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douleur; & en fe montrant affligé, il foulage lui-même le cœur de fes amis du poids de fon affliction. J'espère (difoit-il, en fe fervant de ce beau mot de fon ami Voltaire) j'espère en celui qui confole. Ce n'est plus cette gaîté vive qui lui étoit fi naturelle, c'est une douceur qui fourit, amérement, mais qui fourit encore; c'eft ce touchant defir de plaire qui avoue le befoin d'être aimé ; c'est une attention délicate & fuivie de rendre fa fociété intéreffante à ceux qui la composent, foit en y répandant ce qui, par intervalles, lui revient encore d'enjouement, foit en y jettant ces lumières dont fon efprit rayonne encore, & qu'il femble verser avec plus d'abondance aux approches de fon couchant.

Il y touchoit ; & ce frêle réseau dont la Nature avoit compofé fes organes, ne devoit pas réfifter long-temps aux atteintes de la douleur, de cette douleur déchirante, & d'autant plus cruelle, que ni la cause, ni le remède, ni la durée, ni le terme ne lui en étoit connu.

Ici, MESSIEURS, j'avoue que l'Orateur

n'aura point à vanter cette pénible & fière contenance d'un être foible & vain, qui se roidit & fe met à la gêne pour l'honneur de fe montrer fort. M. D'ALEMBERT, qui de fa vie n'avoit pris aucun mafque, qui détestoit l'hypocrifie, & fur-tout celle de la vertu, n'affecta rien, ne diffimula rien. On l'a vu s'armer de courage contre l'adverfité, parce qu'il fe fentoit la force de la vaincre. Il est vaincu par la douleur, & il l'avoue en gémiffant. La Nature a laiffé, dit-il, à l'être fenfible & fouffrant, le foulagement de la plainte: & comme celle des affligés ne lui fut jamais importune, il ne peut se persuader que la fienne le foit, même aux indifférens. Il ne s'impofe donc nila contrainte du filence, ni celle de la folitude, & fon ame cherche autour d'elle l'appui des coeurs compatiffans.

Cependant il se reprochoit de trop affliger fes amis. Pardonnez-moi, leur disoit-il, pardonnez-moi mes impatiences. Si vous faviez quel eft le tourment qui les caufe!.... J'ai peine à concevoir qu'un être fi débile puisse tant fouffrir

Jans mourir. Et l'instant d'après, fi l'accès de la douleur avoit quelque relâche, on le voyoit avec un air, je ne dis pas serein, mais où des rayons de gaîté perçoient à travers le nuage, fe livrer à nos entretiens, les animer lui-même, les embellir encore; &, comme on nous dit que Socrate oublioit la ciguë, pour donner fes derniers momens aux effufions de l'amitié, notre Sage oublioit de même la mort inévitable & prochaine qui l'attendoit. Cette mort lui fut annoncée; & du moment qu'il vit le terme de la douleur, il parut fe réconcilier avec la Nature, & ceffer de s'en plaindre. Tant qu'il avoit fallu fouffrir, il avoit eu besoin de confolation, d'affiftance; mais pour mourir avec courage, fa propre force lui fuffit. Son ame, recueillie en elle-même, femble déjà s'être ifolée, & ne plus s'occuper de la triste dépouille qu'elle va laisser au tombeau. Ah! ce feroit ici pour l'Orateur le moment de peindre cette ame, qui, avec le calme de l'innocence & la conftance de la vertu, fe difpofe à franchir la dernière limite du

préfent & de l'avenir, & va chercher la folution du grand problême de la vie.

Je n'ai fait, MESSIEURS, qu'indiquer les traits de l'efquiffe d'un grand tableau. Ce n'eft pas à moi de le peindre; mais je crois en avoir dit affez pour faire voir que, fans s'étendre fur le mérite de M. D'ALEMBERT en qualité de Géomètre, fes talens littéraires fes vertus, fa bonté, cette fimplicité de mœurs fi éloignée de toute jactance & de toute affectation, ce mélange de force & de foibleffe aimable, cette candeur intéreffante, ces agrémens fi naturels de l'efprit & du caractère, cette vie, enfin cette mort, font pour l'Eloquence un fujet auquel il ne manque qu'un Orateur.

LETTRE

DE M. MARMONTEL

A M

SUR LA CÉRÉMONIE DU SACRE

DE LOUIS XV I.

Reims, le 11 Juin 1775.

JE n'ai fu, mon ami, à quoi je m'engageois, quand j'ai promis de vous décrire la cérémonie augufte dont j'allois être le témoin. Tout ce qui n'intéreffe que l'imagination peut fe peindre; mais ce qui touche & pénètre l'ame, comment le retracer? Cela n'est pas poffible: il faut le voir pour en jouir.

On croit fe faire une affez haute idée de cette pompe folemnelle, de cette fête en même tems politique & religieufe, dans laquelle, en face du ciel & de la nation, le Monarque vient imprimer un caractère

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