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de Mahomet, à ne les prendre toutefois qu'à sa sortie de la grotte du mont HARA, n'ont peut-être pas duré aussi longtemps (1).

(1) Dans le mémoire qui suit sur les Analogies de la folie et de la raison, on aura à remarquer surtout celles qui sont relatives aux hallucinations chroniques ou à la folie sensoriale. Les observations qu'on vient de lire et celles qui leur ressemblent m'en ont fourni la première idée, et elles me firent émettre sur le Démon de Socrate une opinion qui, à l'époque où je l'énonçais, n'était presque qu'un pressentiment.

III

RECHERCHE DES ANALOGIES

DE LA FOLIE ET DE LA RAISON

(1834)

On a dû, pour faire le tableau de la folie, l'étudier et la décrire à son plus haut degré d'intensité, dans ses formes les plus tranchées et les plus distinctes, les plus éloignées, en un mot, de celles de la raison. C'était le moyen de la mieux peindre, mais ce n'était pas celui de la faire mieux comprendre. Dans ce dernier but, il faut non-seulement étudier l'action de ses causes occasionnelles, son incubation, son début, le passage de la raison à la folie, mais encore rechercher les états psychologiques qui, dans ce qui n'a pas cessé d'être de la raison, se rapprochent le plus des diverses formes et des divers degrés de l'aliénation mentale. Ces recherches analogiques, puisées en très-grande partie dans ce que chacun peut avoir éprouvé par soi-même, donneront lieu à des rapprochements d'où jaillira une lumière claire pour tous les yeux, et elles montreront, mieux que des descriptions isolées, que la folie n'est point une chose à part, que tous les fous ne sont point sous la tutelle des asiles qui leur sont consacrés, et

que, de la raison complète ou philosophique au délire véritablement maniaque, il y a d'innombrables degrés, dont il serait avantageux à tout homme d'avoir au moins la connaissance générale, afin de ne pas mettre toujours la colère ou la vengeance à la place de cette pitié indulgente dont peut-être il a eu quelquefois besoin, et qu'il pourra quelquefois encore avoir à réclamer pour lui-même.

I. A son point de départ, et dans les dispositions mentales qui en sont la cause prédisposante ou constitutionnelle, la folie est encore de la raison, comme la raison est déjà de la folie ; et il importe de commencer par là l'étude de leurs analogies. Ces dispositions, suivant même le langage ordinaire, sont, dans le mode moral ou affectif, une irritabilité extrême, une sensibilité excessive, qui donnent lieu à des illusions et à toutes les erreurs de jugement qu'elles traînent à leur suite, ou dont elles ne sont que le premier degré. Ce sont des appétits, des goûts, des désirs bizarres et exclusifs, des passions mauvaises, désordonnées, délirantes, un entraînement, une irrésistibilité dans les actes, qui frappent tous les yeux, parce qu'ils ne sont point en harmonie avec la raison commune. Et dans le mode intellectuel, c'est un manque d'attention qui donne lieu à de la distraction et à une apparence d'insensibilité aux impressions venues du dehors; c'est une association vicieuse des sentiments et

des idées, qui produit des singularités, des disparates, de l'incohérence dans les discours; ou bien une association trop rapide de ces actes intellectuels, qui occasionne dans le langage de la confusion et des ellipses inintelligibles; c'est enfin un jugement faux qui donne lieu à des manières de voir fausses et à des déterminations et à des actes que réprouve l'assentiment général.

En dernière analyse, il y a, dans les dispositions à la folie et à son point de départ, exaltation ou perversion de la sensibilité générale, exaltation ou perversion des appétits et des passions, vice de rectitude ou de rapidité dans l'association des sentiments et des idées. Or, ce sont là, au degré près, tous les traits essentiels ou primordiaux de la folie déclarée. Seulement, dans cette dernière, il n'est pas toujours aussi facile d'en faire l'analyse, parce que le désordre est plus grand, parce que ces diverses sortes de lésions de la volonté et de l'entendement se mêlent et se croisent, et qu'il en résulte un accroissement, soit de bienêtre, soit, et beaucoup plus souvent, de malaise tout à la fois physique et moral, qui, devenu cause à son tour, augmente encore le trouble des passions et des idées, et donne lieu à des actes d'une violence démesurée et d'une extravagance manifeste.

II. Il est rare, dans le cas même d'une cause déterminante, traumatique ou toxique, telle qu'un coup violent sur la tête, un excès de vin ou l'ingestion d'un

poison narcotique, il est rare, dis-je, que la folie débute brusquement et sans prodromes. Presque toujours elle a une période d'incubation, et dans ce cas encore ses analogies avec certains états psychologiques qui appartiennent à la raison, sont assez remarquables pour mériter quelque attention. On les trouvera, ces analogies, dans ces passions violentes, exclusives et longtemps continuées, où, comme dans la passion de l'amour, domine un seul sentiment, un seul ordre d'idées, que la raison combat quelquefois, mais en vain, que d'autres fois elle ne cherche pas à repousser, soit qu'elle s'y complaise, ou qu'elle soit devenue incapable de juger de leur trop grande extension. Souvent il y a, dans ce cas, une absorption, une concentration morale qui frappent les yeux même les moins exercés ; il y a une distraction qui n'est pas ordinaire, et jusqu'à de l'incohérence dans les idées; et cet état, qui n'est autre chose que de la mélancolie, c'est-à-dire, le premier degré de l'aliénation mentale, passe souvent à un véritable état de manie déclarée. Mais dans beaucoup de cas il n'en est heureusement pas ainsi : la mise en exercice d'autres sentiments, d'autres passions, la production d'idées nouvelles, ce que l'on appelle, en un mot, des distractions, des diversions, permettent à la raison de reprendre son empire; et, bien qu'elle ait été sur le point de céder, de se perdre peut-être pour jamais, le mot de folie n'a pas été prononcé, et elle passe pour n'avoir reçu aucune atteinte.

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