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FACÉTIES LATINES.

(1561-1737.)

Ces facéties, bien qu'écrites dans la langue de Virgile et de Cicéron, sont toutes modernes. Les anciens n'étaient pas aussi plaisans que nous; du moins, les ouvrages qui nous sont restés d'eux ne nous donnent-ils pas le droit de les croire tels. Ce n'est pas, certes, un médiocre sujet de réflexions que de tels jeux d'esprit aient occupé les loisirs d'un Langio, d'un Scaliger, d'un Juste Lipse, d'un Cardan, d'un Heinsius, d'un Dupuy, d'un Aldrovande et d'autres personnages de cette valeur. Un coup d'œil rapide, jeté sur ces productions légères d'esprits géné ralement si graves et si solides, ne sera donc ni sans utilité, ni sans agrément. Nous procéderons, dans notre examen, suivant la date des publications de nos éditions.

1o. Tomus primus et secundus convivalium sermonum utilibus ac jucundis historiis et sententiis, omni ferè de re, quæ in sermonem apud amicos dulci in conviviolo incidere potest, refertus ex optimis et probatissimis auctoribus magno labore, etc.; collectus, et jam quarto recognitus et auctus. Basileæ, M.D.LXI. (2 vol. in-8.)

Le premier tome de ces propos de table est ici réimprimé pour la quatrième fois, et pour la première avec addition d'un second tome. En 1566, un troisième tome fut ajouté aux deux premiers, ce qui prouve que le recueil eut un grand cours, comme il arrive ordinairement aux livres qui amusent l'esprit sans l'occuper. C'est à Jean Gastius de Brisack qu'en revient l'honneur s'il en est dû. Il s'est caché d'abord sous le nom de Jean Peregrinus, on ne sait pourquoi, car son vrai nom était assez obscur pour ne faire aujourd'hui partie d'aucune biographie répandue. Dans sa dédicace à Louis Martrophus, de Francfort, il assure que sa compilation est si bien châtiée, que les évêques et le pape lui-même n'en sauraient être qu'édifiés; et, là dessus, le voilà, en vrai religionnaire malin qu'il est, débitant force quolibets, anecdoctes et bons-mots, contre le pape et les cardinaux,

sur les tours que les femmes jouent à leurs maris ou les maris à leurs femmes, contre les moines, contre les bénéfices ecclésiastiques, contre l'institut des béguines du Brabant, contre les confesseurs et la confession, sur un certain voyage d'Erasme assez cauteleux, contre les mœurs du clergé, etc., etc. « Fuit mulier, >> quæ cum recentem jam puerum peperisset, cæteræque mu>> lieres gratularentur ei, dicerentque (ut fit) puerum omnius >> patri similem, interrogavit an etiam rasuram haberet in » capite designans sacerdotis esse filium, et ita de se adulte>> rium suum notum fecit. »

Les commères d'une accouchée
La congratulaient à l'envi:
Ah! quel superbe enfant voici!
C'est de son père, dieu merci!
La semblance toute crachée!
A quoi la dame répondit,

D'un ton de voix doux et honnête :
« Il aura donc, sans contredit,

>> Un beau rond d'abbé sur la tête.»

Ces anecdotes sont généralement bien contées; mais nous pouvons garantir que, quelque châtiées que l'auteur les dise, il n'y faut pas chercher d'édification, et qu'elles ont souvent servi d'aliment à beaucoup de recueils graveleux plus modernes. Bernard de la Monnoye en a rimé plusieurs agréablement, soit en latin, soit en français, ainsi qu'on peut le voir dans la charmante édition qu'il a donnée du Moyen de parvenir.

2o. Dissertationum ludicrarum et amoenitatum scriptores varii, editio nova et aucta. Lugd.-Batav., apud Franciscum Hegerum, 1644. (1 vol. pet. in-12.)

C'est en 1623 que parut la première édition de ce livre récréatif; mais la plus ample, la plus jolie et la meilleure est celleci: vingt et une pièces la composent. Ce sont les éloges de la Goutte, par Bilibalde Pirkhmer et Jérôme Cardan; l'éloge de la Puce, par Cœlio Calcagnini, savant de Ferrare, mort en 1479, qui avait pris Cicéron dans une aversion singulière; l'Art de nager, de Nicolas Wünmann; l'éloge de la Fourmi, de Philippe Mélanchton, le plus doux, le plus triste et le plus faible des réformateurs; l'éloge de la Boue, de Marc-Antoine Majoraggio, le vengeur de Cicéron contre Calcagnini; l'éloge de l'Oie, de Jules-César Scaliger; l'éloge de l'Ane, par Jean Passerat, le poète chéri de Henri III; Péloge de l'Ombre, par Jean Dousa, le célèbre professeur ; la mort d'une Pie, par un anonyme; PÊtre

de raison, par Gaspar Barlæus; les Noces peripateticiennes, du même; l'Allocution nuptiale, de Marc Zuerus Boxhornius; l'éloge du Pou, par Daniel Heinsius; la Guerre grammaticale d'André de Salerne; l'éloge de l'Eléphant, de Juste Lipse; l'éloge de la Fièvre quarte, par Guillaume Ménopus; l'éloge de la Cécité, de Jacques Gutherius; le Règne de la Mouche, de François Scribanius; Démocrite ou du Rire, par Henri Dupuy, professeur à Milan, élève de Juste Lipse; l'éloge de l'œuf, du même, et enfin l'éloge du Cygne, par le fameux naturaliste Aldrovande. La plupart de ces pièces ne sont autre chose que la satire des mœurs dissolues du temps, sous la forme de contrevérités; manière plus froide qu'ingénieuse, même sous la plume du grand Érasme, comme il apparait dans l'éloge de la Folie, le chef-d'œuvre du genre.

Ainsi, la Goutte de Pirkhmer, après avoir énuméré les dommages que portent à la vertu la bonne chère, les voluptés, le culte des sens, se vante de favoriser l'essor de l'ame en éprouvant le corps par toutes sortes de tourmens. Ici la censure est bonne, mais la conclusion mauvaise et la plaisanterie forcée. La Goutte de Cardan n'est ni meilleure logicienne, ni plus gaie, quand elle prétend être un bien en raison de ce que tous les biens de ce monde sont accompagnés de douleur, et quand elle tire vanité de sa noblesse, pour ne s'attaquer qu'aux riches et aux puissans, de sa force qui se joue de tous les remèdes, de sa chastelé, par l'impuissance où elle met les gens de mal faire, de sa nature plus relevée et moins dure que toutes les autres maladies. La belle chose, en vérité, qu'une Puce! parce que, selon Calcagnini, dans sa petitesse, elle produit de grands effets, qu'elle purge le sang de l'homme sans ouvrir les veines, qu'elle saute avec une légèreté incomparable, qu'elle se loge souvent admirablement bien, et qu'elle triomphe d'Hercule même. Le dialogue sur l'Art de nager, de Wünmann, n'a que deux défauts : le premier, c'est d'être interminable dans ses détails et ses digres sions; le deuxième, c'est de n'enseigner point à nager. On devine assez, sans que nous le disions, que Mélanchton a voulu ramener les hommes à l'économie, à la prudence, au travail, par son éloge de la Fourmi; mais, ne lui en déplaise, ce que la morale, les lois, l'expérience n'ont pu faire, l'exemple de la fourmi ne le fera pas plus que son panégyrique. Savez-vous ce que c'est que la Boue, suivant Majoraggio? c'est la chose la plus noble et la plus nécessaire du monde. Et pourquoi? c'est que la boue a précédé tous les êtres vivans, et que tout, dans la nature, est formé d'elle. La dessus l'auteur se perd en déclamations de phi

losophie creuse et de méchante physique. Scaliger a beau s'autoriser des oies du Capitole, il n'est ni plus heureux, ni plus concluant que ses émules dans l'éloge de l'Oie. L'éloge de l'Ane, de Passerat, est agréable; mais la peinture qu'en a faite Buffon est un éloge bien supérieur et bien plus complet. La déclamation de Dousa, en l'honneur de l'Ombre, n'est rien qu'un jeu d'esprit puéril et fastidieux. L'Étre de raison de Barlæus est une thèse de métaphysique abstruse où la raison n'a rien à gagner. Mais c'est assez où il n'y a rien à retenir, il n'y a rien à extraire, et qui voudra ou qui pourra rendra bon compte des autres pièces de ce recueil, telles que l'éloge du Pou, de l'Éléphant et de la Fièvre quarte.

3. Hippolytus Redivivus, id est remedium contemnendi sexum muliebrem; auctore S. I. E. D. V. M. W. A. S. anno м.DC.XLIV. (1 vol. pet. in-12.)

L'auteur de cette satire contre le sexe ôte tout crédit à ses paroles, dès son avertissement, lorsqu'il confesse à son lecteur que, s'il déteste les femmes en théorie, il les adore dans la pratique. Ainsi font d'ordinaire les misogynes : ils veulent des mères, des épouses, des filles, des maîtresses, des sœurs, et ne veulent point de femmes; voilà ce qui s'appelle philosopher! Mais quels reproches Hippolyte Rédivif fait-il aux femmes? D'abord le nom d'Eve, en syriaque, signifie serpent; donc la femme est un serpent. Mégère, Alecton et Tisiphone sont trois femmes qui ont conçu, nourri, élevé la femme; et puis la belle Hélène et la guerre de Troie ; et puis cette concubine qui causa la ruine des tribus de Benjamin; et Médée, et Briséis. D'ailleurs les femmes sont frappées d'une incapacité intellectuelle visible. La fourbe leur est naturelle et comme essentielle. Elles babillent à étonner les pies. Elles vivent d'inconstance. Elles manquent de patience, de prudence et de force. Ce que vous voulez elles ne le veulent point, et veulent aussitôt ce que point ne voulez. On leur accorde de la pudeur; mais cette pudeur n'est que de l'adresse si c'était une vertu, la chasteté suivrait, ce qui n'est pas. Curieuses? on sait à quel point elles le sont. Vaines et orgueilleuses? le luxe de leurs parures témoigne assez ce qui en est. Elles ne savent rien, et s'il en est de savantes, celles-là font regretter les ignorantes. Bref, on ne doit point se marier si l'on veut vivre en paix.

:

4°. Democritus ridens, sive Campus recreationum honestarum, cum exorcismo melancoliæ. Amstelodami, apud Jodocum Jansonium, M.DC. XLIX. (1 vol. pet in-12.).

C'est une belle chose que d'exorciser la tristesse ; mais la chasser est plus beau encore et plus difficile. Langio n'en aura pas l'honneur, quelque mérite qu'ait d'ailleurs son Démocrite en belle humeur, qui fut réimprimé en 1655. Ce petit livre est un magasin d'historiettes vraies ou fausses, de bons-mots et de joyeuseté, un de ces greniers à sel où les conteurs de société trouvent à se fournir sans beaucoup de frais.

Charles-Quint, causant, avec le cardinal de Granvelle, de l'hérésie germanique, la comparait à une balle qu'on n'a pas plutôt renvoyée à terre, qu'elle ressaute pour retomber et vous échapper de

nouveau.

Jules II avait coutume de dire que la science, dans un homme obscur, est de l'argent, de l'or chez les grands, et du diamant chez les princes.

Un alchimiste demandait à Léon X le prix de son secret de faire de l'or. Le pontife lui fit donner une bourse vide pour la remplir. Le roi Sébastien de Portugal étant défait sans retour par le roi de Mauritanie, Christophe Favora, l'un de ses généraux, s'écriait, dans son désespoir : « Quel secours nous reste-t-il? » — « Le secours céleste, si nous en sommes dignes! » lui répondit le roi.

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Celui qui ne sait rien sait assez s'il sait se taire.

Le temps est le père de la vérité.

Toute crainte est servitude.

5o. Matthæus Delio, de arte jocandi Libri quatuor, de lustitudine studentica, de osculis Dissertatio historica philologica, accedunt et alii Tractatus lectu jucundi, etc. Amstelodami, apud Joannem Pauli, 1737. (1 vol. pet. in-12.)

Le poème de Délio sur l'Art de plaisanter embrasse quatre chants, versifiés alternativement en hexamètres et en pentamètres. Après un très long préambule, le poète donne, en bons vers, aux plaisans apprentis, des conseils généraux fort sensés : connaître les hommes, étudier l'à-propos, le saisir, ne point mêler indiscrètement le rire aux sujets graves, ne point rire des choses sacrées, voyager pour observer les mœurs et les usages divers, chercher les discours qui conviennent aux différens âges de la vie, aux différentes positions sociales: non similes

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