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ments; si on les recherche, c'est moins par le plaisir qu'ils ont donné, que pour celui qu'ils promettent.

La délicatesse et l'étendue de la gustation sont loin d'être les mêmes dans toutes les circonstances. C'est ainsi que le goût, nul à la naissance, a besoin d'éducation. Il se forme avec lenteur, ne reçoit tout son développement que dans l'âge mûr, et augmente toujours en raison de l'âge; c'est le seul sens que le vieillard conserve dans son intégrité; du reste, il est soumis à toutes les variations qu'apportert dans nos fonctions les maladies, les tempéraments, les idiosyncrasies, etc. L'habitude le perfectionne : le chimiste, le distillateur, le cuisinier, mettent une rare précision dans les jugements qu'ils portent sur les saveurs de tous les corps. Il n'y a guère que l'abus des liqueurs fortes, des assaisonnements et des substances irritantes qui puisse nuire à la gustation, en rendant les organes insensibles aux saveurs ordinaires; mais encore alors ce sens revient-il bien vite, et n'est-il point du tout aliéné, car, pour le rappeler, il suffit de l'abstinence de ces mets irritants et de l'usage de substances peu sapides. Voyez SAVEUR, SAPIDITÉ.

GOUVERNEMENT POLITIQUE. Principes par lesquels un état est gouverné.

Tous les hommes ayant les mêmes organes, les mêmes sensations, les mêmes besoins, sont égaux dans l'ordre de la nature et ont tous les mêmes droits à l'usage de ses bienfaits. Tous sont libres et indépendants les uns des autres, nul n'étant néces sairement soumis à un autre, ni n'ayant le droit de le dominer. Ainsi l'égalité et la liberté sont deux attributs essentiels de l'homme et les bases physiques et inaltérables de toute réunion d'individus en société.

Le premier sentiment de l'homme fut celui de son existense, son premier soin fut celui de sa conservation. Les premiers humains erraient isolément dans les bois, au bord des fleuves, à la poursuite des bêtes fauves et des poissons, entourés de dangers, assaillis d'ennemis, tourmentés par la faim, par les reptiles et par les bêtes féroces. Peu à peu, instruits par l'expérience que l'amour du bien-être est le seul mobile des actions humaines, ils sentirent leur faiblesse individuelle, unirent leurs moyens et leur force, et formèrent des associations libres, qui n'obligeaient personne et ne duraient qu'autant que le besoin passager qui les avaient formées. Instruits par l'épreuve répétée d'accidents divers, par les fatigues d'une vie vagabonde, ils se fixèrent dans les lieux les plus agréables et les plus fertiles,

y bâtirent des cabanes, captivèrent les animaux et se vêtirent de leurs dépouilles. De cette époque date la distinction des familles et la formation de la propriété, qui engendra l'envie, la cupidité, et fut la source des querelles et des combats. Les plus forts trouvant plus court de ravir aux faibles les fruits de leurs peines, que de les imiter, le faible invoqua un autre faible pour résister à la violence; l'homme s'arma contre l'homme, la famille contre la famille, la tribu contre la tribu, et la terre devint un théâtre sanglant de discorde et de brigandage.

Fatigués des maux qu'ils se causaient réciproquement, les hommes soupirèrent après le repos et voulurent jouir en paix du fruit de leurs travaux. Commençant à s'apprécier mutuellement, ils établirent des arbitres pour juger leurs prétentions et pacifier leurs discordes; et c'est ainsi qu'il se forma au sein des sociétés des conventions qui devinrent la règle des actions des particuliers, la mesure de leurs droits, la loi de leurs rapports réciproques. C'est donc l'intérêt du genre humain qui a été la cause et l'origine de l'organisation sociale, et c'est également l'intérêt de tous qui maintient ces agrégations d'hommes que l'on nomme nation ou peuple.

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En se constituant en société, les hommes aliénèrent une partie de leur liberté pour leur utilité. Mais en aliénant une partie de leurs droits, jamais les peuples n'ont eu l'intention de se jeter entre les bras d'un maître absolu; s'ils se sont donné un supérieur, ce n'était que pour les défendre contre l'oppression des plus forts, protéger leurs biens, leur liberté et leur vie. « Au lieu de tourner nos forces contre nous-mêmes, se dirent-ils, rassemblons-les en un pouvoir suprême qui nous gouverne selon de sages lois, qui protége et défende tous les membres de l'association, qui dirige nos forces pour repousser l'ennemi commun, « et qui nous maintienne dans une concorde éternelle. » Par ce pacte social chacun des membres de la société mit en commun toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, représentée par le souverain; car la souveraineté n'est que l'exercice de la volonté générale, qui est toujours forte et tend toujours à l'utilité publique, la société devant être gouvernée uniquement dans l'intérêt commun.

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Après avoir réuni toutes les volontés en une seule, le peuple procéda, conjointement avec le souverain de son choix, à la confection des lois fondamentales du pays, qui obligent tous les membres de l'état sans exception et les font tous jouir

des mêmes droits sous les mêmes conditions. De son côté, le souverain s'obligea à n'user du pouvoir qui lui était confié que selon l'intention de ses commettants; il s'engagea à maintenir chacun dans la jouissance de ses droits, et à préférer en toute occasion l'utilité publique à son propre intérêt.

Comme il est de fait que ce qu'on appelle le peuple compose l'immense majorité de la nation, l'intérêt, le bien-être de cette majorité exigeaient que le peuple fût l'auteur des lois auxquelles il se soumettait; car il n'appartient qu'à ceux qui s'associent de régler les conditions de la société. Il suit de là que la puissance législative appartient incontestablement au peuple et ne peut appartenir qu'à lui. Mais si le peuple, soit directement, soit indirectement par les mandataires qu'il se choisit, peut facilement exercer la puissance législative, il ne peut de même exercer la puissance exécutive; il est obligé de la déléguer à un ou à plusieurs agents; et l'exercice de cette puissance est ce qui véritablement constitue le gouvernement.

Le gouvernement est donc l'unité des forces physiques et morales établie par la volonté de la société civile pour maintenir les lois et la constitution. La force du gouvernement, régularisée par les lois constitutives, s'appelle pouvoir supreme. Celui-ci peut être divisé en différentes branches, comme, par exemple, le pouvoir législatif, subdivisible en pouvoir proposant, délibérant et décrétant; le pouvoir exécutif, subdivisible en pouvoir administratif, judiciaire, militaire et de suprème inspection. Toutes ces divisions sont en partie arbitraires. La manière dont le suprême pouvoir est organisé, subdivisé, concentré, s'appelle forme de gouvernement.

Il y a un grand nombre de formes de gouverneanent elles varient depuis la plus grande dissémination du pouvoir entre les membres du corps social, jusqu'à la plus grande concentration entre les mains d'un seul. En général, on peut dire que chaque peuple a une forme de gouvernement qui lui est particulière.

On appelle gouvernement monarchique, celui où le pouvoir suprême est confié à un seul individu dont tous les autres magistrats tiennent leur pouvoir, quelle que soit la dignité dont il est revêtu. Lorsque cet individu n'est retenu par aucune loi, et peut disposer à son gré des propriétés, de la liberté et de la vie de ses sujets, alors son gouvernement se nomme despotique. On appelle gouvernement monarchique absolu, celui dont le chef a le droit de faire des lois à son gré. C'est le plus dégradant, mais le plus tranquille des gouvernements.

Le gouvernement monarchique limité, ou constitutionnel, est celui dont le chef est privé du droit absolu de faire des lois, et ne peut exercer ce droit qu'avec le concours des principaux représentants de la nation. Ces personnes privilégiées forment ces corps qu'on appelle Parlement en Angleterre, Chambre des Pairs et des Députés en France, États du royaume en Suède, etc. La monarchie constitutionnelle est le gouvernement le mieux combiné, et serait peut-être le plus heureux, si les monarques avaient assez de loyauté pour être fidèles à leurs promesses, s'ils gardaient religieusement leurs serments, si surtout ils étaient assez sages pour résister à la tentation de s'emparer petit à petit du pouvoir absolu.

Le gouvernement républicain est celui où le pouvoir suprême est exercé par les principaux citoyens seulement, ou par tous les individus de la nation. Lorsque le pouvoir suprême est confié seulement aux principaux citoyens, on le nomme gé néralement républicain aristocratique; lorsqu'il est confié à l'assemblée du peuple, ou bien à ses représentants, on l'appelle gouvernement républicain démocratique. Le gouvernement républicain démocratique est le gouvernement le plus digne de l'homme, mais le plus agité.

Toutes ces formes sont susceptibles de plus ou de moins, et ont même une assez grande latitude; car la démocratie peut embrasser tout le peuple ou se resserrer jusqu'à la moitié. L'aristocratie, à son tour, peut, de la moitié du peuple, se resserrer jusqu'au plus petit nombre indéterminément. La royauté même est susceptible de quelque partage. Sparte eut constamment deux rois par sa constitution, et l'on a vu dans l'empire romain, jusqu'à huit empereurs à la fois, sans qu'on pût dire que l'empire fût divisé. Ainsi, il y a un point où chaque forme de gouvernement se confond avec la suivante; et l'on voit que, sous trois seules dénominations, le gouvernement est réellement susceptible d'autant de formes diverses que l'état a de citoyens.

On nomme gouvernement theocratique, celui dans lequel une nation est soumise immédiatement au chef de la religion, qui exerce sur elle la souveraineté absolue; c'est le pire de tous les gouver

hements.

Souvent il y a une subordination de pouvoir et une gradation dans la dépendance que produisent le droit même de propriété et les circonstances qui l'ont fait naître; une suprématie héréditaire s'établit sur les propriétaires des biens concédés à certaines conditions; l'autorité du seigneur sur celui qui tient

ses biens de lui ou de ses ancêtres est souvent supérieure à celle du chef de l'état : cet état de choses est ce qu'on appelle gouvernement féodal; pendant le moyen âge, c'était le gouvernement de presque toute l'Europe, où il subsiste encore en partie.

On nomme confédération la réunion de plusieurs états indépendants sous une autorité supérieure choisie par eux, qui a des pouvoirs plus ou moins étendus, pour maintenir l'ordre public et pour les défendre contre les ennemis extérieurs. Les systèmes fédératifs sont de deux sortes, ou des réunions de républiques, comme la confédération des États-Unis d'Amérique, la confédération mexicaine, etc., etc.; ou des réunions d'états gouvernés différemment, comme la confédération germanique, qui offre, dans les états dont elle se compose, des monarchies, des royaumes absolus, d'autres qui sont constitutionnels, etc.; ou des réunions de républiques oligarchiques, aristocratiques, etc., .comme la confédération suisse.

Lorsque les peuples sont assez heureux pour jouir d'un bon gouvernement; que les hommes à qui est confié le pouvoir exécutif ne s'en servent pas comme d'une arme offensive pour attaquer et enchaîner les libertés publiques, lorsqu'ils se bornent à diriger les volontés du peuple en l'éclairant sur ses véritables intérêts, sans jamais les violenter, les lois deviennent alors l'expression vraie des besoins généraux, et la cité prospère par les rapports de confiance et d'amour qui s'établissent entre le peuple et le gouvernement. Mais lorsque la puissance exécutive a été usurpée, ou qu'elle s'est égarée en des mains inhabiles ou indignes de l'exercer, que les voeux nationaux sont éludés, que les décrets du gouvernement sont tous offensifs et maintenus par la crainte et la violence, la prospérité des états disparaît, le peuple, découragé, aigri contre ses chefs, n'obéit plus qu'à regret aux ordres d'un gouvernement oppressif, il hâte sa chute de ses vœux, quelquefois même il l'ébranle et le terrasse de sa main puissante.

GOUVERNEMENT. ÉCONOMIE POLITIQUE. Il fut un temps en France où tous les pouvoirs réunis dans une seule main, pouvoirs exercés sans contrôle et dans l'intérêt exclusif des castes dominantes, portaient nécessairement le gouvernement à régler, jusque dans les plus petits détails, toutes les relations d'affaires qui se forment dans la société. La volonté d'un homme se montrait partout et entravait tout. Le travail, l'industrie, étaient alors tourmentés par des milliers de réglements plus absurdes les uns que les autres, et dont l'effet le

plus clair était la facilité qu'ils offraient de puiser dans la caisse des marchands et des fabricants, pour subvenir au luxe incroyable du prince, et rehausser l'importance de ses courtisans. Aujourd'hui que les pouvoirs sont divisés, et qu'ils se contrôlent tant bien que mal les uns les autres, l'intervention du gouvernement dans les affaires de négoce ne peut plus avoir d'autre but que de protéger le libre exercice des droits de chacun, et de faciliter, par le maintien de l'ordre et des lois, le paisible développement de l'industrie. Toutefois, nul n'étant mieux placé que les chefs de l'état pour juger, au moyen des renseignements officiels, l'effet de certaines mesures et de certaines lois, nul aussi n'est plus capable de combiner les moyens d'accroître la richesse publique et d'augmenter l'aisance générale. Les devoirs du gouvernement, en ce qui touche au travail, sont donc de rechercher avec soin et de mettre sous les yeux des représentants tout ce qui peut les éclairer sur les changements à apporter dans la législation, et de provoquer par des enquêtes sérieuses l'éclaircissement des faits que la presse lui révèle. C'est surtout par cette voie des enquêtes que l'Angleterre est arrivée à connaître les causes des souffrances de son industrie, et qu'elle a pu prendre, d'hommes spéciaux et compétents, des consultations lumineuses sur les moyens de remédier au mal. La France n'est entrée que bien timidement dans cette voie si sûre pour connaître la vérité; aussi son gouvernement n'agit-il qu'avec une extrême lenteur, et comme en tâtonnant, dans les réformes les plus urgentes, tandis que nos voisins gagnent de vitesse et s'éclairent au foyer des discussions que des ministres habiles savent provoquer.

Il est certain que l'action du pouvoir rencontre de grands obstacles, à ne la considérer que sous le rapport de l'industrie; mais en étudiant les hommes de notre époque, il est facile de voir que l'ignorance est, de tous ces obstacles, le plus opiniàtre, le plus désespérant. A quoi tient-elle, si ce n'est au système dans lequel on nous instruit ? système au fond duquel, en définitive, ne se trouvent pas quatre idées applicables au temps présent, et qui jette le jeune homme dans la société, dépourvu de tout ce qu'il lui faudrait savoir pour la comprendre. Aussi, il faut voir les rêveries, les utopies, les illusions! Il faut entendre le cas que l'on fait des intérêts sociaux dans les projets de remaniement social qui se formulent en brochures, en journaux, en romans, en prose, en vers, sous toutes les formes, dans tous les styles! Ces intérêts, que le gouvernement les fasse enseigner à notre jeunesse; le premier gain sera pour lui.

GRACE, GRACES. PHILOSOPHIE, MORALE. La grâce est une certaine forme extérieure si agréablement combinée, qu'elle plaît singulièrement aux sens, et que l'âme elle-même en est intéressée. La gråce ajoute à l'expression de la chose qu'on dit, et mêle de l'agrément à celle qu'on fait. Les grâces du style consistent dans le choix des mots, dans la douceur de l'élocution, dans la riante harmonie des phrases, dans la délicatesse des sentiments qu'elles expriment, ou les idées qu'elles rendent. La douceur, le naturel et les agréments, sont les caractères distinctifs des grâces. Un certain degré de ce qui est agréable et de ce qui sait plaire; tout ce qui nous fait gagner l'attachement de nos semblables; tout ce qui nous prévient en faveur des personnes, des actions, des discours, de la manière d'agir, doit être considéré comme l'effet de ce qu'on appelle grâce.

Dans les personnes, dans les ouvrages, grâce signifie non-seulement ce qui plaît, mais ce qui plait avec agrément. C'est pourquoi les anciens avaient imaginé que la déesse de la beauté ne devait jamais paraître sans les Grâces. La beauté ne déplait jamais; mais elle peut être dépourvue de ce charme qui invite à la regarder, qui attire, qui remplit l'âme d'un sentiment doux.

Les grâces de l'esprit naissent d'une politesse naturelle, accompagnée d'une noble liberté; c'est un vernis qu'on répand dans le discours, dans les actions, dans le maintien, et qui fait qu'on plaît dans les moindres choses. Les agréments viennent d'un assemblage de traits fins, que l'humeur et l'esprit animent ; ils l'emportent souvent sur ce qui est régulièrement beau. Il semble que le corps soit susceptible de grâces, et l'esprit d'agréments.

Il y a quelquefois dans les personnes ou dans les choses un charme invisible, une grâce naturelle qu'on ne peut définir. Nous sommes touchés de ce qu'une personne nous plaît plus qu'elle nous a paru d'abord devoir nous plaire, et nous sommes agréablement surpris de ce qu'elle a su vaincre des défauts que nos yeux nous montrent et que le cœur ne croit plus; voilà pourquoi les femmes laides ont souvent des grâces, et qu'il est rare que les belles en aient; aussi les belles personnes fout-elles rarement les grandes passions, presque toujours réservées à celles qui ont des grâces, c'est-à-dire des agréments que nous n'attendions point, et que nous n'avions pas sujet d'attendre. Les grâces se trouvent plus ordinairement dans l'esprit que dans le visage, car la beauté parait d'abord et ne cache rien; mais l'esprit ne se montre que peu à peu. Elles se trouvent moins dans les traits du visage que dans les manières; car

les manières naissent à chaque instant, et peuvent à tous les moments causer des surprises. En un mot, une femme ne peut guère être belle que d'une façon, mais elle est jolie de cent mille.

BEAUX-ARTS. Ceux qui, les premiers, ont désigné la grâce comme une propriété particulière de la beauté, l'ont attribuée exclusivement à la beauté de la femme. Dans les poésies homériques, les Grâces sont toujours les compagnes de Vénus; leur fonction est d'embellir de charmes particuliers cette déesse de l'amour et de la beauté. Peu à peu le pouvoir des Grâces eut plus d'étendue, et comprit nonseulement les femmes, mais aussi les poètes, les philosophes, les hommes d'état, en un mot, tous ceux qui désiraient se rendre agréables par une manière particulière d'agir ou de parler. Voilà ce qui explique, jusqu'à un certain point, ce qu'on doit entendre par gråce.

La grâçe ne peut se décrire, ni se mesurer, ni se déterminer; elle plaît et ravit sans la précision de formes nécessaires pour exprimer la beauté. Aussi peut-on lui appliquer justement le trait dont La Fontaine achève la peinture de la déesse des amours, la grace, plus belle encore que la beauté.

ÉCONOMIE POLITI

GRAINS. ÉCONOMIE RURALE, QUE. Les grains sont la semence des plantes à tige grèle, dites céréales, telles que le blé-froment, l'orge, l'avoine, le seigle, etc. Ils sont la base de l'alimentation chez les peuples civilisés, et surtout chez les Français des classes laborieuses, qui en font leur nourriture presque exclusive. La culture des grains a donc dû devenir en France la culture la plus importante; aussi occupe-t-elle les sept huitièmes des terres arables, et donne-t-elle lieu à un mouvement d'affaires qui approche de deux milliards. L'agriculture française a dirigé, de temps immémorial, tous ses soins, tous ses efforts vers cette production; il en est résulté une certaine fatigue, un appauvrissement du sol, qui, épuisé par un travail sans interruption, ne peut en général donner de belles récoltes qu'à force d'engrais, c'est-à-dire par l'addition continuelle des principes fertilisants, que lui communiquent les mélanges de décomposition végétale et animale. Nous nous trompons en disant sans interruption; car, dans l'ordre des cultures appelé par les agronomes assolement, les terres arables se reposent un an sur quatre, restent en jachères (voy. ce mot), et n'offrent, pendant cette année, que le triste produit du maigre pacage des bestiaux sur les herbes que donne alors la terre, spontanément et au hasard. L'aisance, qu'une multitude de causes ont répandue depuis cinquante ans sur un

plus grand nombre de citoyens, a fait naître de nouveaux besoins; le goût de la viande et la possibilité de l'acheter ont porté l'agriculture à diriger une plus grande partie de ses travaux vers cette production. Une certaine étendue de terres a été enlevée à la culture des céréales, et consacrée à celle des herbages qui devaient nourrir plus de bestiaux; les prairies artificielles se sont répandues, et ont déterminé une importante révolution dans notre agriculture. Le système des assolements s'est modifié, du moins chez les cultivateurs capables; et bien que malheureusement ils soient encore en minorité, leur exemple gagne de jour en jour, et le temps n'est pas loin où une nourriture plus abondante, plus variée, plus agréable, viendra s'offrir aux populations que la culture des pommes de terre a déjà sauvées dans une multitude de circonstances. Les facultés productives inhérentes au sol devront gagner infiniment à cette alternation des cultures, ainsi que nous l'expliquerons à l'article JACHÈRES, en ce que, d'une part, ces facultés seront moins rigoureusement en action; de l'autre, parce qu'une plus forte somme d'engrais viendra doubler leur étendue.

De toutes les industries, celle qui a pour objet Ja production des grains est la plus exposée et la plus chanceuse non-seulement de graves maladies affectent les céréales et détruisent souvent l'espoir des plus belles récoltes, mais encore les variatious atmosphériques, les sécheresses, les pluies continuelles, les ouragans, les grèles viennent toujours sur quelques points ravager les campagnes, ruiner les producteurs, et établir dans le prix des grains des oscillations subites, qui jettent l'inquiétude parmi les populations. On a remarqué que le premier effet de l'inquiétude sur l'approvisionnement des céréales est de leur faire éprouver un enchérissement triple en proportion du déficit causé par les récoltes peu abondantes, et que l'effet opposé a lieu toutes les fois que la prospérité vient à renaître de là les préoccupations vives et perpétuelles des gouvernements pour protéger les agriculteurs pendant les périodes d'abondance, qui peuvent faire tomber les prix de vente au-dessous des frais de culture, et pour secourir la masse souffrante des consommateurs quand la disette est prévue; de la encore les tolérances, les restrictions et les prohibitions relatives à la sortie ou à l'introduction des grains dans le royaume. Ces changements brusques de volontés, sous l'inspiration du moment et des principes les plus opposés, donnent lieu à des phénomènes que les économistes ont profondément étudiés pour les expliquer ou les prévenir.

Une grande erreur, ou plutôt une énorme injus→ tice, a dominé long-temps la législation de tous les peuples, et a causé des souffrances dont l'étendue ne sera jamais complétement calculée. Elle règne encore, mais le temps et la science la battent en ruine la vérité point à l'horizon, et bientôt dissipera toutes ces ténèbres. Les législations, ou le caprice isolé qui en tient lieu, n'ont jamais considéré qu'une seule classe de citoyens : les producteurs; ont toujours sacrifié une classe plus nombreuse et plus importante : les consommateurs; et comme en définitive ces deux classes changent perpétuellement de rapports entre elles, se mélangent de telle sorte qu'il n'est possible de les considérer isolément qu'en considérant, isolément aussi, une seule espèce de production, il est résulté, et il résulte encore de cette fatale confusion d'idées, que tous les producteurs ont été successivement immolés les uns aux autres, et que la consommation générale, en d'autres termes la satisfaction des goûts et des besoins, a toujours été gênée, entravée, demeurant toujours infiniment moindre qu'elle ne devait l'être. D'un autre côté (et nous n'entendons certainement point ici porter atteinte à la propriété, on verra en son lieu si nous lui sommes hostiles), d'un autre côté, les législations, constituées par les propriétaires ou sous leur influence, ont toujours disposé dans le seul intérêt de la propriété. La puissance est encore exclusivement entre ses mains; est-il donc surprenant qu'elle l'exploite à son profit? D'épouvantables catastrophes, qu'elle n'a pas comprises, sur lesquelles son manque de lumière et ses passions lui ont fait prendre le change, ne pourraient-elles pas lui en faire redouter d'autres? L'intérêt personnel est cruellement aveugle! Le premier objet des taxes et des prohibitions sur les produits étrangers est de maintenir à leur hauteur certains revenus, aux dépens de la partie de la population qui ne possède pas ; l'élévation des prix, artificiellement maintenue par les lois restrictives, est nécessairement défrayée par le salaire des travailleurs, et ne profite en définitive qu'au propriétaire de biens fonds (voy. PROPRIÉTĖ). Rien n'est donc plus contraire à l'équité, que de servir les intérêts de quelques-uns, au grand dommage de la presque totalité de la société; et l'intérêt de tous exige que les nations aient la liberté de s'approvisionner les unes les autres aux meilleures conditions possibles, en repoussant peu à peu, sans secousses, tout ce qui peut faire obstacle à cette liberté si désirable, si peu comprise encore.

Il est évident 1o que les lois sur le commerce des grains ont pour but avoué de tenir le blé à un prix

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