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Je demande au moins qu'il m'enseigne
Les beaux lieux où l'Amitié règne.
« C'eft, dit-il, près de ce féjour.
Vois-tu ces colonnes d'ivoire ;
C'eft-là le trône de fa gloire:
Elle y tient fa paisible cour».
Je vais, j'approche; un vestibule
D'un goût noble, fimple & correct,
Imprime d'abord le refpe&t.
A l'entrée un pur encens brûle:
Mon cœur s'émeut à cet afpe&t.

Je demande s'il eft poffible D'aller à la Divinité

Offrir un cœur tendre & fenfible.

« Oui, pour vous elle eft acceffible »,
Me dit d'un air plein de bonté.
Sa Prêtreffe, la Vérité.

Elle m'introduit dans le Temple.

La Candeur, la Fidélité,
La Franchife, l'Égalité,

Sont les vertus qu'on y contemple.

La Déeffe y voit les Mortels 'A l'envi fe donner l'exemple

Du zèle à fervir fes Autels.

Leurs voix la célèbrent fans ceffe;

Leurs cœurs lui présentent des vœux.

Comme l'amour elle a fes feux,

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Mais

Mais tempérés par la fageffe.

Son Sanctuaire étoit orné

De nœuds de fleurs, & de guirlandes,

Son Autel entouré d'offrandes,

Son front de roses couronné.

Je me profterne, je l'adore,
Epris des fes charmes fecrets,
Même avant d'avoir vu fes traits,
Qu'un voile me cachoit encore.
« O Divinité que j'implore!
Découvre à mes yeux tant d'attraits ni
Elle m'exauce, & fon visage
Se dévoile dans ce moment.
Jugez de mon raviffement
Quand je reconnus votre image.

Tome 111.

T

DISCOURS EN VERS

SUR LA FORCE ET LA FOIBLESSE

DE L'ESPRIT HUMAIN;

Lu à l'Affemblée publique de l'Académie Françoife, le 22 Décembre 1763, jour de la réception de l'Auteur.

QUAND je compare à ces globes fans nombre,
A ces foleils dans le ciel fufpendus,

Le grain de fable informe, aride, & fombre
Où l'Homme & l'Ours habitoient confondus;
Humilié de la foibleffe humaine,

Laiffant errer mes yeux autour de moi,
Je me demande: Eft-ce là le domaine
Où la Nature avoit placé fon Roi?

Et fi l'enceinte où s'épuise ma vue,
Le cercle étroit que décrivent mes yeux,
Et dont j'ai fait la limite des Cieux,
N'étoit encor qu'un point dans l'étendue;
Loin des foleils qu'obferva Caffini,

Si l'Eternel a, de fes mains fécondes,
Laiffé tomber des millions de mondes,
Les a femés dans l'efpace infini;
Dans cet efpace immenfe, inacceffible,
Où te chercher, atôme imperceptible,
Monde terreftre? & nous, fes habitans,
Que fommes-nous dans l'efpace & le tems?
Que peut, hélas! ce corps foible & fragile ?
Dans tous fes fens quelle imbécillité !
Dans les refforts qui meuvent cette argile,
Que de rudeffe & d'indocilité !

Dans la raison, dont cette ame eft fi fière,
Que d'imprudence & de futilité;

Et combien peu de force & de lumière !
Tout ici-bas n'eft donc que vanité !

Et cependant voyez l'homme en fa fphère : Voyez, amis, cet être ingénieux, De la Nature émule industrieux, L'étudier au moment qu'elle opère; Suivre fon cours, épier fon deffein, Et de fes loix dévoilant le mystère, Lui dérober les arts pris dans fon fein.

Comme il ajoute à l'inftinet qu'il imite! Comme il fait même à fes foibles refforts Affocier des mobiles plus forts,

Et de fes fens reculer la limite!'

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Armé du fer que fes mains ont battu,
De quelle audace ofant livrer la guerre
Aux animaux, fiers tyrans de la terre,
Vainqueur du tigre à fes pieds abattu,
De fa dépouille il marche revêtu!
Comme il fait même à fes loix defpotiques
Affujettir des monftres domestiques;
Soumettre au frein le courfier belliqueux;
Plier au joug, fous sa main menaçante,
Du fier taureau la tête mugiffante,
Et partager les travaux avec eux!

Si l'homme eft grand, c'est par ce don fi rare
De fuppléer à la Nature avare:
C'eft quand le feu, ce fléau menaçant,
De l'homme feul efclave obéiffant,
Vient dans fes mains amollir & diffoudre
Ce fer, bientôt le rival de la foudre,

Ce fer terrible, & des préfens des Cieux

Le plus funefte & le plus précieux.

Si l'homme eft grand,c'eft quand lui-même en bra
Aux élémens contre lui déchaînés,

Par fes travaux il réfifte à fa chûre,
Qu'en un palais il transforme fa hute,
Et qu'il apprend aux marbres étonnés,
A fe fufpendre, en voûte façonnés:

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