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Français au-delà du Rhin. Cette France d'outre-Rhin se remue, elle avance; on marche avec elle. En 460, elle parvient au bord de la Somme; en 495, elle touche à la Seine; en 507, le chef de cette France germanique pénètre dans la Gaule méridionale jusqu'au pied des Pyrénées, non pour y fixer sa nation, mais pour enlever beaucoup de butin et installer quelques évêques. Après cette expédition, l'on a soin d'appliquer le nom de France à toute l'étendue de la Gaule, et ainsi se trouvent construites d'un seul coup la France actuelle et la monarchie française. Établie sur cette base, notre histoire se continue avec une simplicité parfaite, par un catalogue biographique de rois ingénieusement numérotés, lorsqu'ils portent des noms semblables.

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Croiriez-vous qu'une si belle unité n'ait point paru assez complète? Les Franks étaient un peuple. mixte; c'était une confédération d'hommes parlant tous à peu près la même langue, mais ayant des mœurs, des lois, des chefs à part. Nos historiens s'épouvantent à la vue de cette faible variété; ils la nomment barbare et indéchiffrable. Tant qu'elle est devant eux, ils n'osent entrer en matière; ils tournent autour des faits et ne se hasardent à les aborder franchement qu'à l'instant où un seul chef parvient à détruire ou à supplanter les autres. Mais ce n'est pas tout l'unité d'empire semble encore vague et dou

teuse; il faut l'unité absolue, la monarchie administrative; et quand on ne la rencontre pas (ce qui est fort commun), on la suppose; car en elle se trouve le dernier degré de la commodité historique. Ainsi, par une fausse assimilation des conquêtes des rois franks au gouvernement des rois de France, dès qu'on rencontre la même limite géographique, on croit voir la même existence nationale et la même forme de régime. Et cependant, entre l'époque de la fameuse cession de la Provence, confirmée par Justinien et celle où les galères de Marseille arborèrent pour la première fois le pavillon aux trois fleurs de lys et prirent le nom de galères du roi, que de révolutions territoriales entre la Meuse et les deux mers! Combien de fois la conquête n'a-t-elle pas rétrogradé du sud au nord et de l'ouest à l'est! Combien de dominations locales se sont élevées et ont grandi, pour retomber ensuite dans le néant!

Ce serait une grave erreur de croire que tout le secret de ce grand mouvement fût dans les simples variations du système social et de la politique intérieure, et que, pour le bien décrire, il suffit d'avoir des notions justes sur les éléments constitutifs de la société civile et de l'administration des États. Dans la même enceinte territoriale, où une seule société vit aujourd'hui, s'agitaient, durant les siècles du moyen âge, plusieurs sociétés rivales ou ennemies

l'une de l'autre. De tout autres lois que celles de nos révolutions modernes ont régi les révolutions qui changèrent l'état de la Gaule, du sixième au quinzième siècle. Durant cette longue période où la division par provinces fut une séparation politique plus ou moins complète, il s'est agi pour le territoire, qu'aujourd'hui nous appelons français, de ce dont il s'agit pour l'Europe entière, d'équilibre et de conquêtes, de guerre et de diplomatie. L'administration intérieure du royaume de France, proprement dit, n'est qu'un coin de ce vaste tableau.

Ces accessions territoriales, ces réunions à la couronne, comme on les appelle ordinairement, qui, depuis le douzième siècle jusqu'au seizième, sont les grands évenements de notre histoire, il faut leur rendre leur véritable caractère, celui de conquête plus ou moins violente, plus ou moins habile, plus ou moins masquée par des prétextes diplomatiques. Il ne faut pas que l'idée d'un droit universel préexistant, puisée dans des époques postérieures, leur donne un faux air de légalité; on ne doit pas laisser croire que les habitants des provinces de l'ouest et du sud, comme Français de vieille date, soupiraient au douzième siècle après le gouvernement du roi de France, ou simplement reconnaissaient dans leurs gouvernements seigneuriaux la tache de l'usurpation. Ces gouvernements étaient nationaux pour eux; et

tout étranger qui s'avançait pour les renverser leur faisait violence à eux-mêmes; quel que fût le succès de son entreprise, il se constituait leur ennemi.

Le temps a d'abord adouci, puis effacé les traces de cette hostilité primitive; mais il faut la saisir au moment où elle existe, sous peine d'anéantir tout ce qu'il y a de vivant et de pittoresque dans l'histoire Il faut que les bourgeois de Rouen, après la conquête, ou, si l'on veut, la confiscation de la Normandie par Philippe-Auguste, témoignent pour le roi de France cette haine implacable dont se plaiguent les auteurs du temps 1, et que les Provençaux du treizième siècle soient joyeux de la captivité de saint Louis et de son frère, le duc d'Anjou; car c'est un fait qu'à cette nouvelle, si accablante pour les vieux sujets du royaume, les Marseillais chantaient des Te Deum et remerciaient Dieu de les avoir délivrés

du gouvernement des sires. Ils employaient comme un terme de dérision contre les princes français ce mot étranger à leur langue 2.

Si l'on veut que les habitants de la France entière,

At Rothomagensis Communia, corde superbo,
Immortale gerens odium cum principe nostro...

(Guillelmi Britonis, Philippidos, lib. vi, vers 163,
apud scriptores rerum francic., tom. xvи, p. 213.)

* Provinciales Francos habent odio inexorabili (Mathæi Paris Historia

Angliæ, pag. 442. — Histoire de Provence, par Gaufridi.

des Troubadours, publiées par M. Raynouard.)

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et non pas seulement ceux de l'Ile-de-France, retrouvent dans le passé leur histoire domestique, il faut que nos annales perdent leur unité factice et qu'elles embrassent dans leur variété les souvenirs de toutes les provinces de ce vaste pays, réuni seulement depuis deux siècles en un tout compacte et homogène. Bien ayant la conquête germanique, plusieurs populations de races différentes habitaient le territoire des Gaules. Les Romains, quand ils l'envabirent, y trouvèrent trois peuples et trois langues'. Quels étaient ces peuples, et dans quelle relation d'origine et de parenté se trouvaient-ils à l'égard des habitants des autres contrées de l'Europe? Y avait-il une race indigène, et dans quel ordre les autres races, émigrées d'ailleurs, étaient-elles venues se presser contre la première? Quel a été, dans la succession des temps, le mouvement de dégradation des différences primitives de mœurs, de caractère et de langage? En retrouve-t-on quelques vestiges dans les habitudes locales qui distinguent nos provinces, malgré la teinte d'uniformité répandue par la civilisation? Les dialectes et les patois provin ciaux, par les divers accidents de leur vocabulaire et de leur prononciation, ne semblent-ils pas révéler

Voyez, dans les Commentaires de César, la distinction qu'il établit entre les Belges, les Celtes et les Aquitains.

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