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pas été celle de M. Colardeau. Vous avez recherché l'un & l'autre, non pas l'opinion de la multitude, qui rarement remonte jusqu'aux Gens de Lettres, mais l'opinion des Gens de Lettres, qui defcend vers la multitude, & qui l'entraîne tôt ou tard. Ce font vos pairs qui les premiers ont apprécié vos talens, même celui qui vous distingue, & qui, j'ose le dire, a très-peu de vrais juges, celui de bien écrire en vers.

L'art des vers, dans fa nouveauté, avoit quelque chofe de mystérieux. Ce problême fi compliqué, dont la folution confiste à réunir, dans une mesure prefcrite, l'artifice & le naturel, l'élégance & la précision, la contrainte & la liberté, l'harmonie & le coloris, la jufteffe de la pensée & de l'expreffion, & l'exactitude févère de la cadence & de la rime; cet art, fans ceffe déguisé fous l'apparence d'une rencontre heureuse, préfentoit fucceffivement, dans la difficulté à vaincre un nouvel objet de curiofité, & dans la difficulté vaincue un nouvel objet de furprise ainfi le preftige du vers fuffifoit alors

& au plaifir du lecteur, & au fuccès du poëte.

Tout fe déprise par l'habitude; & depuis que le merveilleux de cette langue nous eft devenu familier, le poëte eft foumis à des loix plus févères: le goût, plus froid, plus dédaigneux, ne pardonne rien au génie : on veut bien applaudir encore à l'habileté de l'artiste, mais on exige que fon travail ne façonne que de l'or pur.

C'est dans ce moment d'indifférence & de févérité que vous, MONSIEUR, & M. Colardeau, vous avez trouvé le goût des vers; & vous avez eu tous les deux la gloire de le ranimer: vous, par une marche plus impofante, plus périodique, plus analogue à la haute éloquence, à laquelle vous avez su prêter la hardieffe des tours, le relief des images, la majefté du nombre & l'éclat des couleurs; lui, par des nuances plus douces, par une mélodie plus fenfible, par une facilité de ftyle pleine de molleffe & de grace, fans négligence & fans langueur, où rien n'eft entaffé, où rien n'eft inutile, où chaque

mot ne tient que la place de fon idée, qu'il femble de lui-même être venu remplir; l'un & l'autre enfin, par ce mérite rare de penfer avant que d'écrire, de ne donner aux mots que la valeur des chofes, & de ne pas amufer l'oreille fans occuper l'ame ou l'efprit.

Employez-le, MONSIEUR, cet art de plier notre langue à tous les caractères de l'expreffion imitative; employez-le, non pas, comme on a fait fouvent, à d'amufantes futilités, mais à rendre fenfible, intéreffant, aimable, attrayant pour la multitude le langage de la raifon, de la vertu, de la fageffe; à prêter à la vérité plus d'énergie & plus de charme; à répandre de plus en plus cette philofophie des gens de bien, qui n'a, quoi qu'on en dife, que deux grands ennemis au monde, le fanatifme & la tyrannie, & qui n'a jamais fait d'autre mal aux hommes que de les éclairer & de les adoucir.

La vérité fage & décente n'a plus aucun rifque à courir; & fi elle étoit poursuivie, ce feroit à l'ombre du Trône qu'elle iroit se refugier afyle bien nouveau pour elle !

Mais fi, fous les bons Rois, elle perd la gloire de se montrer courageufe, elle acquiert l'avantage d'être plus ingénue, & de pouvoir paroître enfin dans tout l'éclat de fa lumière. Et quelle époque, MONSIEUR, quelle époque plus favorable pour la Poéfie & pour l'Eloquence, que le règne d'un Prince devant qui, fans ménagement & fans crainte, on peut faire l'éloge de toutes les vertus & la fatyre de tous les vices!

DE L'ÉLOGE

DE M. D'ALEM BERT,

Lue dans l'Affemblée publique de l'Académie Françoife, le 25 Août 1787.

MESSIEURS,

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Le Prix d'Eloquence propofé pour l'Eloge de M. D'ALEMBERT eft remis encore à l'année prochaine. Les Gens de Lettres, jufqu'à préfent, nous ont paru intimidés par la difficulté de traiter dignement ce qu'ils regardent comme la partie éminente de cet Eloge; & c'eft fur quoi nous avons cru devoir les raffurer.

Ce fut fans doute pour M. D'Alembert un beau titre de gloire, que d'être mis au nombre des Géomètres du premier ordre,

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