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DEUXIÈME PARTIE.

NOTES,

PIÈCES A L'APPUI ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Après les notes qu'on va lire, je donnerai, sous forme de pièces à l'appui et d'éclaircissements, trois mémoires antérieurement publiés, et dont l'étude, pour les personnes peu versées dans la science de l'homme moral et surtout dans celle de la folie, jettera un jour nécessaire sur l'histoire psychologique de Socrate et sur celles qui lui ressemblent.

La première et la plus courte de ces pièces comprend deux observations d'aliénation mentale aiguë, presque uniquement constituée par des hallucinations qui, à raison de leur existence isolée, quoique brève, pourront être, avec avantage, rapprochées des hallucinations tout à fait chroniques de Socrate. La seconde se compose d'histoires particulières, présentées, comme les deux précédentes, dans la forme scientifique ordinaire à ces sortes de travaux, et offrant la plus complète analogie avec celles de ce grand homme et

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de quelques autres célèbres hallucinés. C'est ce que montrait déjà, du reste, à l'époque où elles furent publiées, l'indication des Cas analogues placée en tête de chacune d'elles. Quant à la troisième pièce, son titre indique assez, par lui-même, et sa nature et son objet; et elle n'est, dans certaines de ses parties, qu'un corollaire général des faits et des rapprochements, dont se compose la seconde. Je crois sa lecture faite pour suppléer à tout ce qui, dans le récit de la partie folle et hallucinée de la vie de Socrate, pourrait paraître trop bref et trop synthétique.

A part quelques suppressions relatives à des circonstances purement médicales, j'ai fait à dessein de ne rien changer à ces trois mémoires, qui contiennent en germe, les deux derniers surtout, la plupart des idées développées dans ce livre. Il m'importait de montrer ainsi que des recherches, continuées avec réflexion pendant plusieurs années, n'ont fait que m'affermir dans la manière de voir qu'avaient fait naître de premiers travaux (1).

(1) Manière de voir qui, après vingt autres années d'études, j'ose le croire, agrandies, est toujours et plus que jamais la même.

(Note de la deuxième édition.)

NOTES.

NOTE PREMIÈRE.

CARDAN ET SON ESPRIT FAMILIER.

Page 195. Un pas de plus, et l'intervalle est franchi, et, au lieu de Galilée, vous avez Cardan.....

On s'imaginerait à tort que Socrate ait été le seul philosophe célèbre dont la raison hallucinée ait cru recevoir assistance d'un démon ou esprit familier. Ce genre de folie, au contraire, était assez commun dans l'école Alexandrine, dont les chefs furent, pour la plupart, des visionnaires, et il s'est montré plus d'une fois parmi les savants de toute sorte qui, à l'effervescente époque de la Renaissance, fatiguèrent leur cerveau à demander aux sciences occultes ce que ne pouvaient leur donner encore les sciences réelles, qui n'étaient pas nées. Parmi ces esprits familiers le plus célèbre peut-être est celui de Cardan (1), et je veux en dire quelque chose que j'extrairai de l'ouvrage même que ce philosophe a publié sur sa propre vie (2).

(1) Campanella aussi avait un esprit, mais moins connu que celui de Cardan.

(2) De vita propria liber.

Jérôme Cardan, né près de Milan, en 1508, était bâtard, mais d'une famille noble, dont il expose, avec orgueil et complaisance, la généalogie et les titres divers. Il fait la remarque, au moins singulière, qu'on y vivait longtemps, qu'on y procréait à un âge avancé, qu'on y était d'une haute stature, d'un grand savoir, d'une parfaite probité.

Son père était un original, ne s'habillant pas comme tout le monde, bègue, superstitieux, amateur de toutes sortes d'études, ayant, par suite d'une blessure reçue à la tête, perdu dans sa jeunesse plusieurs parties des os du crâne, enfin se croyant déjà guidé par un esprit. Quant à sa mère, elle était colère, mais elle avait de la sagacité et de la mémoire. Elle avait tenté de se faire avorter, étant enceinte de lui. L'état du ciel et des planètes, à l'heure où naquit Cardan, eût pu, dit-il, faire de lui un être monstrueux et disloqué. Mais il en fut quitte pour naître dans un état de mort apparente, avec des cheveux noirs et crépus, et frappé d'une impuissance virile qui ne cessa qu'à l'âge de trente et un ans. Ce n'est pas tout. Il était bègue, comme son père, sans force corporelle, doué d'une aptitude moyenne, inter frigidam et harpocraticam, id est inter rapacem et inconsultam divinationem. L'état astrologique du ciel, au moment de sa naissance, fit encore que, malgré une certaine subtilité, son esprit n'était nullement libre, qu'il ne put jamais former que des projets interrompus et empêchés, qu'il n'eut que

peu de biens, peu d'amis, mais qu'en revanche il eut beaucoup d'ennemis, dont la plupart lui étaient inconnus, soit de nom, soit de visage. Il fut toute sa vie, ditil, absque humana sapientia, nec memoria validus, sed providentia aliquanto melior.

Après ce singulier portrait que Cardan traçait de lui-même, un an seulement avant sa mort, il parle, sans transition, de la naissance d'un prince impérial, arrivée le jour même où il écrit, d'une autre ère qui commence pour l'empire romain, de Ferdinand et d'Isabelle, qui ont mis en mer une nouvelle flotte, etc...; le tout sans qu'on sache d'où lui viennent ces idées, et absolument comme pourrait le faire un maniaque.

Dans le chapitre XLVII de son ouvrage, chapitre intitulé Spiritus bonus, il commence par rappeler qu'il est bien certain qu'il y a eu des hommes célèbres assistés ou gouvernés par des esprits familiers, appelés, dit-il, par les Grecs, anges ou messagers, et par les Latins, esprits (1). Dans ce cas se sont trouvés, ajoutet-il, Socrate, Plotin, Dion, Synésius, F. Joseph, et enfin lui (mihi). Mais, à l'exception de celui de Socrate (2), tous ces esprits favorables, aussi bien que les

(1) Voyez, pour l'idée générale que Cardan se faisait des esprits ou démons, le chap. 93 du livre XVI du traité De rerum varietate, et le livre XIX du traité De subtilitate.

(2) Rapprochez de cette exception, qui est un éloge, la longue et dégoûtante diatribe que Cardan a écrite contre Socrate, sous le titre de De Socratis studio. Cette palinodie serait d'un homme sans probité, si elle n'était d'un fou.

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