédicateurs ignoroit l'art d'intéresser par le sentiment, quoique de là dépende tout le

succès du discours; et combien d'autres défauts n'avoit-on pas encore à leur reprocher? Aussi, lorsque Massillon arriva de la province, le révérend Père de La Tour, général de l'Oratoire, lui demandant ce qu'il pensoit des prédicateurs les plus suivis : Je leur trouve, répondit-il, bien de l'esprit et des talents; mais si je prêche, je ne précherai pas comme eux. Il tint parole, il prêcha, et s'ouvrit une route toute nouvelle.

Qu'on ne le soupçonne pas néanmoins d'avoir confondu Bourdaloue avec les autres orateurs de son temps. Pouvoit-il ne pas applaudir à ce grand homme, duquel il est vrai de dire, comme Quintilien le disoit de Cicéron: Qu'il faut juger du progrès que l'on a fait dans l'éloquence, par le goût que l'on trouve à la lecture de ses ouvrages. Trop connoisseur pour s'y méprendre, à peine eut-il entendu Bourdaloue, qu'il l'admira; et s'il ne le prit pas en tout pour son modèle, c'est que son talent le portoit vers un autre genre d'éloquence. Or il étoit fortement persuadé que pour réussir en quelque genre que ce soit, l'on doit étudier son ta

lent, et le suivre; en un mot, travailler de génie; que s'attacher servilement à copier la manière d'un autre, quelque parfait qu'il soit, à moins que sa manière ne se trouve assortie aux dispositions que la nature a mises en nous, c'est s'exposer à ne jamais rien faire qui ait un certain feu, et ce tour original qui fait le mérite des bons ouvrages.

Pour la plupart des autres prédicateurs, outre ce défaut d'onction et de sentiment, Massillon leur reprochoit d'entrer dans un trop grand détail sur les conditions et sur les mœurs extérieures, moyen infaillible pour ennuyer les trois quarts de son auditoire, toujours composé de personnes qui diffèrent toutes entre elles, ou par l'âge, ou par l'état, ou par la condition. Tandis que vous instruisez le magistrat sur les devoirs de sa charge, devez-vous vous flatter d'attirer l'attention de tout ce qui n'exerce point les fonctions de la magistrature? Et tous ceux qui ne sont point engagés dans le commerce, seront-ils curieux d'entendre des vérités qui n'attaquent que les fraudes et l'avarice des négociants? Non, sans doute:

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