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qu'il a été transporté de Paris à C*** en B***. Je lui fais voir qu'il est dans un hôpital. Il en convient; mais c'est, dit-il, un hôpital de C***. Je lui dis qu'il n'a pas quitté Paris, ou plutôt qu'il en est très-près. Il ne le croit pas. Je lui montre la capitale du haut d'un des bâtiments de la division des aliénés. Je lui désigne du doigt le Panthéon, le Val-de-Grâce, le dôme des Invalides, etc. Il n'y voit que des édifices de C***, et aucun raisonnement ne peut le convaincre du contraire. La journée se passe ainsi. T. se promène librement dans les cours.

Le lendemain 29, à la visite du matin, au moment où l'on commence à revenir sur la scène de la veille, celle où T. a pris Paris pour une ville de province, le malheureux, dont la physionomie a repris l'expression la plus naturelle, s'écrie, en versant d'abondantes larmes Je suis fou! je suis fou! et il donne les signes de la plus violente douleur. Il a reconnu l'état d'où il vient de sortir. Les tentatives d'assassinat sur sa personne, C*** mis à la place de Paris, tout cela était un rêve, une illusion, qu'ont provoqués une journée et une nuit de débauche, et qu'avait préparés le chagrin d'abandonner, en fugitif, la maison paternelle. T. a conscience de tout. Il apprécie même les hallucinations qu'il éprouve encore au moment où il converse avec nous. Il croit entendre, et cela de la manière la plus distincte, une maîtresse qu'il a laissée à C*** lui parler et chanter dans la cour voisine. La sensation

est tellement forte que, tout en la croyant fausse, il est, à chaque instant, tenté de se lever, pour aller s'assurer de ce qui peut la faire naître. Ce sont ces fausses perceptions qui lui persuadaient qu'on l'avait transporté de Paris à C***.

A dater de ce jour, il n'y a plus le moindre trouble de l'intelligence, plus d'état fébrile. T. redevient ce qu'il était, un jeune homme d'un esprit cultivé, de manières douces, d'un caractère un peu mélancolique. Pendant quatre ou cinq jours encore, les hallucinations dont je parlais tout à l'heure continuent avec une force, une netteté qui étonne le malade, et dont il me rend compte avec une précision parfaite, et comme si elles avaient pour sujet un autre que lui. Peu à peu néanmoins elles s'affaiblissent et finissent par disparaître entièrement.

Bientôt T. s'occupe à écrire à sa famille, pour l'instruire de ce qui lui est arrivé, pour solliciter de son père l'oubli de sa conduite passée, et la permission de retourner près de lui. Des soins médicaux, le désir de prolonger sa convalescence et de rendre sa guérison durable, retardent sa sortie jusqu'au 21 mai 1829. A cette époque, rien, absolument rien, ne rappelle l'état violent qui, pendant quelque temps, a troublé son intelligence.

RÉFLEXIONS. Les sujets de ces deux observations étaient des hommes jeunes, à peu près de même âge,

d'un tempérament sanguin, d'une constitution mobile, et amie des plaisirs. Cette organisation, ainsi que je l'ai déjà remarqué, n'est pas ordinairement celle des mélancoliques, celle de ces hommes essentiellement nerveux, chez lesquels les hallucinations ne se déclarent qu'à la longue, et comme une sorte de couronnement de la manie. Aussi, chez nos deux malades, la folie a-t-elle, au contraire, éclaté comme un coup de foudre: elle a subitement revêtu sa forme la plus caractérisée, les hallucinations; ce sont elles qui ont ouvert la scène. Le délire général n'est venu qu'après, ainsi que la réaction fébrile. Encore n'ai-je observé ces derniers symptômes que chez l'un d'eux; et, dans les deux cas, l'accès de manie n'a pas duré longtemps: huit jours en tout; c'est là certainement une folie de la plus courte espèce.

Chez S., le plus âgé des deux, avec les hallucina→ tions a disparu tout trouble de l'intelligence. Seulement, pendant quelques jours encore, le malade a puisé, dans les souvenirs qu'elles lui avaient laissés, les motifs d'une erreur dont la cessation complète a marqué l'instant de sa guérison. Chez T., le plus jeune, il y a eu plus que cela. Après le retour parfait du jugement, les hallucinations ont persisté, presque aussi fortes et aussi distinctes qu'au moment du délire général et de la réaction fébrile. Dans l'un et dans l'autre cas, il y a eu, comme on voit, une action double et simultanée de l'encéphale, une sorte de

274 DES HALLUCINATIONS AU DÉBUT DE LA FOlie.

conflit entre l'esprit se souvenant ou imaginant, et l'esprit réfléchissant sur ces souvenirs et ces images, pour les combattre et les rejeter. Rien de plus singulier qu'une semblable folie, une folie perçue, réfléchie, involontaire, condamnée. Aussi ne pouvait-elle durer longtemps sous cette forme. Si elle eût persisté, elle aurait certainement passé à l'état de délire général; ou bien le malade eût fini par croire à la réalité de ses fausses perceptions, comme cela avait lieu chez les sujets des observations suivantes.

II

OBSERVATIONS

SUR LA FOLIE SENSORIALE.

(1833)

A n'envisager le délire maniaque que dans ce qu'il a de purement intellectuel, et abstraction faite de la lésion des facultés affectives, dont il n'est originairement que l'expression, ce délire pourrait être ramené à deux formes principales ou genres, dont le premier, fondé sur l'association vicieuse des idées, rentrerait d'une manière assez exacte dans la théorie psychologique de Hume et de Hartley, tandis que le second, établi sur la transformation des idées en sensations, pourrait fournir à l'hypothèse de Berkeley un argument bien singulier et bien puissant.

Dans le premier genre, en effet, ou bien les idées ne s'associent que sur un seul sujet, comme dans le délire des passions, dans le délire exclusif, dans la mélancolie, la monomanie; ou bien elles s'associent avec une trop grande rapidité, et en formant des séries vicieuses qui ne sont point dans l'ordre habituel de leur association, comme cela a lieu dans le premier degré du délire de l'ivresse, dans le délire aigu, dans la ma

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