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esprits funestes de C. César, de Cicéron, d'Antoine, de Brutus, de Cassius, n'étaient, dit Cardan, que des démons, tandis que le sien est un esprit bon et misécordieux.

Il était persuadé depuis longtemps de l'existence de cet esprit; mais ce n'est que dans sa soixante-quatorzième année, comme il commençait à écrire sa vie, qu'il put bien s'assurer de la manière dont cet esprit l'avertissait des choses futures. C'étaient de très-fortes palpitations de cœur, la sensation d'un violent tremblement de terre, avertissements partagés par Cardan fils, quand les événements à venir lui étaient communs avec son père ; c'étaient des mouvements d'espèces ou d'images (movit speciem mihi), etc... etc... (1).

Je cite ce qui suit dans le texte original, pour plus de vérité, et parce qu'il y a, dans ces pensées latines d'un halluciné, des choses pour lesquelles toute traduc

(1) Indépendamment de ces différentes espèces de fausses perceptions, Cardan avait encore des hallucinations de l'odorat. Voici ce qu'il en dit au chapitre 43 du livre VIII du traité De rerum varietate: « Il y a encore en moi quelque chose d'extraordinaire; c'est que je sens toujours une odeur quelconque. Tantôt mon corps exhale une odeur d'encens, et tantôt une odeur désagréable. Pendant près de deux ans, les pores de ma peau laissaient passer une si forte odeur de soufre, que j'en étais insupportable à moi-même, et que je craignais pour ma santé; mais cette odeur n'était pas sensible pour ceux qui m'approchaient. » Il parle encore de cette même espèce d'hallucinations au chapitre 37 du livre De vita propria.

tion est impossible, inintelligibles qu'elles sont pour des traducteurs raisonnables.

In universum Dæmonum apud antiquos multiplices fuere differentiæ prohibentes ut Socratis, admonentes ut Ciceronis in obitu, docentes quid futurum sit per somnum, per casus, per belluas, hortando nos ut ad locum eamus, et fallendo per sensum unum, aut plures simul, et eo nobilior (hallucinations d'un ou de plusieurs sens) item per res naturales (illusions), et demum per non naturales (hallucinations), et hunc censemus nobilissimum. Item bonus et malus.

Aliud cur quæ admonet non aperte admonet? adeo ut vellem; sed unam rem pro alia docet, velut strepitibus illis inconditis, ut confiderem, Deum cuncta spectare, licet illum oculis non videam? Poterat enim per somnium admonere aperte, vel per aliud ostentum clarius. Sed hoc forsan judicavit magis curam divinam, majoraque quæ acciderunt timores, impedimenta, anxietates et stridor timoris loco; obscuritate etiam opus est, ut intelligamus esse opera Dei, non ut vetare do

ceamur.

Cardan se demande pourquoi ces choses-là lui arrivent, et non pas aux autres. C'est qu'il était halluciné, et que les autres ne le sont pas. Il donne ensuite comme des avertissements de son Esprit, ces mots qu'il n'a pas pu comprendre, et que le lecteur ne comprendra sûrement pas davantage, Te sin casâ et Lamant, puis ces phrases également extravagantes, id de vitâ quatuor

annorum ex responsione Simii ? Et de vermiculis qui in scutellis apparuerunt?

Mais l'esprit de l'homme, dit-il, n'est pas toujours disposé à concevoir les signes du bon Ange, que ces signes soient une vapeur ou une forme imparfaite, ou toute autre chose. Ce défaut de conception a lieu, suivant les philosophes, par l'effet de la mauvaise disposition des organes, ou, suivant les théologiens, par la volonté de Dieu, dont l'Ange n'est que l'instrument.

Cardan est aidé par son Esprit dans la recherche des causes, des disciplines; il en reçoit la connaissance des choses incorporelles et immatérielles. Il lui doit sa réputation, sa gloire, ses plaisirs, du soulagement dans ses peines, du secours dans l'adversité, une grande partie de tout ce qui lui est arrivé d'heureux; il aurait pu ajouter avec non moins de vérité, la plupart des fautes par lui commises dans le cours de sa vie vagabonde et déréglée.

Après ce que j'ai dit de Socrate dans l'ouvrage qu'on vient de lire, je ne crois pas avoir rien à ajouter sur ce chapitre de la vie de Cardan, où ce malheureux philosophe fait lui-même, d'une manière si formelle, l'histoire de ses hallucinations. Comme Socrate, il rend compte de ce qu'il éprouve, sans se douter de la portée de ses paroles. Mais les historiens de la philosophie y ont plus fait attention qu'à celles du sage d'Athènes, et ils ne seraient pas éloignés de voir dans Cardan un

fou, ou quelque chose de très-voisin (1). Seulement ce qui les embarrasse, c'est que, dans plusieurs endroits de ses ouvrages, il revient, pour la nier, sur l'existence de son démon familier. Et c'est là précisément ce qui caractérise la forme de maladie mentale à laquelle il était en proie. Quand un halluciné est guéri, il ne croit plus à la vérité de ses hallucinations; sauf à se les rappeler et à y croire de nouveau quand il retombe. Il arrive enfin une époque où elles ne le quittent plus. Alors il croit et à celles qu'il a présentement, et à celles qu'il a eues jadis, qu'il avait presque oubliéés, mais que les nouvelles lui remettent en mémoire ; et voilà justement ce qui est arrivé à Cardan. Il a écrit l'histoire de sa vie et de son esprit familier un an environ avant sa mort, et à cette époque il était plus halluciné, plus fou que jamais, ainsi que son ouvrage tout entier en fait foi.

(1) BUHLE, Histoire de la philosophie moderne ; Philosophie de Cardan, t. II de la traduction française.

NOTE DEUXIÈME.

OPINION DE M. COUSIN SUR LE FAIT DU DÉMON

DE SOCRATE.

Page 207. C'est l'opinion de Montaigne, de Naudé, de Guy-Patin, de Charpentier, de Fraguier, de Rollin, de Voltaire, et de quelques platoniciens tout à fait modernes (1).

Le savant traducteur des œuvres complètes de Platon ne pouvait voir dans le maître de ce dernier ce qui s'y trouve, et ce que j'y ai montré, c'est-à-dire un fou halluciné; la connaissance de la psychologie morbide pouvant seule conduire à ce résultat. Aussi, est-ce une chose digne d'attention que la manière dont M. Cousin cherche à se rendre compte du fait du Démon de Socrate, dans deux notes relatives l'une à l'Apologie, l'autre au Théagès, les deux dialogues où le fils de Sophronisque trahit, de la manière la plus déterminée, la maladie de son esprit. Je vais citer textuellement ces deux notes, et l'examen que j'en ferai ensuite sera comme le complément de la démonstration de psychologie historique à laquelle j'ai consacré cet ouvrage.

(1) Ces platoniciens ne sont plus tout à fait aussi modernes. Peut-être ne sont-ils plus aussi platoniciens. Je doute qu'ils soient devenus plus forts, je ne dis pas en grec, mais en démonologie.

(Note de la deuxième édition.)

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