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clogue. Des Satyres aux Bergers,le paffage eft trèsnaturel.

Les Satyres & les Silénes, perfonnages différens ou par leur âge, ou par quelque autre bizarrerie poëtique, compofoient le chœur des pieces satyriques. Ils lui donnérent leur nom, & en caracteriférent l'effence. C'étoient des Divinités fabuleufes nées du pinceau des Peintres, & de l'imagination des Poëtes. J'ai peine à me perfuader que les Anciens les ayent jamais bien férieusement regardés autrement que comme des Divinités de la fable, eux qui les produifoient fur la Scene pour s'en mocquer. La peinture qu'ils en faifoient eft toute allegorique par rapport à Bacchus, dont ces demi-Dieux étoient les fuivans. Or fur le pied d'allegorie, l'antiquité réalifoit & divinifoit tout, pour frapper d'avantage les efprits, non pour leur perfuader que tout cela fût réel & divin. Il est vifible par la piece du Cyclope que les Satyres & les Silénes étoient les bouffons de la populace. Leur caractere cynique, mordant, pétulant & lâche, montre affés qu'on ne les mettoit fur la Scene que pour y fervir de joüet. Folie antique des Poëtes, inventée & foutenue pour éternifer celle des fpectateurs. Ces mêmes perfonnages ne laissoient pas de paffer pour profonds dans les connoissances abftruses. Nous voyons que l'ivrogne Siléne dit des choses fort relevées dans aVirgile.Cicéron b

a Eclog. 6.

b Tufcul. 1.

met des Oracles dans la bouche du Siléne pris par Midas. Platon a lui-même compare Socrate à ces figures de Silénes que faifoient les Sculpteurs ou les Peintres, & qui en s'ouvrant ou se féparant laiffoient voir en dedans ou derriere elles, des représentations d'Amours & de Graces, comme pour fignifier qu'il ne falloit jamais s'arrêter à l'écorce, mais qu'on devoit creufer plus avant; que fous un masque difforme l'on trouvoit souvent une fageffe exquise ; & qu'un fens profond pouvoit être voilé par des bouffonneries.

Sur ces faits, & quantité d'autres que je fup. prime, on pourroit juger que les pieces fatyriques étoient des allégories qui receloient un fens plus fin, que celui qui fe préfentoit d'abord. Et veritablement cette idée n'eft pas fans fondement. Car Donatb dit » que la Poësie satyrique à » la verité ne nommoit perfonne, mais qu'elle reprenoit les vices des citoyens d'une maniere dure & forte. « Il en prit mal au Poëte Philoxene c, d'avoir désigné dans un Poëme fatyrique

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Dans fon banquet.
Prolegom. Terent.

eCe Philoxene étoit de Cythere, Poëte Dithyrambique & Parafite de profeffion, il avoit été efclave. Denys le Tyran l'envoïa aux carrieres fur des foupçons qu'il eut du commerce de ce Poëte, avec une joueuse de flûte entre

M'y voilà tout résolu.

tenue par le Roi. Philoxene y fit fon Cyclope. C'étoit un débauché & un bûveur achevé. C'est de lui qu'Athenée raconte tout ceci,& quantité d'hiftoriettes & de bons mots, dont plufieurs ont été mis en vers ou en contes dans les ana; entr'autres ce mot qu'il dit étant prêt de mourir pour avoir trop mangé.

Et puis qu'il faut que je meure,
Sans faire tant de façon

Denys le Tyran par le Cyclope, la favorite du Roi par Galatée, & lui-même par Ulyffe. Les Satyres étoient en effet mordans, & les Romains fe fervoient de ces personnages dans leurs Triomphes pour lancer fur les triomphateurs, des traits cauftiques, dont il ne leur fût pas permis de se fàcher, dans la chaleur d'une fête publique.

S'il est difficile ( malgré ces autorités & ces exemples) de montrer que l'allégorie ait toûjours été l'ame du Poëme fatyrique, au moins prouvet'on paffablement qu'elle en a fait quelquefois l'agrément & le fel, auffi-bien que la parodie. L'on fçait du moins a que Cratinus fit une parodie de l'Odyffée d'Homere. La question seroit de fçavoir, fi c'est un spectacle fatyrique à la lettre, où fi ce n'étoit pas plûtôt une Comedie dans les formes, comme celle des Grenouilles d'Aristophane. Certes, fi l'on montroit bien que la parodie ou l'allegorie cuffent été la baze de la Poëfie fatyrique, il y auroit de l'injustice à la regarder comme abfolument mauvaise dans sa substance, quoique bouffonne.Mais, à dire le vrai, nous n'a

Qu'on m'apporte tout à l'heure
Le reste de mon poisson.

La Font. après le vieux Comique Machon.

Et cette autre plaifanterie. Philoxene étant à la table de Denys, & voyant qu'on avoit fervi un très-petit poiffon pour lui, & un monftre pour le Roi, s'avifa d'approcher de fon oreille le poiflon-fretin. Interrogé pourquoi cette momeric, c'eft, dit-il, que je vou

» lois fçavoir certaines nouvelles du tems » de Nerée; mais ce jeune hôte de la » mer n'a pû me répondre. Le vôtre eft plus vieux, il fçaura fans doute ce que >> je demande.<<

כב

Par Platonius.

vons presque rien qui nous porte à le penser ainfi, particulierement du Cyclope : non qu'il n'y ait des allufions affés délicates. Mais ce n'eft pas de quelques traits qu'il s'agit, il eft question du fonds. Or j'avoue franchement que je n'y vois rien de pareil aux Comedies d'Ariftophane. Car celles-ci font veritablement allegoriques; & voilà ce qui en fait le prix, malgré les groffieretés qu'on y détefte avec tant de raison. Perfonne même que je fçache, ni des anciens, ni des modernes que j'ai confultés, ne s'est avifé de vouloir chercher dans la Poëfie fatyrique en general, ou du moins dans le Cyclope en particulier, cette allegorie ou parodie que je fouhaitois fi fort d'y trou

ver.

Or fi ce fel n'y eft pas, il faut convenir de bonne foi que cette extrême différence entre la Comedie ancienne, & cet autre genre de fpectacle rend ce dernier fort inférieur à la premiere. Car si je ne trouve pas un beau fens caché sous une enveloppe vile en apparence, cette enveloppe fera vile en effet, puifqu'elle ceffera d'être enveloppe, pour devenir le fonds & la réalité même du fpectacle. Bien plus, fi les bouffonneries, quelque fens fin qu'elles couvrent, ne peuvent jamais être après tout que des bouffonneries, que fera-ce fi elles ne voilent rien de fin, & qu'elles ne difent effectivement que ce qu'elles veulent dire ? Je crains fort que ce n'ait été là tout l'art de la Poëfie fatyrique, & que les Poëtes n'y ayent entendu d'autre fineffe, que celle de divertir le menu peuGgg iij

ple par des nouveautés gigantesques, & par des plaifanteries libertines. En ce cas là l'on ne sçauroit fe tromper en prononçant que le Cyclope eft peu digne d'une plume qui a produit tant de belles chofes, & qu'à en juger par cette piece les autres de même genre étoient également indignes de leurs autheurs,

Thefpis contemporain de Solon vers la 60 Olympiade fut, felon les apparences, le premier de ces autheurs qui fit paroître des Satyres dans fon chariot. Horace femble le défigner fans toutefois le nommer. Suidas veut que ce foit ce Pratinas, qui difputoit le prix avec Elchyle & Charille. Certes s'il s'agit d'un fpectacle dialogué, l'on ne fçauroit en attribuer l'invention qu'à Eschylea, comme j'ai tâché de le faire voir. L'on cite cinq pieces fatyriques de ce pere des spectacles, (entr'autres le Protée) fept ou huit de Sophocle, quatre d'un certain Achæus qui ne laiffoit pas d'avoir quelque célébrité, cinq d'Euripide, quelques-unes de Xenoclés, de Philoclés, de Morsimus, Poëtes dont parle Ariftophane; quelquesunes encore d'Aftydamas le fils, de Iophon, & même du Philosophe Platon, qui les brûla aussi-bien que fes Tragedies fans les représenter. Voilà à peu près tous les Autheurs du beau fiecle cités : mais tous leurs Poëmes fatyriques ne le font pas, & il eft hors de doute qu'ils en ont fait un plus grand nombre que ceux dont on a conservé les

Tom. I. Difcours fur l'origine de la Tragedie, p. xxIX,

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