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hôpitaux, tous ceux que des infirmités passagères empêchent de se livrer au travail, et qui n'ont aucun moyen d'existence. Il classe dans l'état d'abandon, et leur donne droit à une retraite ou à une place dans un hospice, tous ceux que l'âge ou des infirmités incurables rendent inhabiles à un travail capable de les faire vivre.

Il se présente une troisième classe de malheureux qui réclament des secours publics; ce sont ceux qui se trouvent abandonnés et privés de tout appui dans la société. C'est dans les deux extrémités de la vie que nous trouvons des individus de cette classe. L'enfant qui vient de naître n'est très - souvent avoué par personne; il est confié à la charité publique, c'est la société qui doit en prendre soin. Le vieillard, parvenu au bout de sa carrière, a vu disparaître tous ses appuis, et s'anéantir, avec ses forces, sa modique fortune, ainsi que les moyens de pourvoir par ses mains à sa subsistance; la société ne peut pas rejeter les restes d'une vie qui lui a été utile. Souvent encore des infirmités viennent assiéger un homme au milieu d'une carrière pénible, elles le rendent incapable de travail, et la société doit y pourvoir. Cette troisième classe comprend donc les enfants trouvés, les vieillards et les incurables. De tout temps, et chez tous les peuples, la société a donné des secours à ces infortunés; mais elle doit prendre des moyens pour n'y faire participer que ceux qui en ont un besoin absolu : elle rejetera l'enfant dont les parents sout connus; elle refusera au vieillard dont la famille peut soutenir ses dernières années, le droit qu'a le seul vrai besoin aux aumônes publiques ; elle n'adoptera que ceux qui se trouvent sans appui comme sans secours.

Les soins que prend une sage administration, pour ne faire participer aux secours publics que ceux qui y ont des droits positifs, commencent par en reduire le nombre de plus de moitié, et permettent alors à la société de pouvoir soulager les véritables nécessiteux. Donner à tous indistinctement, ce serait doter la profession de mendiant. Donner aux seuls nécessiteux, c'est s'acquitter d'un devoir envers l'humanité ; c'est payer la dette de la société. Porter des consolations dans le sein des familles, y distribuer les secours de la bienfaisance, c'est la perfection de la charité publique. Voyez PAUVRETÉ, PAUPÉRISME.

INDIGNATION. PHILOSOPHIE, MORALE. Sentiment d'une âme révoltée contre une action ou un discours qui choque ouvertement les principes sacrés de la justice ou les bienséances de premier ordre. Il est rare que ce sentiment soit injuste,

parce que presque toujours il est inspiré par de mauvaises actions. Cependant l'indignation n'éclate pas toujours; elle est souvent renfermée dans le secret du cœur : l'abus de notre politesse nous a conduits à voir et à entendre, sans témoigner hautement notre indignation, les choses même directement opposées à l'honêteté de l'âme. Sœur aînée du mépris, l'indiguation ne rétrograde jamais. La vue d'une scène scandaleuse, un acte injuste, une action grossière provoque l'indignation, qui nous porte à repousser tout ce qui blesse les vertus et les convenauces sociales.

INDISCRÉTION. PHILOSOPHIE, MORALE. L'indiscrétion est un manque de retenue dans nos discours, qui nous fait dire des choses que nous devrions taire; c'est une révélation d'une chose qui doit être tenue secrète et cachée. L'indiscrétion est un vice qui nous rend tôt ou tard insupportables dans la société; et l'on est d'autant plus inexcusable d'y être sujet, que c'est peut-être, de tous les défauts, celui dont il est le plus facile de se corriger. Qu'on ait promis le secret ou qu'on ne l'ait pas promis, on n'y est pas moins obligé, si la confidence est telle qu'elle l'exige d'elle-mème : l'écouter jusqu'au bout, c'est s'engager à ne la point révéler.

Dans certains cas, l'indiscrétion est un crime où l'injustice se joint à l'impudence. Révéler un secret ou d'un ami ou de tout autre, c'est disposer d'un bien dont on n'était pas le maître, c'est abuser d'un dépôt; et cet abus est d'autant plus criminel, qu'il est toujours irremédiable. Voyez DISCRETION, SECRET.

INDOCILITÉ. PHILOSOPHIE, MORALE. Défaut de docilité. Ce vice est dépendant de l'orgueil, ou des préjugés d'une mauvaise éducation, et toujours l'apanage d'un esprit borné. L'indocilité suppose qu'on se refuse à des enseignements lumineux, à de sages conseils. Voyez DOCILITÉ.

INDOLENCE. PHILOSOPHIE, MORALE. Privation de sensibilité morale, qui fait que l'homme reste dans l'inaction; caractère d'une âme lâche, qui ne sait point ressentir les choses propres à l'affecter, qui croupit dans l'oisiveté, ou qui n'emploie tout au plus que des moyens faibles, lorsqu'il faudrait réunir toute sa vigilance et tous ses efforts. L'indolence est un état honteux, où l'on néglige le soin de sa réputation, de ses devoirs, de son intérêt, et l'appui des sujets que leur sort place dans notre dépendance directe. L'homme indolent renonce à la dignité de son être; il n'est touché ni de l'amour de la gloire ni de celle du bien public, ni de la ré

putation, ni des arts, ni de la nature. Inutile à la société, il n'aime que son repos; s'il forme quelquefois des projets, le courage lui manque dès qu'il s'agit de les mettre à exécution. C'est un être végétant qui n'est ni citoyen, ni ami, ni bienfaisant, et qui n'a aucun droit à intéresser le cœur de personne: car l'indolence ne s'allie jamais avec des vertus bien déterminées.

INDULGENCE. PHILOSOPHIE, MORALE. Caractère de bonté de l'âme qui nous porte à excuser les torts d'autrui, à tolérer leurs défauts, à pardonner leurs égarements ou leurs offenses. L'indulgence est une qualité nécessaire dans un particulier, pourvu qu'elle ne porte point sur l'infraction des principes et des maximes sans lesquels on n'est point un honnête homme. D'ailleurs nous sommes sujets à mille défauts, à plusieurs fautes involontaires ou peu réfléchies, à beaucoup de petits ridicules qui nous échappent souvent: si nous les jugeons sévèrement en autrui, nous serons jugés de même; et tout homme jugé à la rigueur, serait humilié du tableau qu'on aurait à exposer sous ses yeux. Plus nous avons de connaissance du cœur humain, et plus nous sommes persuadés que l'homme est plus faible que vicieux, et qu'à ce titre il mérite plus notre compassion et notre indulgence, que notre haine et la rigueur de nos jugements.

. L'indulgence est la vertu des hommes supérieurs, des esprits éclairés, profonds et judicieux, qui connaissent la nature humaine, et savent à combien il tient qu'un honnête homme n'ait la réputation d'un fripon, qu'un homme de mérite ne ressemble à celui qui n'en a point. Les ignorants sont ordinairement moins indulgents que les autres, parcequ'ils n'ont pas réfléchi et qu'ils ne connaissent pas combien il y a de l'injustice à ne rien pardonner.

INDUSTRIE. ÉCONOMIE POLITIQUE. Création de produits utiles. Combinaison de travaux qui donnent de la valeur, de l'utilité à ce qui n'en avait pas, ou qui en ajoutent à ce qui en avait moins.

L'industrie de l'homme est variée, immense, admirable. Crésus convertissant en or tout ce qu'il touche, est une création mythologique que les alchymistes du moyen âge prirent trop à la lettre, mais qui offre une image juste et ingénieuse de l'industrie humaine : le grand œuvre ne se cherche plus. La masse des produits industriels est le fruit de trois branches distinctes : l'agriculture, les manufactures et le commerce.

INDUSTRIE AGRICOLE. L'industrie agricole est considérée comme l'ensemble des opérations au moyen

desquelles l'homme recueille des mains de la nature les produits sollicités par le travail. Elle procède comme les autres industries, en utilisant des objets stériles en apparence.

Partout où la terre ne produit point spontanément les fruits et les grains nécessaires à l'alimentation de l'homme, il est forcé de l'y contraindre, en remuant le sol pour l'ameublir, en jetant la semence et en la recouvrant avec soin, en extirpant les végétaux qui pourraient étouffer le bon grain. Il taille les arbres, et les force, par une habile direction de la sève, à donner des fruits plus volumineux et plus sucrés. Il élève des troupeaux de grands quadrupèdes qui l'aident dans ses travaux et le nourrissent de leur chair et de leur lait; ce lait, il en sépare la portion grasse, qui rend plus agréable la préparation des légumes; le reste, il le dessèche ou le cuit pour ses provisions d'hiver. D'autres quadrupèdes plus doux lui fournissent la laine qui sera convertie en étoffes chaudes. Le lin et le chanvre lui donnent une écorce légère qu'il fait tisser en toiles blanches, en linge flexible et moelleux. Les oiseaux domestiques lui fournissent leurs œufs, leur duvet, la chair la plus tendre et la plus délicate, les plumes destinées à tracer les signes de sa pensée. Les forêts enfin qu'il aménage et dont il varie les essences, lui procurent du bois pour échauffer sa demeure, et qu'il emploie en outre à mille usages ingénieux, à mille constructions utiles.

La multitude et l'importance des produits de l'agriculture, en donnant à cette industrie le premier rang, ont fait croire long-temps qu'elle était la seule digne de considération. De là les priviléges qu'une foule de réglements stipulaient autrefois en sa faveur, et qui, comme cela devait être, lui ont été plus nuisibles qu'avantageux. Le travail, quel que soit son objet, ne réclame point de priviléges, il ne demande aux gouvernants que paix et sécurité. Le seul genre de protection qui lui convienne, ce sont les lumières qui favorisent son développement, multiplient et perfectionnent ses résultats. En France, la seule administration de Sully a été exclusivement protectrice de l'agriculture. Voyez MARAIS.

INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE. L'industrie manufacturière consiste à donner à des matières brutes ou déjà façonnées une valeur qu'elles n'avaient point, ou à les modifier d'une manière qui les rende utiles. L'industrie agricole est bornée par l'étendue du territoire, l'industrie manufacturière ne connait de limites que celles du génie de l'homme. Par elle, on a vu des populations presque sans terres labourables se procurer tout ce qui peut sa

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tisfaire aux besoins et même aux jouissances de la vie. Par le moyen de l'industrie manufacturière, a dit M. Say, les plus viles matières ont été pourvues d'une immense utilité. Les chiffons, rebut de nos ménages, ont été tranformés en feuilles blanches et légères, qui portent au bout du monde les ordres du commerce et les procédés des arts; dépositaires des conceptions du génie, elles nous transmettent l'expérience des siècles; elles conservent les titres de nos propriétés; nous leur confious les plus nobles comme les plus doux sentiments du cœur, et nous réveillons par elles, dans l'âme de nos semblables, des sentiments pareils: en facilitant à un point inconcevable toutes les communications des hommes entre eux, le papier doit être considéré comme un des produits qui ont le plus amélioré le sort de l'espèce. »>

Les matières premières que fournit l'industrie agricole reçoivent dans les usines une transformation qui leur donne une valeur nouvelle, un plus grand degré d'utilité. Colbert donna aux manufactures de France une grande importance; il soutint et fortifia celles qui y existaient, en appela de nouvelles, et les protégea par mille moyens ingénieux et puissants qui prouvent toute la sagacité et la hante portée de génie de ce grand homme. Mais ses soins, aussi exclusifs qu'avaient pu l'être ceux que Sully prodiguait à l'agriculture, se traduisant en réglements minutieux et soi-disant conservateurs, gênėrent bientôt l'élan des améliorations, et il fallut que la tourmente révolutionnaire emportât les priviléges dont Colbert avait doté les manufactures (voyez MAÎTRISES), pour qu'elles s'élançassent dans la voie des progrès qu'elles parcourent maintenant et où l'admiration a peine à les suivre. Voyez MACHINES.

On a cité plusieurs fois ce passage d'Algarotti qui peint bien la puissance créatrice de l'industrie manufacturière : « Une livre de fer brut, dit-il, coûte environ cinq sous à la fabrique; on en fait de l'acier, et, avec cet acier, le petit ressort qui meut le balancier d'une montre. Chacun de ces ressorts ne pèse que le dixième d'un grain, et quand il est parfait, il peut se vendre jusqu'à dix-huit francs. Avec une livre de fer, on peut fabriquer, en accordant quelque chose pour le déchet, quatre-vingt mille de ces ressorts, et porter par conséquent une matière qui vaut cinq sous, à une valeur d'un million quatre cent quarante mille francs. »

De tous les industriels, les manufacturiers sont le plus inclinés à demander des priviléges, qui leur sont ordinairement nuisibles (voyez FERS), et qu'ils réclament avec une opiniâtreté, avec une persévérance dont il est curieux de lire les preuves. Cette

industrie languit, cependant, partout où elle n'est pas stimulée par une concurrence active; et comme la faveur accordée à un genre de produits manufacturés doit nécessairement nuire à plusieurs autres, il suit de là que la liberté est encore la protection la plus efficace que l'état leur doive.

INDUSTRIE COMMERCIALE. L'industrie commerciale est celle qui met un produit à la portée des consommateurs. Par un préjugé opposé à celui qui attribua toute puissance productive à l'agriculture, on crut long-temps en France que le commerce ne produisait rien; on lui contestait des avantages dont l'évidence est maintenant complète pour tous; on le considérait comme une sangsue qui se gorge de la substance d'autrui. Cette erreur a été fatale au commerce; dédaigné, méprisé, accablé d'exactions et d'avanies, il fallut, pour le noble qui avait osé s'y livrer, des lettres de réhabilitation et de relief. En 1816, un M. de Charin qui avait eu le malheur de faire une fortune brillante dans le commerce, demanda des lettres de relief. M. Ternaux indigné monta à la tribune, stigmatisa cette insolence féodale, et renonça publiquement au titre de baron qu'il s'était laissé attacher.

Le négociant qui va chercher un produit dans l'endroit où il se trouve, pour le transporter au lieu où il manque, augmente la valeur de ce produit de toute la différence qu'il y a entre le prix d'achat et le prix de revente; c'est produire, c'est de l'industrie, et une industrie qui exige des connaissances variées, une aptitude toute particulière. Cette industrie est susceptible, comme toutes les autres, de perfectionnement et d'amélioration l'application des machines à vapeur à la navigation, la création des routes en fer, l'établissement des canaux, en facilitant le transport des marchandises, économisent les frais de production commerciale, et procurent au consommateur un gain qui ne coûte rien au producteur. Subdivisée à l'infini, l'industrie commerciale est l'une des sources les plus fécondes de la prospérité des nations; elle met en rapport tous les peuples, elle facilite la communication de la pensée, l'importation des procédés utiles, des doctrines salutaires, elle finira par détruire les vieilles haines fondées sur de vieux préjugés. Le commerce a rendu des services immenses à la civilisation, en ouvrant des relations actives entre les nations, en étendant le cercle des connaissances géographiques, en mettant à la portée des peuples des produits recueillis dans d'autres hémisphères et qui doublent les jouissances de l'homme ou calment ses souffrances. Par lui, des contrées ingrates se sont couvertes de populations

florissantes. La Hollande, ce roulier des mers, comme on l'appelait au dix-septième siècle, dut sa puissance à son admirable activité commerciale; et Carthage eût peut-être civilisé le monde dix siècles plus tôt, sans ses barbares destructeurs. Il faut avouer cependant que le commerce, surtout en descendant vers les rangs inférieurs, ne se distingue ni par la générosité des sentiments, ni par l'étendue des lumières; l'habitude de supputer sans cesse les profits matériels, donne à l'esprit du négociant un je ne sais quoi d'étroit et de mesquin qui se trahit par la brusquerie de sa parole et la sécheresse de son abord, et qui perpétue les préjugés dont cette classe d'industriels sera l'objet long-temps encore. La probité ne passe point non plus pour être son idole; aussi on le tient en état perpétuel de suspicion et de défiance, dans lequel toutefois il serait injuste de confondre une foule de citoyens honorables qui jouissent à juste titre de l'estime la plus méritée.

Un fait social bien digne de remarque, c'est que, comme les militaires, les commerçants ont le privilége de se faire juger par des tribunaux spéciaux: c'est dans l'ordre; mais pourquoi ne pas appliquer ce système plus généralement ?

INERTIE. PHYSIQUE. Résistance qu'oppose tout corps aux efforts qui tendent à le faire changer d'état, c'est-à-dire, qui tendent à le faire passer de l'état de repos à celui de mouvement, ou de l'état de mouvement à l'état de repos, ou d'un mouvement d'une certaine valeur à un mouvement plus prompt ou plus lent. En effet, un corps mu ou stationnaire reste dans cet état, à moins qu'une force étrangère ne surmonte celle de l'inertie. C'est ce qui arrive toutes les fois qu'un corps mis en mouvement semble diminuer graduellement de vitesse et enfin s'arrêter de lui-même; ce changement n'a lieu qu'à cause de l'action des deux résistances qui, continuellement, s'opposent au mouvement: l'une est la résistance du milieu où se meut le corps, tel que l'eau ou l'air; l'autre est celle du frottement. L'inertie est une force qui réside dans tous les corps; et elle y est toujours proportionnelle à la masse ou à la quantité de matière propre de chaque corps.

On donne donc le nom de force d'inertie à la résistance que tous les corps apportent à un passage du repos au mouvement, ou du mouvement au repos; à cette propriété générale en vertu de laquelle ils persévèrent dans leur état de repos tant qu'une cause étrangère n'agit pas sur eux. Par extension, on a appliqué aussi ce nom à la propriété de persévérer ou de continuer dans l'état du mouvement -qu'on aura pu recevoir. Appliquée à l'homme, cette

force d'inertie serait représentée par l'acte de résister à toute impulsion qui voudrait la déplacer, par une sorte d'engourdissement qui augmenterait, pour ainsi dire, la pesanteur, et offrirait une résistance tenace aux efforts que l'on emploierait pour la vaincre; mais on verrait bientôt que pour résister aux chocs, à la pression et aux autres genres de force que l'on pourrait déployer, cette force d'inertie demanderait une grande action contractile de tous les muscles, qui se fixeraient et s'épuiseraient en raison de la puissance qui agirait sur eux. Les anciens avaient une lutte qui approchait autant que possible de cette prétendue inertie, et qui consistait à empêcher que l'on ne pût mouvoir les pieds de l'endroit où ils s'étaient une fois fixés.

INFAMIE. PHILOSOPHIE, MORALE. Flétrissure, tache ineffaçable, contractée par la transgression d'un principe sacré pour les honnêtes gens. L'estime particulière et l'estime publique sout attachées aux bonnes mœurs, aux sentiments conformes à la justice et aux maximes de l'honneur. Toutes les fois que leur mépris est essentiellement prouvé, l'estime d'autrui ne peut subsister et l'on a soi-même perdu toute réputation. C'est ce qu'exprime le mot infâme. Les vices bas poussés à un certain degré, certaines fonctions odieuses rendent aussi infâme que les crimes.

INFIDÉLITÉ. PHILOSOPHIE, MORALE. Transgression de la foi promise; dérogeance pour nos engagements; action contraire à la fidélité.

L'infidélité est toujours ou l'effet du vice, ou de la fragilité, ou de la faiblesse. L'infidélité en amour n'est pas l'inconstance; c'est une infraction à la fi délité, une préférence momentanée d'une personne aimable à une personne aimée, qui souvent n'a d'autre cause que l'occasion, mais qui souvent aussi est préméditée. Les femmes, justement frappées du peu d'équité de plusieurs hommes à leur égard, condamnent indistinctement tout ce qui paraît onéreux pour elles, et prétendent que l'infidélité devrait être considérée comme égale dans les deux sexes. Il est bien certain néanmoins que les conséquences devenant très-différentes, la faute ne saurait être la même; il y a égalité devant la passion, mais non devant la raison. Les lois politiques et civiles de presque tous les peuples ont, avec raison, demandé des femmes un degré de retenue et de continence qu'elles n'exigent point des hommes, parce que la violation de la pudeur suppose dans les femmes un renoncement à toutes les vertus, parce que la nature a marqué l'infidélité des femmes par des signes certains.

Quand la femme se plaint là-dessus de l'injuste inégalité qu'y met l'homme, elle a tort. Cette inégalité n'est point une institution humaine, ou du moins elle n'est point l'ouvrage du préjugé, mais de la raison: c'est à celui des deux que la nature a chargé du dépôt des enfants d'en répondre à l'autre. Sans doute il n'est permis à personne de violer sa foi, et tout mari infidèle qui prive sa femme du seul prix des austères devoirs de son sexe, est un homme injuste; mais la femme infidèle fait plus, elle dissout la famille, et brise tous les liens de la nature; en donnant à l'homme des enfants qui ne sont pas à lui, elle trahit les uns et les autres, elle joint la perfidie à l'infidélité. Qu'est-ce alors que la famille, si ce n'est une société d'ennemis secrets qu'une femme coupable arme l'un contre l'autre, en les forçant de feindre de s'entr'aimer.

Le mari et la femme doivent incontestablement être fidèles à la foi promise; mais l'infidélité du mari n'est souvent que l'effet de la légèreté, tandis que l'infidélité de la femme suppose de la corruption et a des effets plus dangereux : aussi l'homme a toujours été jugé moins sévèrement que la femme. Toutes les nations, éclairées en ce point par l'expérience et par une sorte d'instinct, se sont accordées. Voyez ADULTÈRE.

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INGENUITÉ. PHILOSOPHIE, MORALE. Sincérité innocente, qui souvent porte à avouer sans rougir une faute que l'on n'a point eu l'intention de commettre.

L'ingénuité est la qualité d'une âme essentiellement innocente, qui se montre telle qu'elle est, parce qu'il n'y a rien en elle qui l'oblige à se cacher. L'innocence produit l'ingénuité; et l'ingénuité, la franchise. On est tenté de supposer toutes les vertus dans les personnes ingénues. Que leur commerce est agréable! Si elles ont parlé, on sent qu'elles doivent dire ce qu'elles ont dit. Leur âme

vient se peindre sur leurs lèvres, dans leurs yeux, et dans leurs expressions. On leur découvre son cœur, avec d'autant plus de liberté qu'on voit le leur tout entier. Ont-elles fait une faute? elles l'avouent d'une manière qui ferait presque regretter qu'elles ne l'eussent pas commise. Elles paraissent innocentes jusque dans leurs erreurs.

Il y a de la différence entre l'ingénuité et la naïveté. La première est dans l'âme; l'autre est dans le ton. L'ingénuité avoue, révèle, dit ce qu'elle pense; la naïveté exprime, peint, embellit. Les expressions peuvent être naïves, et les discours ingénus. L'ingénuité semble exclure la réflexion, et la naïveté oublie qu'elle a réfléchi, pour s'attacher au sentiment.

INGRATITUDE. PHILOSOPHIE, MORALE. Oubli ou mépris d'un service, d'un bienfait reçu. C'est un vice lâche, bas, contre nature, et odieux à tout le monde; c'est un vice commun aux rois et aux grands, mais dont malheureusement les simples particuliers ne sont pas exempts. Le nom d'ingrat désigne une sorte de caractère plus infâme que celui d'injuste, et c'est avec raison, car il y a infamie à se déclarer indigne par le cœur de la bonne opinion qu'on avait donné de soi. Il est des ingratitudes de toute espèce : une des plus odieuses est celle des enfants envers leur mère; la plus révoltante de toutes est celle dont on use à l'égard des hommes qui ont bien mérité de la patrie.

INHUMATIONS. HYGIÈNE. Action de donner la sépulture. Quoique nous ayons déjà (à l'article ÉTAT CIVIL.) fait quelques réflexions sur le danger d'enterrer trop précipitamment les individus que l'on suppose privés de la vie, nous croyons devoir encore insister ici sur les incouvénients des inhumations précipitées, qui exposent journellement à enterrer des individus vivants. Bruhier rapporte plus de cent quatre-vingts exemples de personnes réputées mortes, et qui ne l'étaient pas : cinquantedeux avaient été enterrées vivantes; quatre avaient été ouvertes avant leur mort; cinquante-trois revinrent spontanément à la vie, après avoir été enfermées dans le cercueil; soixante-douze furent reconnues vivantes après avoir été réputées mortes.

Dans différentes parties de l'Europe on emploie les plus grandes précautions pour éviter les graves inconvénients qu'ont malheureusement trop souvent les inhumations précipitées. Nous avons cité l'exemple de quelques villes de l'Angleterre : à Hambourg, on laisse passer six à huit jours avant d'enterrer les morts, à moins que la putréfaction

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