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De quel rayon le ciel t'illumina,

Quel feu divin s'alluma dans tes veines,

Quand du faux goût rompant les lourdes chaînes,
Et t'élevant de Clitandre à Cinna,
Par les lauriers que ta main moiffonna
Paris devint la rivale d'Athènes !

Reine des arts, fi fameuse autrefois,
Ne vante plus ton théâtre (1) magique,
Ta Mélopée & ton mafque tragique.
Ne vante plus ces oracles menteurs,
Et ces deftins, invincibles moteurs
D'une fatale & fanglante aventure,
Où l'innocence eft mife à la torture
Pour des forfaits dont ils font les auteurs.
Ce merveilleux, dangereufe imposture,
S'évanouit, fait place à la nature.
L'action naît de l'ame des A&teurs ;
Les paffions font les dieux du théâtre.

O Rhodogune! éternel monument
Qu'avec effroi j'admire & j'idolâtre !
Où font puifés ce nœud, ce dénoument,
Cet intérêt? Au fein de Cléopatre.

Tiffu hardi d'invisibles rapports,
Héraclius, fimple & vafte machine,

(1) Le mobile de l'action théâtrale, chez les Grecs, of

prefque toujours hors de l'intrigue.

Quel Dieu caché préfide à tes refforts,
Les fait mouvoir? L'ame de Léontine.

Ainfi Corneille, à l'envi de Lucain, Du merveilleux dédaigna les prestiges. Crime ou vertu, tout fut grand fous fa main; Et quand il veut étaler des prodiges, Il fait agir & parler un Romain.

Fable, autrefois en tableaux fi fertile,
Douces erreurs d'un peuple ingénieux,
Songes charmans, quel fut donc votre asyle?
Lully monta fon luth harmonieux:
A fes accens s'éleva ce beau temple,
Brillant théâtre où préfide l'amour,
Où tous les arts triomphent tour-à-tour,
Et dont Quinaut fut la gloire & l'exemple.
Chantre immortel d'Atys & de Renaud,
O toi, galant & fenfible Quinaut,
L'illufion, aimable enchantereffe,
Mêla fon filtre à tes vives couleurs ;

Le Dieu des vers, le Dieu de la tendreffe
T'ont couronné de lauriers & de fleurs.
Et qui jamais ouvrit à l'harmonie

Un champ plus vafte, un plus riche tréfor?
En créant l'art, ton cœur fut ton génie.
En vain ta gloire en naiffant fut ternie :
Elle renaît plus radieuse encor.

Dans tes tableaux quelle noble magie!
Dans tes beaux vers quelle douce énergie !
Si le François, par Racine embelli,
Lui doit la grace unie à la nobleffe,
Il tient de toi, par ton ftyle amolli,
Un tour liant & nombreux fans foibleffe.
Que n'avoit-il, ton injufte cenfeur,
Que n'avoit-il un rayon de ta flamme?
Son fiel amer valoit-il la douceur
D'un fentiment émané de ton ame?

A

pas

Mais ce Boileau, juge paffionné,
N'en eft pas moins législateur habile.
Aux lents efforts d'un travail obstiné
Il fait céder la nature indocile;
Dans un terrein sauvage, abandonné,
tardifs trace un fillon fertile;
Et fon vers froid, mais poli, bien tourné,
A force d'art rendu fimple & facile,
Reffemble au trait d'un or pur & ductile,
Par la filière en gliffant façonné.
Que ne peut point une étude conftarite?
Sans feu, fans verve & fans fécondité,
Boileau copie; on diroit qu'il invente.
Comme un miroir il a tout répété.

Mais l'art jamais n'a fu peindre la flamme:
Le fentiment eft le feul don de l'ame
Que le travail n'a jamais imité.

J'entends Boileau monter sa voix flexible
A tous les tons, ingénieux flatteur,
Peintre correct, bon plaifant, fin moqueur,
Même léger dans fa gaîté pénible;
Mais je ne vois jamais Boileau fenfible.
Jamais un vers n'est parti de fon cœur.

Que la Nature, au génie indulgente,
Traita bien mieux ce Poéte ingénu,
Ce La Fontaine, à lui feul inconnu,
Ce peintre-né, dont l'instinct nous enchante!
Simple & profond, fublime fans effort,
Le vers heureux, le tour rapide & fort,
Viennent chercher fa plume négligente.
Pour lui fa Mufe, abeille diligente,
Va recueillir le fuc brillant des fleurs.
En fe jouant, la main de la nature,
Mêle, varie, affortit fes couleurs.
C'eft un émail femé fur la verdure,
Dont le zéphyr fait toute la culture,
Et que l'aurore embellit de fes pleurs.

Mais fous l'appât d'un fimple badinage, Quand il inftruit, c'eft Socrate ou Caton, Qui de l'enfance a pris l'air & le ton. De l'art des vers tel eft le digne ufage; Mais laiffons-lui fa noble liberté. A peine il fent le frein de l'efclavage, Qu'il perd fon feu, fa grace & fa fierté.

La Poéfie eut le fort de Pandore.

Quand le génie au ciel la fit éclore,
Chacun des arts l'enrichit d'un présent.
Elle reçut, des mains de la Peinture,
Le coloris, prestige féduisant,

Et l'heureux don d'imiter la Nature:

De l'Eloquence elle eut ces traits vainqueurs,
Ces traits brûlans qui pénètrent les cœurs:
A l'Harmonie elle dut la mesure,
Le mouvement, le tour mélodieux,
Et ces accens qui raviffent les Dieux.
La Raifon même, à la jeune immortelle,
Voulut fervir de compagne fidelle;
Mais quelquefois invisible témoin,
Elle la fuit, & l'obferve de loin.

Dès que Rouffeau s'élève au ton de l'Ode ; Et qu'il décrit en vers harmonieux L'ordre éclatant qui règne dans les cieux (1), L'enthoufiafme eft fa feule méthode. Quand fous fes doigts commence à retentir La harpe fainte, ou le luth de Pindate, J'aime à peafer, je crois même fentir Qu'un feu divin de fon ame s'empare: Je m'abandonne, avec lui je m'égare. Mais d'un ton grave & d'un air réfléchi,

(1) Voyez l'Ode II du premier Livre, Pƒ, 8,

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