صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

1

S. VII

Socrate refufe de fe fauver de la prifon. Il paffe le dernier jour de fa vie à s'entretenir avee fes amis fur l'immortalité de l'ame. Il boit la ciguë. Pu→ nition de fes accufateurs. Honneurs rendus à la mémoire de Socrate.

APRÈS que la fentence eut été prononcée, a Socrate, avec cette même fermeté de vifage qui avoit tenu les Tyrans en refpect, s'achemina vers la prifon, qui perdit ce nom dès qu'il y fut entré, dit Sénéque étant devenue le féjour de la probité & de la vertu. Ses amis l'y fuivirent, & continuérent à le vifiter durant trente jours qui fe pafférent entre fa condannation & fa mort. La caufe de ce long délai étoit que les Athéniens envoioient tous les ans un I vaiffeau dans l'île de Délos, pour y

a Socrates eodem ille quo Socrates crat. Senec. vultu > quo aliquando in confolat. ad. Helv. cap. folus triginta Tyrannos 13.

in ordinem redegerat Socrates carcerem incarcerem intravit, igno-trando purgavit, omniminiam ipfi loco detra que honeftiorem curia turus. Neque enim po- reddidit. Id. de vit. bear. carcer videri, in cap. 27.

e rat

MNEMON.

ART A-faire quelques facrifices; & il étoit déXERXE fendu de faire mourir perfonne dans la ville depuis que le prêtre d'Apollon avoit couronné la poupe de ce vaiffeau pour marque de fon départ, jufqu'à ce que le même vaiffeau fût de retour. Ainfi l'Arrêt aiant été prononcé contre Socrate le lendemain de cette cérémonie, il falut en différer l'exécution de trente jours qui s'écoulérent dans ce voiage.

Pendant ce long tems, la mort eut tout le loifir de préfenter à fes yeux toutes fes horreurs, & de mettre fa constance à l'épreuve, non feulement par les dures rigueurs du cachot où il avoit les fers aux piés, mais encore plus par la vûe continuelle & la cruelle attente d'un événement avec lequel la nature ne fe familiarife point. Dans Plat.in. Cri- ce trifte état, il ne laiffoit pas de jouir de cette profonde tranquillité d'ef prit que fes amis avoient toujours admirée en lui. Il les entretenoit avec la même douceur qu'il avoit toujours fait paroitre; & Criton remarque que la veille de fa mort il dormoit auffi paifiblement qu'en un autre tems. Il compofa même alors une hymne en l'honneur d'Apollon & de Diane,

zon.

& tourna en vers une fable d'Efope. MNEMON.
La veille du jour, ou le jour même
que devoit arriver de Délos ce vaif-
eau, dont le retour devoit être fuivi
de la mort de Socrate, Criton, fon
ntime ami, vient le trouver de grand
matin dans la prifon pour lui appren-
dre cette trifte nouvelle, & pour lui
annoncer en même tems qu'il ne tient
qu'à lui de fortir de la prifon; que le
géolier eft gagné ; qu'il trouvera les
portes ouvertes; & il lui offre une
retraite fûre en Theffalie. Socrate fe
prit à rire de cette propofition, & lui
demanda s'il favoit un lieu hors de
l'Attique où l'on ne mourût point.
Criton traite la chofe fort férieufe-
ment, & le preffe de profiter d'un
tems fi précieux, en lui apportant rai-
fons fur raisons pour tirer fon con-
fentement, & l'engager à prendre ce
parti. Sans parler de la douleur in-
confolable que lui caufera la mort
d'un tel ami comment pourra-t-il
foutenir les reproches d'une infinité

de
gens, qui croiront qu'il n'aura tenu
qu'à lui de le fauver, mais qu'il n'aura
pas voulu facrifier pour cela quelque
légére portion de fon bien ? Le peuple
pourra-t-il jamais fe perfuader qu'un

ARTA- homme fage comme Socrate, n'aura XER X E pas voulu fortir de prifon, le pouvant

faire en toute fûreté ? Peutêtre craintt-il d'expofer fes amis, de leur caufer la perte de leurs biens, ou même de leur liberté & de leur vie. Y a-t-il donc quelque chofe qui doive leur être plus cher & plus précieux que la confervation de Socrate? Il n'y a pas jufqu'à des étrangers qui leur dif putent cet honneur. Plufieurs font ve nus exprès avec des fommes très confidérables pour les frais de fon évafion, & déclarent qu'ils fe trouveront très honorés de le recevoir chez eux, & de lui fournir abondamment tout ce qui lui fera néceffaire. Doit-il donc fe livrer lui-même à des ennemis qui l'ont fait condanner injustement, & lui eft-il permis de trahir fa propre caufe? N'eft-il pas de fa bonté & de fa justice d'épargner à fes citoiens le crime de faire mourir un innocent? Mais fi tous ces motifs ne l'ébranlent point, & qu'il ne foit point touché de fes pro pres intérêts, peut-il être infenfible à ceux de fes enfans? En quel état les laiffe-t-il ? Prévoit-il ce qu'ils deviendront? & peut-il oublier qu'il eft pere, pour fe fouvenir feulement qu'il eft philofophe ?

Socrate, après l'avoir écouté attenti- MNEMON. vement, loue fon zéle, & lui en marque fa reconnoiffance: mais, avant que de fe rendre, il veut examiner Pil eft jufte qu'il forte de la prifon ans le confentement des Athéniens. 1 eft donc question ici de favoir fi in homme qui eft condanné à mort, quoiqu'injuffement, peut fans crime e dérober aux Loix & à la Justice. e ne fai fi, même parmi nous, il fe rouveroit beaucoup de perfonnes qui ruffent que cela pût faire une quetion.

Socrate commence par écarter tout e qui eft étranger au fujet, & vient l'abord au fond de l'affaire. » Je ferois affurément très ravi, mon cher Criton, que vous puffiez me perfuader de fortir d'ici, mais je ne le puis faire fans être perfuadé. Nous ne devons pas nous mettre en peine de › ce que dira le peuple, mais de ce que dira celui-là feul, qui juge de ce qui eft jufte ou injufte; & ce feul n'eft autre que la Vérité. Toutes les confidérations que vous m'avez alléguées, d'argent, de réputation, de famille. ne peuvent rien, à moins qu'on ne me montre que ce

« السابقةمتابعة »