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Le frivole & doux langage, L'humeur fouple, l'air accort, Et ce refpe&t qui ménage

Le grand, le riche & le fort Mais, quoi ! d'un confeil fisage Vous riez! Vous avez tort.

РОЁМЕ,

Lu dans la féance publique de l'Académie Françoife, le 13 Mars 1788, jour de la récep tion de M. D'AGUESSEAU, Confeiller d'État.

QUELS que foient les travaux que la gloire environne,
Ils font récompenfés quand fa main les couronne.
Et que faut-il de plus à des cœurs généreux ?

Un immense théâtre, un fpectacle nombreux,
Tout un fiècle attentif, l'avenir, la Patrie,
Qu'au milieu du péril on croit voir attendrie,
Avec des yeux de mère obferver fon enfant,
Le pleurer malheureux, l'embraffer triomphant;
Tout infpire aux Héros la conftance & l'audace,

Qui daigne alors favoir quel danger le menace ?
La mort même, embellie aux regards du Guerrier,
Pare fon front hideux d'un rameau de laurier;
Et fi dans les combats, fur les mers des deux Mondes,
A l'éclat de ces feux qui fillonnent les ondes,

Sur le roc Baléare (1), au fommet escarpé,
Au fommet foudroyant du terrible Calpé (2),
Le Héros voit la Mort, il la prend pour la Gloire.
Prodigue de fa vie, il fonge à fa mémoire.
L'airain tonne; fon cœur n'en eft point effrayé:
Il entend la louange, & fon fang eft payé.

N'allons point cependant, complices de l'Envie,
A qui met à ce prix fon repos & fa vie,
Reprocher un falaire, hélas! trop mérité,
Et rendre ingrats fon fiècle & la postérité.
La Vertu vit de gloire ; & le plus magnanime
Languiroit bien fouvent fans ce feu qui l'anime.
L'homme, toujours fi foible, a befoin d'un appui:
Il fera
peu pour nous, s'il ne fait rien pour lui,

Alexandre, accablé de fes courses lointaines,
Se délaffe en rêvant aux éloges d'Athènes.
Il nous a des grands cœurs révélé le fecret.
Décius à la mort va s'offrir fans regret,

Pourvu qu'à fes neveux, pour exemple on le nomme;
Régulus dans les fers jouit des pleurs de Rome.
Caton même, peut-être, avant de se frapper,
Du foin de fa mémoire a daigné s'occuper.

Il a vu Rome en deuil aux pieds de fon image.
Laiffons-lui chez les morts emporter cet hommage;

(1) Minorque.

(2) Gibraltar.

Et

Et lorfqu'à fon pays Cicéron dévoué

Ne voit rien de fi doux que d'en être loué,

Songeons que,moins fenfible aux honneurs qu'il espère, Jamais de fa Patrie il n'eût été le père.

Mais s'il eft un mortel qui, dans fon devoûment; Généreux par inftinet, fublime obfcurément, Sans que ni le devoir, ni la gloire l'ordonne, Pour le falut d'autrui s'oublie & s'abandonne; Ah! le premier, fans doute, il a droit d'obtenir Les regrets de fon fiècle & ceux de l'avenir, Et c'eft à lui, fur-tout, que la Gloire elle-même Doit s'offrir, à côté de la Vertu qu'il aime, Le poursuivre, l'atteindre au-delà du trépas, Et chercher, au tombeau, qui ne la cherchoit pas. Elevé dans fon fein, tu femblois né pour elle, O toi, qu'auroit pour fils adopté Marc-Aurèle, Prince, en qui, dès l'enfance, à l'ombre du repos, Germoit l'ame d'un Sage & le cœur d'un Héros, Jeune BRUNSWICK. Autour de ces foyers antiques, Dont l'Honneur & la Foi font les Dieux domestiques, ! Tu n'avois qu'à choisir un modèle à ton gré : D'exemples immortels je te vois entouré, FERDINAND (1) t'apprendra quel mouvement rapide Imprime à tout un peuple un feul homme intrépide,

(1) On fe fouvient de la révolution que fit dans l'armée Hanovrienne, en 1758, le changement de Général, lorsque le Prince Ferdinand de Brunswick fe mit à la tête de cette armée.

Tome III.

Cc

Et comment fon courage, étonnant l'Univers,
Fait fortir les fuccès du milieu des revers.
Çe Roi qui, tour-à-tour ambitieux & juste,
Aux beaux jours de Céfar joint les vieux ans d'Augufte,
Ce génie à la fois û fage & fi hardi,

FREDERIC (1), dans un art par lui-même agrandi,
Inftruira ta jeunesse. HENRI (2) sera ton guide ;
HENRI, de la Vertu l'ami le plus folide;
HENRI, guerrier fenfible, & modefte vainqueur,
Qui maitrifa toujours la fortune, & fon cœur.
Enfin fi moins épris de ce calme stoïque,
Tu préfères l'éclat d'une ardeur héroïque,
CHARLES (3) à ta valeur offre un modèle heureux,
Tu l'as vu, ce Héros aimable & généreux,
Redouté, mais chéri de fes rivaux de gloire,
Comme dans un tournoi difputer la victoire,
Et couvert de pouffière, & de fang inondé,
Applaudir, dans l'arène, aux exploits de CONDE.

Hélas! c'étoit à lui qu'eût ressemblé fon frère.
Fier & doux, fimple & grand, fon brillant caractère,

(1) Le feu Roi de Pruffe, oncle du Prince Léopold de Brunswick.

(2) Le Prince Henri de Pruffe, oncle du Prince Léopold de Brunswick.

(3) Le Prince de Brunswick régnant, frère de Léopold. On fait avec quelle nobleffe & quelle byauté il a fait la guerre.

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