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Et dont la force eft la fuprême loi.
Mais nous, amis de la nature humaine,

Nous, dont le cœur n'a que de doux penchans;
Contre nous feuls aurions-nous de la haine?

Que ferions-nous fi nous étions méchans?
L'humanité, comme elle a fes vipères,
Et fès vautours de rapine altérés,
Et fes lions de carnage enivrés;
N'a-t-elle pas fes colombes fincères,

Et fes moutons qui paiffent l'herbe en paix,
Et fes oifeaux qui gazouillent au frais.?
Pourquoi troubler, par vos plaintes amères,
De nos plaisirs les lueurs paffagères ?
Ils font fi courts, & fi peu dangereux!
On les compare à des ombres légères;
Soit: mon fommeil eft embelli

par eux. L'amour, le vin, nos amis, nos bergères, Sont de faux biens; mais ils flattent nos vœux. Ah! laiffez-nous ces douceurs menfongères Avez-vous peur qu'on ne foit trop heureux?

A MLLE GUIMARD,

Sur les aumônes qu'elle avoit faites dans les grands froids de l'hiver de 1768.

EST-IL bien vrai, jeune & belle damnée;
Que du théâtre embelli par tes pas,
Tu vas chercher, dans de froids galetas,
L'humanité plaintive, abandonnée;
Que cette main, qu'on baise nuit & jour,
Verse en fecret les tributs de l'amour
Sur l'indigence à languir condamnée ?
Quoi! cette Hébé, de rofes couronnée;
Qu'environnoit un effaim d'étourdis,
En fœur du pot s'en va, dans un taudis,
Te foulager, famille infortunée !
Elle eft, pour toi, l'ange du paradis ;
Et tu la crois au moins prédestinée.
Au lieu des Jeux, des Amours & des Ris,
Qui voltigeoient fous fes riches lambris,
Quelle eft fa cour? Des marmots en guenille;
Un bon vieillard, une mère, une fille:

A fes genoux je les vois attendris ;

Les

Les yeux en pleurs, je crois tous les entendre
Bénir le ciel qui la fit belle & tendre.
Tendre! oui, GUIMARD, fans tes jolis péchés,
Cent malheureux expiroient dans les larmes;
Et leur falut eft le prix de tes charmes.
Oh! que du ciel les deffeins font cachés !
Rien n'est plus beau que de vivre en hermite,
Chacun le fait; cependant il eft clair
Que fi GUIMARD eût été Carmélite,
Cent malheureux feroient morts cet hiver.
C'est donc ce cœur fi foible & fi fragile,
Que pour exemple, au prône, on citera!
O charité! vertu de l'Evangile!
Quoi! ton modèle est donc à l'Opéra !

Mais quel dommage, hélas! dans la couliffe La vertu même eft, dit-on, comme un vice. Chère GUIMARD, ton Curé te loura; En te louant, il t'excommunira.

A fon dîner, un dévot Molinifte,
Pour tous les goûts indulgent moraliste ;
Blâme les tiens, te damne en digérant,
Et jette à peine un œil indifférent
Sur le malheur d'un voisin Janséniste
Tu ne connois Molina ni Quefnel;
Mais l'indigent, mais le foible pupile,
Dans ton corset trouve un cœur maternel.

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Ame célefte! & du ciel on t'exile!

Oui, de tes dons Dieu ne fait aucun cas.
Jamais au ciel on ne monte en cadence.
Tu fais le bien; mais tu danses: tes pas
Sont applaudis ainfi que tes appas.

Depuis David, Dieu ne veut plus qu'on danse.

Si tu mourois (car ce n'eft plus le tems
Où le plaifir rajeunifant les Belles,
Leur affuroit un éternel printems;

Les Graces même aujourd'hui font mortelles):
Si tu mourois, on verroit ton cercueil
Environné de mille Amours en deuil,
Pleurant leur mère; une foule attendrie
De malheureux, à qui tu rends la vie,
Suivroient auffi ce funèbre convoi;
Mais ton Curé, ni même fon Vicaire,
Ni du bas-chœur la troupe mercenaire,
Ne marcheroit en heurlant devant toi :
D'encens bénit sans être parfumée,
Hors du bercail tu ferois inhumée.

Que fais-je, hélas ! j'attrifte les Plaifirs.
Aime & jouis; fuis tes goûts, ton caprice,
De tes amans couronne les defirs;
Mais au malheur tends une main propice.
Comme un ruiffeau qui roule fur les fleurs,
Laiffe couler ta 'brillante jeuneffe.

Après avoir régné fur tous les cœurs,

Dans cinquante ans un Grand-Carme à confeffe
Fera ta paix. Un songe féduisant,

Une erreur tendre, une douce folie,
Peut s'effacer; mais jamais Dieu n'oublie

Qu'on fût fenfible, & qu'on fût bienfaisant.

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