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bles mêmes échappent à une aussi outrageuse juridiction. Sans doute, ces rares et quelquefois bizarres esprits se servent, pour leurs opérations, du corps qui a l'honneur d'être leur enveloppe, des organes de ce corps, et, parmi ces organes du cerveau. Il le faut bien; c'est la loi de nature. Mais ils les dominent, ces organes, ils n'en sont jamais dominés. La matière est pour eux un instrument; jamais elle ne leur devient un maître. Un tel assujettissement est bon pour la plèbe des âmes. Que les anthropologistes, les médecins, aillent donc porter ailleurs l'analyse de leur scalpel et de leur science. Et d'ailleurs, que peuvent-ils attendre de cette analyse? que prétendraient-ils y saisir? quelques basses aberrations des sens, où la matière est presque seule en jeu, quelques entraînements, quelques souffrances, imprimés par la passion à l'âme, et que celle-ci a bientôt vaincus. Qu'est-ce que tout cela a de commun avec ce qui constitue les grandes idées, les grandes bizarreries, les grandes erreurs même de ces grands esprits? Il faut, pour les apprécier, ces idées, ces bizarreries, ces erreurs, autre chose que l'orga

peau que, pauvre soldat mourant, il serre sur sa poitrine. Nous abandonnons volontiers le corps de Pascal à l'autopsie des médecins, mais nous ne leur abandonnons pas son intelligence. >>

nologie des anthropologistes, que leur psychologie terre à terre, que leur science du corps et des sens. Il y faut la vraie science de l'âme, la science qui sait, avec l'âme, se dégager des liens terrestres, pour ne plus sentir que la main et la voix d'en haut.

Cors Dieu, eut dit maître Alcofribas, nous auons treuvě ung causeur. Voilà, certes, encore un beau bruit, un bien pompeux et fier langage; et je n'ai dissimulé, comme on le voit, ni l'objection, ni les prétentions. Mais ces prétentions, que nous connaissions déjà, qui s'étaient produites sous une autre forme, ne sont toujours que des prétentions.

Vous vous rappelez cette phrase où Pascal, le grand Pascal, parle de ce bourdonnement de mouche, qui trouble les méditations de la plus puissante intelligence, de ce nez de Cléopâtre, qui, plus court, eût changé la face du monde, de ce gravier de Cromwell, qui ramena les Stuarts sur le trône d'Angleterre ; et cette autre phrase encore du même incomparable écrivain, où il est question de l'imbécile ver de terre, qui est l'homme, de ces grands hommes, aussi vers de terre que les petits, tenant à la terre par le même limon; et bien d'autres passages de même tendance, de même force et de même vérité.

Ces idées, ces peintures de Pascal, et la vie de

Pascal lui-même, ont répondu aux objections et aux prétentions que je résumais tout à l'heure. Eh! oui, sans doute, l'homme, l'homme le plus grand, est attaché à la terre, par son corps, qui est de la terre. Eh! oui, sa nature est double, homo duplex : saint Paul l'a dit; double aussi sa connaissance de lui-même; elle n'est même réelle qu'à cette condition. Eh! oui, l'homme qui veut connaître et faire connaître l'homme, doit l'étudier dans son esprit et dans ses organes, dans leurs liens, leur dépendance réciproque. Il doit savoir et faire savoir que cette dépendance est plus grande ou au moins plus sensible dans les maladies, et qu'elle y est de plus en plus à l'avantage des organes; que dans les maladies surtout qu'on nomme maladies de l'esprit cette suprématie du corps est presque absolue; d'où cette dégradation attristante, qui, dans ces sortes d'élats morbides, abaisse, comme je l'ai montré plus haut, les plus grands personnages au niveau des plus petits.

Or, qui est-ce qui peut mieux savoir et faire connaître tout cela, que les hommes qui, par le double privilége de leur position et de leurs études, ont pu, jour par jour, heure par heure, et cela durant des années, dans le petit monde, dans le grand, dans les établissements de toute sorte, destinés au sou

lagement des troubles de l'intelligence, étudier, au moment où ils crient le plus fort et éclatent, les engrenages de nos deux natures, faire, à cet égard, dans le passé et dans le présent, et du passé au présent, suivant les âges, les sexes, les conditions sociales, les degrés d'intelligence, de talent, de génie, faire, dis-je, tous les rapprochements et toutes les comparaisons nécessaires?

Et conçoit-on que, quand de tels hommes, si pleinement autorisés, viennent vous dire : Voilà ce qui est, ce qui nous paraît être, ce que nous croyons avoir vu, il s'en trouve d'autres sans études, sans position qui les favorise, sans connaissances préalables, ignorant jusqu'à la langue dont ils sont obligés de se servir, et néanmoins assez osés pour leur répondre Non, vous n'avez pas vu cela; non, cela n'est pas ; non, cela ne peut pas être ; parce que nous ne l'avons pas vu; parce que nous ne le savons pas; parce que nous ne le comprenons pas; parce que cela dérange toutes nos vieilles idées, froisse toutes nos vieilles arrogances?

Quand, au contraire, ces hommes, s'ils avaient quelque respect d'eux-mêmes, quelque respect pour les droits de l'étude et de la raison, devraient tout au plus se dire: Eh bien, non, nous ne savons pas cela; nous ne le comprenons pas; mais nous

allons chercher à le savoir, à le comprendre; nous nous ferons écoliers pour devenir maîtres, et, s'il y a lieu, contradicteurs. Il y a, sous ces assertions, que nous voulons contrôler, de grandes questions, de grands problèmes, problèmes de philosophie, problèmes d'histoire ; nous nous montrerons dignes et capables de les résoudre, d'admettre ou de rejeter les solutions qu'on nous en propose.

Mais non, au lieu de cela, au lieu d'un examen sérieux de propositions elles-mêmes bien sérieuses, et fondées au moins sur les plus graves présomptions; au lieu d'un apprentissage nécessaire de faits et de rapports qu'il n'est donné qu'à un petit nombre d'observer d'une manière directe et complète, on a pris, on a préféré prendre cette attitude magnifique dont j'ai plus haut reproduit les traits. Après avoir impudemment nié et le fait d'hallucinations solitaires chez les intelligences d'élite, et, bien mieux, sa possibilité, on n'en a pas moins eu recours, à tout événement, à ces explications décla matoires, où il est pêle-mêle parlé : des mystères de la raison, mais d'une raison supérieure, plus grands encore que ceux de l'imagination; de l'essence et des priviléges du génie, de son don de seconde, de troisième, que sais-je, de quatrième vue; de ce monde des idées que portent en eux ces grands

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