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S. VII.

Expédition d'Artaxerxe contre les Cadufiens. Hiftoire de Datame Carien.

MNEMON.

tax. p. 1023.

1024.

QUAND Artaxerxe eut terminé la Plut. in Arguerre de Cypre, il en commença une nouvelle contre les Cadufiens, qui s'étoient apparemment révoltés, & avoient refufé de paier le tribut ordinaire; car les Auteurs ne difent rien du fujet de cette guerre. Ces peuples habitoient une partie des montagnes fituées entre le Pont-Euxin & la mer Cafpienne, au Nord de la Médie. Le terroir y eft fi ingrat, & fi peu propre au labourage, qu'on n'y femoit point de blé. Les habitans n'avoient prefque pour toute nourriture que des pommes, des poires, & quelques autres fruits de cette efpéce. Accoutumés de bonne heure à une vie dure & laborieufe, ils comptoient pour rien les fatigues & les dangers, & par cette raifon étoient fort propres au métier de la guerre. Le Roi marcha en perfonne contre eux à la tête d'une armée de trois cens mille hommes d'infanterie & de dix mille

ART A- chevaux. Téribaze le fuivit dans cette
X ER X E expédition.

A peine Artaxerxe fut-il un peu avancé dans le pays, que fon armée fouffrit une difette affreufe. Les troupes ne trouvoient rien pour fubfifter, & il étoit impoffible de faire venir des vivres d'ailleurs à caufe des chemins difficiles & impraticables. Tout le camp ne vivoit donc que de bêtes de fommes qu'on tuoit; & elles devinrent bientôt fi rares, que la tête Trente li- d'un âne y valoit foixante dragmes,

vres.

& on avoit encore bien de la peine
à en trouver. La table du Roi même
vint à manquer, & il ne reftoit que
peu de chevaux, tous les autres aiant
été confommés.

Dans cette fâcheufe conjoncture,
Téribaze fauva le Roi & l'armée
par un ftratagême dont il s'avifa. Il
y avoit deux Rois des Cadufiens,
tous deux campés féparément avec
leurs troupes. Téribaze, qui infor-
moit de tout, avoit appris qu'ils n'é-
toient pas en bonne intelligence, &
que la jaloufie les empéchoit d'agir
de concert comme ils devoient. Après
avoir communiqué fon deffein à Ar-
taxerxe, il s'en va trouver l'un de

s

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ces deux Rois, & envoie fon fils à l'au- MNEMON. tre. Chacun d'eux fit entendre à celui à qui il parloit que l'autre Roi envoioit à fon infû des Ambaffadeurs à Artaxerxe pour traiter avec ce Prince, & lui confeilla de prendre les devans afin de rendre fes conditions meilleures, promettant de l'aider de tout fon crédit. La fraude réuffit. Les a payens la croioient permife à l'égard des ennemis. Les Ambaffadeurs partirent chacun de leur côté, les uns avec Téribaze, les autres avec fon fils.

Comme cette double négociation dura un peu de tems, Artaxerxe commença à entrer en foupçon contre Téribaze, & ses ennemis & fes ennemis, profitant de cette occafion, n'oubliérent rien pour le calomnier, & pour le perdre dans l'efprit du Roi. Déja même ce Prince fe repentoit de s'être fié à lui; & par là il donnoit lieu à fes envieux de répandre leurs calomnies. A quoi tient la fortune des plus fidéles fujets auprès d'un Prince foupçonneux & crédule? Sur ces entrefaites arrivent Téribaze de fon côté, & fon fils de l'autre, chacun avec les Ambaffadeurs des Cadufiens. Le traité aiant été

a Dolus, an virtus, quis in hofte requirat? Virgil.

ARTA

conclu avec les uns & les autres, & XER X E la paix faite Téribaze devint plus puiffant que jamais dans l'efprit de fon Maître, & partit avec lui.

talens.

Le Roi, dans cette marche, se fit beaucoup admirer. Ni l'or dont il étoit couvert, ni fa robe de pourpre, ni les pierreries qui brilloient fur fa perfonne, & qui montoient à la Douze mille fomme de trente-fix millions ne l'empéchoient point de fe livrer à la fatigue comme le moindre foldat. On le voioit, le carquois fur l'épaule, & le bras chargé de fon bouclier, laiffer fon cheval, & marcher le premier dans ces chemins raboteux & difficiles. Les foldats, voiant fa patience & fon courage, animés par fon exemple, devenoient fi légers qu'il fembloit qu'ils euffent des ailes. Enfin il arriva à une de fes maifons roiales, où il y avoit des jardins parfaitement bien tenus, & un parc d'une grande étendue, & d'autant plus merveilleux que toute la campagne des environs étoit nue & fans aucun arbre. Comme on étoit au cœur de l'hiver, & qu'il faifoit un froid exceffif, il permit à fes foldats de couper du bois dans fon parc, fans épargner fes plus beaux ar

bres, ni fes pins, ni fes ciprès. Mais les MNEMON. foldats ne pouvant se réfoudre à abbattre des arbres dont ils admiroient la beauté & la grandeur, le Roi prit la coignée lui-même, & commença à couper l'arbre qui lui parut le plus beau & le plus grand; après quoi les foldats ne ménagérent plus rien, coupérent tout le bois qui leur étoit néceffaire, & allumérent tant de feux, qu'ils pafférent la nuit fans aucune incommodité. Quand on fait réflexion combien les grands Seigneurs tiennent à leurs jardins & à leurs maifons de plaisance, on doit savoir gré à Artaxerxe du généreux facrifice qu'il fait ici, qui marquoit en lui un bon cœur, fenfible à la peine & aux fouffrances de fes foldats. Mais il ne foutint pas toujours ce caractére,

Le Roi avoit perdu dans ce voiage un grand nombre de braves gens, & presque tous fes chevaux. Et comme il s'imagina qu'on le méprifoit à caufe de fes grandes pertes, & du mauvais fuccès de fon expédition, il devint de mauvaise humeur contre les Grands de fa Cour, & en fit mourir un grand nombre dans des emportemens de colére, & un plus grand nombre défiance, & par par

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