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fent fur la Scene, dévorés par un feu, (in visible à la vérité, mais infupportable.) Leur fituation eft plus affreufe que touchante. Creon fe frappe à la fin d'un poignard pour laiffer le champ libre à Jafon. C'est une adreffe du Poëte. Il a fenti qu'une fituation bien tragique languit d'ordinaire quand il y a plus de deux interlocuteurs. C'eft pour cela qu'il fe fçait gré d'avoir écarté pour quelque tems Jafon, qui par politeffe remenoit Pollux hors de Corinthe, parce qu'on n'avoit plus affaire de ce dernier Acteur.

Jafon reparoît enfin, & fa Scene eft frappante par la fituation où il fe trouve entre un beaupere mort, & une époufe mourante, fans qu'il puiffe la foulager. Les adieux mutuels font bien touchés. Mais Creüfe morte, la fureur qui faifit Jason n'est gueres dans la nature. Non content de vouloir livrer Medée aux plus rudes fupplices dans une tirade fougueufe, (il étoit question d'agir, & non pas de déclamer,) il va jusqu'à déliberer s'il n'immolera pas fes propres enfans, parce qu'ils ont porté le don fatal, & parce qu'ils font fils de Medée. C'est à Medée feule qu'il falloit réferver une pareille fureur, comme l'ont fait Euripide & Seneque. Un pere ne s'emporte point jufqu'à tuer fes enfans pour fe venger de fa femme. Il eft vrai que Jafon ne fait que déliberer, & cela dans l'excès de fon défefpoir. Mais cette pensée fait horreur dans un Prince qu'on voudroit plaindre. De plus il arrive au Palais: il voit Medée fur le balcon, & de-là fur le char volant: il l'accable d'invectives. Elle a tué fes enfans, &

fe

.

fe félicite d'avoir prévenu Jafon. A cela Jafon ne répond rien. Il femble qu'il ait oublié qu'il eft pere, pour se fouvenir feulement qu'il eft amant. Il ne dit pas un mot de fes fils; il ne fonge qu'à Creüse, & dans l'impuiffance où il fe voit de la venger fur Medée, il la venge fur lui-même, & fe tue.

*

Je fçai bien que Medée n'eft pas la meilleure piéce de P. Corneille. Il a bien fenti lui-même que le ftyle en étoit inégal: & même il a remarqué que depuis cette Tragédie il a acquis affés de force pour ne paroitre pas fort au-deffous de l'enthoufiafme de ceux qu'il a imités; par exemple dans Pompée: ce qui eft très-vrai: & la pofte rité lui rendra toujours cette juftice. Il feroit feulement à fouhaiter qu'il n'eût pas quelquefois porté l'imitation de Seneque & de Lucain jufqu'à époufer leurs défauts. Après tout, cela ne diminuë en rien la gloire d'un fi grand Génie, qui a toujours encheri fur fes Modeles. Auffi n'ai-je rapproché fa Tragédie de celles des Grecs, que parce que c'est une de celles qu'on peut comparer aux anciennes par rapport au fujet. Si P'on avoit égard à tout, le Grand Corneille pourroit foutenir une comparaison plus étendue à l'avantage de notre fiecle & au fien..

P. CORNEILLE, Examen de Medée.

༠s

ME

MEDÉ E

DE LODOVICO DOLCE

'EN dirai peu de chofe, parce qu'elle eft prefque la même que celle d'Euripide. C'eft précisément le même goût de traduction que fon Iphigenie dont nous avons parlé. Dolcé n'a ajoûte à fon original que des ornemens peu confidérables pour remplir davantage quelques Actes. Il a même gâté un morceau loin de l'embellir. C'est une

Scene du premier Acte où Medée eft fuppofée derriere le Théatre dans le Poëte Grec. L'Italien a crû mieux faire en introduifant Medée fur la Scene: & il a perdu une belle fufpenfion qui furprend, pour une déclamation qui languit. Il a encore jugé à propos de faire parler fur le Théatre les petits enfans de Medée, comme il a fait à l'égard du petir Orefte dans Iphigenie, chofe inouie chés les Anciens. Les enfans n'étoient introduits que pour augmenten l'impreffion de la pitié, & leur bégaiement ne paroiffoit pas digne de la majefté du Théatre tragique. Dans Euripide les enfans ne difent que très-peu de vers derriere le Théatre, lorfque Medée les pourfuit à coups d'épée.

Toutefois Dolcé, ainfi que les autres Poëtes Italiens imitateurs des Grecs, en a bien

rendu

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rendu le pathetique & même la fimplicité
fans concetti, fans antithefes, fans vaine pa-
rure; heureux fi au lieu de s'en tenir fi
exactement à l'oeconomie Grecque, il eût
ofé donner à F'Italie l'exemple de hardieffe
que nos Poëtes ont donné à la France, en
s'écartant un peu des mœurs Grecques fans
fortir de leur goût:

Aufi deferere.

Veftigia Graca

J'ai vû encore de Dolcé deux autres Tra-
gédies, l'une intitulée Progné, l'autre Thyefte.
Elles font de la même maniere, c'eft-à-dire,
modelées fur l'arrangement & le goût des
Poëtes Grecs, fans atteindre à leur fouve-
raine beauté. Le Thyefte eft une traduction
de Seneque. Dolcé y a manqué ce beau
mot qui fait un dénoument admirable dans
le Poëte Latin. Atrée après le festin qui fit
seculer le Soleil préfente à Thyefte une
coupe. Thyefte demande à voir fes enfans,
& fon frere lui montrant les reftes de ces
infortunées victimes qu'il lui a fervies dans
le repas, dit ces horribles paroles:

ATREUS. Venere; gnatos ecquid agnofcis tuos?
A quoi Thyeste répond:

Agnofco fratrem.

HORAT. de Art.

Poët.

Ce qu'un de nos Poëtes a traduit heureuse- Atree de ment de cette maniere:

M.C

bi lon.

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Dolcé n'a pas fenti la vivacité & le fublime de cette penfée, quand il a crû la traduire en s'exprimant ainfi.

ATRE.

THYEST.

Conofei quefte tefte e queste mani? Quefti fon tuoi figlivoli: bora gli ab

braccia.

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Che quefto è Filiften: quefti fon gli altri.

Oime, come confenti

Terra crudel, di foftener ancora
Tanta fceleritade?

c.

Ce Lodovico Dolcé a fait quantité d'autres Pieces toutes tirées des Grecs ou des La tins, ou plûtôt traduites pour la plupart. C'est un des Héros du Théatre Italien.

HIPPOLYTE ALCESTE.

Elles font entierement traduites. Voyés la premiere Partie, vol. 2. pag. 139. & vol. 3. pag. 97:

AN

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