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femme & des enfans; mais je les recommande à Dieu & à mon pere, & je vais arracher le cœur au traitre qui...... Ah! mon en fant, s'écria Bélifaire, en le ferrant dans les bras, la pitié t'aveugle & t'égare. Moi, je ferois d'un brave homme un perfide! d'un bon foldat un affaffin! d'un pere, d'un époux d'un fils vertueux & fenfible un fcélérat, un forcené C'est alors que je ferois digne de tous les maux que l'on m'a faits. Pour foulager ton pere & nourrir tes enfans, tu as abandonné la défense de ta patrie; & pour un vieillard expirant, à qui ton zèle eft inutile, tu veux abandonner ton pere & tes enfans! Dis-moi, crois-tu qu'en me baignant dans le fang de mes ennemis, cela me rendit la jeuneffe & la vue? En ferois-je moins malheu reux quand tu ferois criminel? Non: mais du moins, dit le jeune homme, la mort terrible d'un méchant effraiera ceux qui lui reffemblent; car je le prendrai, s'il le faut, au pied du trône ou des autels, &, en lui enfonçant le poignard dans le fein, je crierai: c'eft Bélifaire que je venge. Et de quel droit me vengerois-tu, dit le vieillard d'un ton plus impofant? Eft ce moi qui te l'ai donné, ce droit que je n'ai pas moi-même? Veux-tu l'ufurper fur les loix? Qu'elle l'exercent, dit le jeune homme; on, s'en repofera fur elles. Mais puifqu'elles abandonnent l'homme innocent & vertueux, qu'elles ménagent le coupable, & laiffent le crime impuni, il faut les abjurer, il faut rompre avec elles & rentrer

dans nos premiers droits. Mon ami, reprit Bélifaire, voilà l'excufe des brigands. Un homme jufte, un honnête homme gémit de voir les loix fléchir; mais il gémiroit encore plus de les voir violer avec pleine licence. Leur foibleffe eft un mal, mais un mal paf fager; & leur destruction feroit une calamité durable. Tu veux effrayer les méchans; & tu vas leur donner l'exemple! Ah! bon jeune homme, veux-tu rendre odieux le noble fentiment que j'ai pu t'infpirer? Feras - tu: détefter cette pitié fi tendre? Au nom de la vertu, que tu chéris, je te conjure de ne pas la déshonorer. Qu'il ne fuit pas dit qué fon zèle ait armé & conduit la main d'un furieux.

Si c'étoit moi, dit le foldat, qu'on eut traité cruellement, je me fentirois peutêtre le courage de le fouffrir; mais un grand homme! Mais Bélifaire!..... Non, je ne puis le pardonner. Je le pardonne bien, moi, dit le Héros. Quel autre intérêt que le mien peut t'animer à ma vengeance? Et fi j'y renonce, eft-ce à toi d'aller plus loin que je ne veux? Appren que fi j'avois voulu laver dans le fang mon injure, des peuples fe feroient armés pour fervir mon reffentiment. J'obéis à ma deftinée: imite moi: ne crois pas favoir mieux que Bélifaire ce qui eft honnête & lé gitime; & fi tu te fens le courage de braver la mort, garde cette vertu pour fervir auf befoin ton Prince & ton pays.

A ces mots, l'ardeur du jeune homme. tomba comme étouffée par l'étonnement &

Padmiration. Pardonnez-moi, lui dit-il, mon Général, un emportement dont je rougis. L'excès de vos malheurs a revolté mon ame." En condamnant mon zèle, vous devez l'excufer. Je fais plus, reprit Bélifaire, je l'eftime, comme l'effet d'une ame forte & géné reufe. Permets-moi de le diriger. Ta famille, a befoin de toi; je veux que tu vives pour, elle: mais c'est à tes enfans qu'il faut recommander les ennemis de Bélifaire. Nommezles moi, dit le jeune homme avec ardeur; je vous réponds que mes enfans les haïront dès le berceau. Mes ennemis, dit le Héros, font les Scythes, les Huns, les Bulgares, les Efclavons, les Perfes, tous les ennemis de P'Etat. Homme étonnant, s'écria le villageois, en fe profternant à fes pieds! Adieu! mon ami, lui dit Bélifaire en l'embraffant. Il y a des maux inévitables, & tout ce que peut l'homme jufte c'eft de ne pas mériter les fiens. Si jamais l'abus du pouvoir, l'oubit des loix, la profpérité des méchans t'irritent, penfe à Bélifaire. Adieu.

CHAPITRE V.

A conftance alloit être mife à une épreuve, bien plus pénible, & il eft tems de dire ce qui s'étoit paffé depuis fon emprifonnement.

La nuit qu'il fut enlevé, & traîné dans les fers, comme un criminel d'Etat, l'épouvante,

& la défolation fe répandirent dans fon Palais. Le reveil d'Antonine fa femme, & d'Eu doxe fa fille unique, fut le tableau le plus touchant de la douleur & de l'effroi. Antonine enfin revenue de fon égarement, & fe rappellant les bontés dont l'honoroit l'Impératrice, fe reprocha comme une foibleffe la frayeur qu'elle avoit montrée. Admife à la familiarité la plus intime de Théodore, compagne de tous fes plaifirs, elle étoit fûre de fon appui, ou plutôt elle croyoit l'être. Elle fe rendit donc à fon lever; & en préfence de toute la Cour; Madame, lui dit-elle, en fe jettant à fes genoux, fi Bélifaire a eu plus d'une fois. le bonheur de fauver l'Empire, il demande. pour récompenfe que le crime qu'on lui impute lui foit déclaré hautement, & qu'on oblige fes ennemis à l'accufer en face, au Tribunal de l'Empereur. La liberté de les confondre eft la feule grace qui foit digne de lui. Théodore lui fit figne de fe lever, & lui répondit avec un front de glace: Si Bélifaire eft innocent, il n'a rien a craindre; s'il eft coul pable, il connoît affez la clémence de fon Maitre, pour favoir comment le fléchir. Allez, Madame, je noublierai point que vous avez éu part à mes bontés. Ce froid accueil ce congé brufque avoit accablé Antonine: Pale & tremblante elle s'éloigna, fans que perfonne ofat lever les yeux fur elle; & Barfamès, qu'elle rencontra, paffoit lui-même fans la voir, fi 'elle ne l'eut abordé. C'étoit l'Intendant des Finances, le favori de Théodore. Antonine

le fupplia de vouloir bien lui dire quel étoit le crime dont on accufoit Bélifaire. Moi, Madame, lui dit-il? Je ne fais rien, je ne puis rien, je ne me mêle de rien, que de mon devoir. Si chacun en faifoit autant, tout le monde feroit tranquille.

Ah! le complot eft formé, dit-elle, & Bélifaire eft perdu. Plus loin elle rencontra un homme qui lui devoit fa fortune, & qui la veille lui étoit tout dévoué. Elle veut lui parler; mais fans daigner l'entendre, je fais vos malheurs, lui dit-il, & j'en fuis défolé; mais pardon; j'ai une grace à folliciter: je n'ai pas un moment à perdre. Adieu, Madame, perfonne au monde ne vous eft plus attaché que moi. Elle alla retrouver fa fille; & une heure après on lui annonça qu'il falloit fortir de la Ville, & fe rendre à ce vieux Château qui fut marqué pour leur exil.

La vue de ce Château folitaire & ruiné, où Antonine fe voyoit comme enfevelie, acheva de la défoler. Elle y tomba malade en arriyant; & l'ame fenfible d'Eudoxe fut déchirée entre un pere accufé, détenu dans les fers, livré en proie à fes ennemis, & une mere dont la vie, empoifonnée par le chagrin, n'annonçoit plus qu'une mort lente. Les jours,

Les plus beaux jours de cette aimable fille. étoient remplis par les tendres foins qu'elle. rendoit à fa mere; fes nuits fe paffoient dans les larmes; & les momens que la nature en déroboit à la douleur, pour les donner au fommeil, étoient troublés par d'effroyables

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