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LES

TRAGEDIES

D'EURIPIDE.

A

HE CUBE.

PRE'S la prife de Troye, les Grecs fe retirerent dans la Cherfonefe Thracienne où régnoit Polymeftor. Ils y avoient conduit Hecube avec les principales Dames Troyennes, qu'ils avoient partagées entre eux en qualité de captives. La comme ils rendoient de nouveaux honneurs funebres à Achille, dont le corps étoit inhumé dans les champs Phrygiens, l'Ombre de ce Héros s'apparut à eux fur le tombeau vuide qu'on lui avoit dresfé,

* Cherfonese Thracienne, prefqu'Ile de la Thrace qu'environnent l'Hellefpont, la mer Egée, & le Gol. phe du Melas.

fé, & déclara à l'armée Grecque, que fi elle vouloit fortir heureusement de la Cherfonese, il falloit lui donner Polyxene fille d'Hecube & de Priam, comme un prix qui lui étoit dû, & qu'il s'étoit réservé. Cette jeune Princeffe lui avoit été promise dans une tréve par le Roi Priam; & comme il étoit fur le point de tenir sa promeffe, Paris & Deiphobus avoient tué Achille. Les Grecs déterminés à fatisfaire les Manes de ce Vainqueur de Troye, lui facrifierent Polyxene malgré les cris d'une mere au défefpoir, & d'autant plus malheureuse que Polymeftor de fon côté par une perfidie inouie avoit fait mourir Polydore fils d'Hecube. Priam avant les derniers malheurs de Troye avoit confié au Roi Thracien cet enfant avec de nombreux thréfors pour fervir un jour de ressource à fa patrie & à fa maifon défolée. Ilion étant devenue la proye des Grecs, Polymestor oublia fon allié, & l'avarice l'emportant fur la fidelité, il fe défit du petit Prince pour jouïr impunément des thréfors.

Hunc Polydorum auri quondam cum pondere

magno

Infelix Priamus furtim mandárat alendum Threicio Regi, cum jam diffideret armis Dardania, cingique urbem obfidione videret. Ille ut opes fracta Teucrum & fortuna recessit, Res Agamemnonias victriciaque arma fecutus

Fas

VIRG. Æneid. l. 3. v. 44.

Fas omne abrumpit, Polydorum obtruncat, &

auro

Vi potitur. Quid non mortalia pectora cogis
Auri facra fames?

Le double malheur d'Hecube devenuë captive & privée d'enfans, joint à la vengeance qu'elle tire de Polymeftor, fait l'intrigue & le dénoument de cette Tragédie, dont les Perfonnages font, l'Ombre de Polydore, Hecube, un Choeur de Troyennes captives, Polyxene, Ulyffe, Talthibius, une femme d'Hecube, Agamemnon, & Polymestor.

ACTE I.

L'Ombre de Polydore fort de terre, & arrive à l'entrée de la maifon d'Hecube lieu de la Scene. Cette Ombre fait ce qu'Ariftote appelle le Prologue. Il eft bon de fe rappeller une fois pour toutes qu'Euripide y fait moins de façons que Sophocle. Celuici trouve toujours le fecret de faire entendre fon fujet fans parler aux Spectateurs. Mais Euripide n'a pas connu ou voulu fuivre cette fineffe de l'art. Il a crû qu'il concilieroit plus aifément l'attention d'une nombreuse affemblée, & que fes fujets feroient mieux entendus, plus nets, & moins embarraffés, s'il les expofoit nuëment & fans voiles. Il l'a prefque toujours fait par le moyen de fes Prologues; chofe fur laquelle certains Commentateurs l'ont extrêmement loué comme d'une rare invention; louange Tome IV. E

fade

fade d'un vrai défaut. La netteté de l'expofition peut s'accorder avec la vrai-femblance fans qu'il foit neceffaire de dire, Je fuis Polydore vous verrés ceci & cela, quoiqu'il foit vrai de dire auffi avec Defpreaux, du perfonnage qui parle le premier,

* J'aimerois encor mieux qu'il déclinât fon

nom,

Et dit, je fuis Orefte, ou bien Agamemnon,
Que d'aller par un tas de confufes merveilles
Sans rien dire à l'efprit étourdir les oreilles.
Le fujet n'eft jamais affes-tôt expliqué.

C'est donc ici Polydore, ou plûtôt son Ombre, qui expose le fujet avec un très-grand détail. Il raconte la maniere dont Priam le confia à Polymeftor avec des thréfors de réserve en cas de malheur pour Troye. Il développe la perfidie & l'avarice du Roi de Thrace qui l'a tué & fait jetter dans la mer depuis trois jours qu'Hecube eft arrivée dans la Cherfonefe. Il n'oublie pas de parler du facrifice de Polyxene qu'exige l'Ombre d'A'chille. En un mot, il met l'action Théatrale au point où elle doit commencer en déclarant ce qui la précéde. Mais ce qui eft moins fupportable, c'eft qu'il prévient les Spectateurs fur les principaux évènemens qu'ils verront. Il voit enfin paroître Hecube, & il fe retire en s'écriant: Ah, me» re infortunée, qui avés paffé du Thrône » à

DESPREAUX dit. Poëtetho

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" à la captivité, quelle je vous vois au»jourd'hui, & quelle je vous vis autrefois! un Dieu ennemi égale vos malheurs à votre félicité paffée".

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"

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Hecube non plus Reine, mais prisonniere de guerre, & courbée fous le poids des années & de fon infortune fe fait conduire par des femmes au Palais de Polymeftor. , O Lumiere! ô Nuit, (s'écrie-t'elle) quel ,, fonges m'ont agitée"! Elle parle de ceux qu'elle a eûs la nuit derniere au fujet de fon fils Polydore & de fa fille Polyxene. Elle raconte le dernier aux Troyennes qui l'accompagnent. Elle a vû une biche qu'un loup furieux arrachoit de fes genoux. Elle a vû le Spectre d'Achille qui demandoit en préfent une Troyenne.,, Dieux écartés de ma fille ce trifte préfage",

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Une des femmes du Choeur, captive comme les autres, ne confirme que trop la verité de ce fonge. Elle apprend qu'en effet fur la demande d'Achille les Grecs asfemblés ont déliberé; qu'Agamemnon qui avoit eû en partage Caffandre vouloit refufer la demande inhumaine d'Achille; que les fils de Thefée convenoient qu'il falloit du fang; mais celui de Caffandre & non de Polyxene; qu'enfin le troifiéme avis étoit de fatisfaire l'Ombre d'Achille fans restriction; que jufques-là toute l'affemblée avoit été partagée: mais qu'Ulyffe par une adroite infinuation avoit fait pencher la balance pour les derniers, & qu'il alloit venir chercher Polyxene pour la conduire à l'autel. Le Choeur confeille à Hecube d'implorer E 2

Agar

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