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dre, et qui gêne d'autant plus que les fraudeurs ont aussi donné son personnage à un étranger. La fraude se découvre par une confrontation naturelle et comique; mais elle est bientôt pardonnée à la suite d'une double reconnaissance qui tient du prodige, sans être d'une invention merveilleuse, et le mariage d'Erostrate et de Polymneste arrange toute chose à la satisfaction commune. Il y a de la verve plaisante dans cette comédie, et les nationaux l'admirent tant qu'un critique étranger n'en doit parler qu'avec circonspection; il est sûr qu'elle amuse à la lecture, même dans notre vieux français; mais, quand on songe que c'est là le chef-d'œuvre, ou à peu près, d'un théâtre comique où Ginguené compte cent deux ouvrages de trente auteurs différens, seulement de l'an 1500 à l'an 1580, on peut regarder la comédie française avec orgueil sans trop de présomption, celle qui n'est plus, voulons-nous dire; car, pour notre comédie du jour, elle est tantôt digne de réjouir les cardinaux et les papes du xvie siècle. Quelle fatalité! cependant. Certes ce ne sont ni les sentimens généreux, ni les talens, ni le génie qui manquent à nos poètes. L'un, par sa veine fertile et sa versification chaleureuse et noble, fait assez connaître que, s'il le voulait, il saurait atteindre l'auteur de la Métromanie; l'autre affecte en vain l'oubli des premières convenances, il ne peut qu'à peine déguiser son ingénieuse finesse et l'atticisme de son esprit; celui-ci, dans des esquisses jetées comme au hasard et sans soin, décèle un fonds d'observation et de verve mordante que réclame la comédie véritable; celui-là, qui se laisse emporter à dessein par son imagination brûlante et ravage les mœurs avec la vive flamme allumée dans son cœur pour les épurer, livre au caprice d'un jour un talent né pour l'immortalité, capable, qui sait? de renouveler les prodiges du Misanthrope et du Tartufe; tous enfin pourraient, en travaillant à l'écart et péniblement, rencontrer ce qu'ils cherchent et qui leur échappe, des succès universels et durables; c'est à dire la gloire, plus prospère mille fois et plus féconde qu'une aventureuse fortune. Mais surtout qu'il leur serait honorable et doux de contribuer, mieux que les lois peut-être, à contenir dans ses écarts, au lieu de l'exciter, une génération qui s'avance inquiète et désordonnée! car si les mœurs agissent sur la scène, la scène réagit, à son tour, sur les mœurs; et, dans cette action réciproque, l'histoire enseigne que l'avantage demeure au poète. Quelle fatalité! puisse-t-elle se rompre quelque jour! puissent les muses françaises, en ce genre si renommées, garantir une civilisation qui ne peut plus désormais périr par les préjugés ni

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par la conquête, mais seulement par elle-même! Il en est temps encore, dès que la langue n'a pas essuyé le coup mortel. Un pas de plus, il serait trop tard; et la ruine du théâtre une fois consommée, le mal s'étendrait plus loin. Un peuple assemblé, à qui journellement on ose tout dire et tout montrer, et qui peut tout voir et tout entendre, est incessamment capable de tout faire.

Analectabiblion, 1.

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LA PHYSIQUE PAPALE,

Faite par manière de devis et par dialogues, par Pierre Viret. L'ordre et les titres des dialogues:

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Semblablement y sont adjoustées deux fables : l'une des passages de l'Escriture, que l'autheur expose en ce livre; l'autre des matières principales contenues en iceluy. De l'imprimerie de Jean Gérard. (1 vol. in-8 de 464 pages, sans les Tables. M.D.LII.)

(1552.)

La Physique papale, ouvrage de controverse plutôt que de morale, passa, lors de sa publication, en 1552, pour un des coups le mieux assenés sur la tête du pontife romain, qui fussent partis du célèbre triumvirat de Calvin, Farel et Viret. Ce livre est spécialement dirigé contre le Rationale divinorum officiorum de Guillaume Durand, savant évêque de Mende, mort à Rome en 1296, qui rend raison des diverses cérémonies de l'Église romaine. L'auteur s'y propose, dans cinq dialogues, entre Thomas, Eusèbe, Hilaire et Théophile, de montrer que les papes, faux physiciens, médecins et apothicaires des ames, ont pris les cérémonies sacrées dans une philosophie païenne et superstitieuse, pleine d'idolâtrie et de blasphemes; idée qui, dégagée d'injures et appuyée d'une érudition méthodique, ouvrait la voie à plus d'une vérité, mais dont Viret n'a guère su tirer que des erreurs insultantes, et dont il s'autorise pour joindre, aux titres de ses dialogues, le nom d'autant de divinités fabuleuses. Il avertit que, par occasion, il attaquera les faux médecins et apothicaires du corps, autrement les empiriques. Ainsi, gare aux gens qui se mêlent de traiter les maladies soit du corps, soit de l'ame! ils vont passer sous la férule calviniste sans ménagement. Mais, d'abord, il est utile de savoir qu'Eusèbe est un zélé papiste, que Thomas incline, avec un certain doute de bonne foi, vers l'orthodoxie, et qu'Hilaire et surtout Théophile sont des

réformateurs à outrance; lé premier sur le ton goguenard, le second sur le ton grave.

Le débat s'engage, au premier dialogue, sur le purgatoire et les limbes. Hilaire, fidèle à son système de comparaisons prises de la médecine, examine le profit que les médecins de l'ame recueillent de ces deux médicamens, pour en déterminer la source et la valeur. Sa manière d'argumenter rentre ici dans la maxime: Is fecit cui prodest. Il se répand en lazzis sur Mercure et saint Michel entre lesquels il trouve des rapports merveilleux, puis viennent d'autres lazzis sur les médecins qui multiplient les drogues pour augmenter leurs salaires; et sur les prêtres qui laissant aux saints le soin d'intercéder pour les vivans, ce qui ne rapporte guère, se sont réservé d'intercéder pour les morts ce qui rapporte beaucoup. Il découvre le germe de la doctrine plantureuse du purgatoire dans le paganisme, s'égaie à propos des purifications par le feu, telles que les employait Médée, la grande sorcière, et leur compare la coutume qu'ont nos prêtres d'éventer les femmes et les enfans avec le corporal, etc., etc.

Au second dialogue (des Bains), Hilaire s'étudie à prouver, par la messe de requiem, où il est question, à l'occasion des peines de l'enfer, d'un lac profond (lacu profundo), que cette fiction est prise du 6 livre de l'Enéide. Il retrouve successivement les divers points de la doctrine du purgatoire dans les traditions païennes, avec cette différence, à l'avantage des païens sur les chrétiens, que les premiers payaient, pour le passage des morts, aux morts mêmes, tandis que les seconds paient au prêtres. D'ailleurs il en coûtait moins pour engraisser Caron que pour fournir la cuisine des évêques, etc., etc. Le mot de trespassés rappelle le passage dans la fatale barque. Suivent beaucoup d'autres divagations.

Le troisième dialogue entreprend l'Église sur l'eau bénite. Lazzis sur les prétendues vertus de cette eau, plus variées que celle de la fontaine de Sardaigne, dont parle Solin, qui guérit les maux d'yeux et découvre les larcins. Comparaison de l'eau bénite au bain sale, dont Diogène disait : « Ceux qui se bai»gnent ici, où se lavent-ils ? » Les Turcs aussi font un grand usage de tels lavemens. Mais ce sont les juifs surtout qui ont fondé l'usage de l'eau sainte. Entre ceux-ci se distinguaient les samaritains, qui usaient, à cet effet, d'urine, parce qu'ils y trouvaient à la fois l'eau et le sel. Lazzis sur le sel et la salive employés avec l'eau dans le baptême. Le reste du dialogue continue de la sorte.

Le quatrième dialogue, consacré à travestir les cérémonies

par le feu, renchérit, sur les précédens, d'obscénités, d'impiété, de fausse érudition comme de faux raisonnemens, toujours avec un flux de paroles qui gâterait la meilleure cause.

Vient enfin le cinquième dialogue sur l'Alchymie. C'est là que l'auteur rassemble tous ses moyens. Il fait voir qu'avec leurs cérémonies les prêtres de l'Église romaine ont rencontré le secret de la pierre philosophale. Dures vérités touchant la vente des sacremens et des indulgences, mais vérités si mal dites, qu'elles auraient dû manquer leur effet. Revue des différentes natures d'impôts levés par l'avarice sacerdotale sur la crédulité des fidèles.

Hilaire appelle le pape le grand capitaine des maquereaux et des paillards. Comparaison des scandales de nos prêtres aux scandales des prêtres de Cybèle dont les maris se trouvaient fort mal, encore que ces prêtres fussent châtrés. Détails, à ce sujet, tirés de l'âne d'or d'Apulée. Ici la satire de Viret devient si bassement ordurière, qu'il n'est plus permis d'en rien dire.

Nous avons analysé ce livre sans scrupule, parce qu'en dépit de sa célébrité passée il est si informe, si confus et d'un si mauvais goût, qu'il profite plus qu'il ne nuit à ce que nos cérémonies sacrées ont de majestueux et de vénérable. Ce n'est plus là Calvin, Théodore de Bèze, Ulric de Hutten, Henri Estienne, du Moulin, etc., etc.; il s'en faut de tout. Remarquons, à l'occasion de ces dialogues, que rien n'est si difficile que d'intéresser en philosophant par dialogues. Il faut, pour réussir en ce genre, une précision, une netteté d'idées, une vivacité d'esprit prodigieuses; qualités qui manquaient surtout à Viret. Le dialogue veut de l'action et non de la dissertation. Ce n'est pas trop que d'être un Platon pour disserter en dialoguant. Cicéron lui-même n'y suffit pas toujours, et l'excellence de ses dialogues tient surtout à ce qu'ils sont monologués. Conçoit-on que Pierre Viret ait été surnommé le Voltaire des calvinistes? point d'autre Voltaire des calvinistes que Calvin ; ou plutôt Calvin est Calvin, et Voltaire Voltaire. Quant à Pierre Viret, aussi mauvais poète que méchant prosateur, s'il put avoir des succès dans la chaire satirique des réformateurs, à force de paroles et d'audace, il n'est plus rien aujourd'hui, bien qu'on paie fort cher ses écrits devenus rares. M. Brunet constate que ses satires chrétiennes de la cuisine papale se sont, entre autres, vendues jusqu'à 100 fr. Or, ces satires, au nombre de huit, précédées d'un court avertissement et suivies de six petites pièces facétieuses en vers, ne forment que 131 pages contenues dans un petit in-8°, imprimé à Genève, en 1560, par Conrad Badius. L'auteur y paraît avoir

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