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« nous-mêmes par des organes grossiers, c'est avec << peine que quelques-uns d'entre nous peuvent, en

s'approchant de ces images, reconnaître le modèle « qu'elles représentent. La beauté était toute brillante « alors que, mêlées aux chœurs des bienheureux, nos « âmes, à la suite de Jupiter, comme les autres à la << suite des autres Dieux, contemplaient le plus beau << spectacle, initiées à des mystères qu'il est permis « d'appeler les plus saints de tous, et que nous célé<< brions véritablement, quand, jouissant encore de « nos perfections et ignorant les maux de l'avenir, << nous admirions ces beaux objets, parfaits, simples, « pleins de béatitude et de charme, qui se déroulaient « à nos yeux au sein de la plus pure lumière, non « moins purs nous-mêmes, et libres encore de ce « tombeau qu'on appelle corps, et que nous traînons << avec nous, comme l'huître traîne la prison qui l'en« veloppe (1). »

En rapprochant de ce passage de Platon ce que ce philosophe dit de la folie dans le Timée, le IIe Alcibiade, le XI® livre des Lois, et dans un autre endroit

(1) PLATON, Phèdre, p. 43 et suiv. de la traduction de M. Cousin.

La science moderne a trouvé dans toutes les belles choses du genre de celles qu'on vient de lire, un sens constamment sérieux et profond, mais voilé. Elle en a appelé l'expression un MYTHE. Le mot fable, en effet, était devenu impropre; il était d'ailleurs trop vulgaire et d'une franchise un peu impolie.

du Phèdre, on voit, en somme, qu'il distinguait deux espèces de délire, l'un morbide, et l'autre inspiré par les Dieux. Or cette théorie, qui s'opposait d'emblée et de par le ciel, à ce qu'il fût fait aucun progrès dans la connaissance des hallucinations, n'était pas seulement celle des philosophes, c'était et ce devait être encore, à peu de chose près, celle des médecins (1). Ils n'eussent été, sans cela, ni de leur époque, ni de leur religion, et c'est là un privilége qui n'est accordé à personne. Assurément, dans quelques cas de prétendue inspiration, ils devaient concevoir des doutes qui ne pouvaient entrer dans l'esprit des philosophes, parce qu'ils étaient à même d'apprécier, mieux que ces derniers, la nature de l'intelligence humaine et de plusieurs de ses modes de perversion. Ils connaissaient, par exemple, ces erreurs de perception, en vertu desquelles les maniaques, se trompant sur leur propre nature et sur celle des êtres qui les environnent, les prennent ou se prennent eux-mêmes pour un animal, une plante, un objet inanimé. Ils connaissaient encore, jusqu'à un certain point, les hallucinations, forme de la folie, où il se produit des sensations qui n'ont aucune cause dans le monde extérieur, et ils les connaissaient sur

(1) Cæl. Aurelianus commence le chapitre 5 du livre Ier du traité des Maladies chroniques par rappeler la division du délire faite par Platon, en délire corporel ou morbide, et délire inspiré par les dieux ou par Apollon. Arétée (Morb. diut., I, 6) admet aussi une espèce de manie produite par le souffle divin.

tout dans les cas de délire aigu, désignés alors sous les noms de phrénésie et de paraphrénésie. Ils pouvaient ainsi parfois démasquer les jongleries des charlatans, ou prendre pour ce qu'elles sont les convulsions des épileptiques, comme cela se voit notamment au livre De morbo sacro, attribué à Hippocrate. Mais cela n'allait pas et ne devait pas aller plus loin; et il ne pouvait leur venir à l'idée de rapporter la plupart du temps, à une maladie de l'encéphale, ou à un trouble de la pensée, les contorsions de leurs Pythies, ou les avertissements démoniaques de leurs Dieux.

PIÈCES A L'APPUI

ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

I

DES HALLUCINATIONS

AU DÉBUT DE LA FOLIE.

(1831)

La mélancolie (1) des Anciens et de beaucoup de pathologistes étrangers est plutôt un degré qu'une

(1) Les anciens, comme on sait, regardaient la mélancolie originelle ou le tempérament mélancolique comme l'attribut du génie, ou au moins comme une de ses condi. tions les plus fréquentes. C'est ainsi qu'Aristote (Problem., sect. xxx) considère comme des mélancoliques ou comme des extatiques, Hercule, Bellérophon, Ajax, Empedocle, Lysandre, Socrate et Platon lui-même. Cette opinion ne veut dire autre chose, sinon qu'il est d'une observation très-reculée, que les hommes éminents par la profon deur et la vivacité de leurs pensées sont disposés à les prendre pour les choses elles-mêmes, ou à les convertir en sensations externes, ce qui peut devenir un acheminement à la folie sensoriale, à la folie de Socrate et de Cardan,

forme de l'aliénation mentale. Liée à l'action d'un système nerveux originellement excitable, elle a pour caractère une susceptibilité maladive, qui centuple l'effet des moindres impressions, soit externes, soit internes, et met le malheureux qui en est atteint dans un état de défiance invincible contre tout ce qui l'environne, et de mécontentement profond contre luimême.

Si cet état ne fait pas de progrès, si rien ne vient éveiller une organisation déjà trop disposée à agir, on pourra, pendant longtemps, ne voir dans le mélancolique qu'un homme bizarre, défiant, qui, dans son orgueil, a pris en haine une société où il ne se croit pas à sa place. Mais que, par l'effet d'une cause violente ou prolongée, l'activité du système nerveux s'accroisse en se pervertissant davantage, que les impressions des deux ordres de sens deviennent plus répétées, plus douloureuses, bientôt la scène morale change, et son aspect désordonné ne tarde pas à frapper les yeux même les moins habitués à voir.

Le mélancolique devient chaque jour plus irritable, plus défiant, plus sombre. Son sentiment du moi s'exaspère; tout ce qui se passe sous ses yeux, il le rapporte à lui-même ; il le travestit, le dénature; voit des complots contre sa personne dans des actes qui ne le concernent point; de l'hypocrisie, de la haine, dans des témoignages d'amitié. Jadis il n'avait que des soupçons, maintenant il se complaît dans une fâcheuse certitude.

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