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la rareté fait une partie du mérite, l'estimation momentanée du lingot ou morceau de métal brut, est devenue impossible, et par une autre nécessité inévitable, on a été conduit à façonner le lingot, à lui donner un certain poids et à le charger de signes conventionnels qui garantissent au premier coup d'œil la valeur intrinsèque de la monnaie; il suit de là que la monnaie n'est point toujours la richesse, si par ce mot on entend la possession d'objets propres à satisfaire nos besoins et nos goûts, attendu que nous ne pouvons avoir besoin que d'une quantité trèslimitée de métal précieux; mais elle est un moyen d'acquérir ces objets, et elle sert de sigue, de terme de comparaison, de mesure, pour s'entendre sur la valeur et le prix de tout ce qui peut être acquis ou consommé. C'est pour n'avoir pas conçu cette vérité, cependant très-simple, que des peuples entiers se sont réduits à la condition la plus misérable, et, comme le roi de la fable, ont converti en or tout ce qu'ils touchaient. La péninsule espagnole a tiré énormément d'or de l'Amérique; et ne voyant la richesse que dans l'accumulation indéfinie de ce métal, elle a négligé l'industrie, source inépuisable de satisfactions que la monnaie seule ne saurait procurer. Les gouvernants, leurs favoris, quelques aventuriers se faisaient de gros trésors; on répandait de grandes largesses; mais comme l'entrée des produits étrangers a toujours été finement gênée, on ne trouvait rien à acheter, ou bien les objets de consommation renchérissaient outre mesure. Par une autre conséquence de la même erreur, on voulait conserver pour soi de prétendues richesses, et ne point porter sou or à l'étranger: on prohibait donc l'exportation des espèces métalliques. Toutes ces absurdités, et bon nombre d'autres qui se lient à celles-là, ont long-temps entravé le développement de la prospérité matérielle des peuples. Le travail! voilà la seule richesse, ou plutôt l'unique source des richesses, et l'or, l'argent, la monnaie, ne sont que des marchandises comme d'autres marchandises; la seule différence est qu'elles ont une valeur plus facilement, plus uniformément appréciable, que cette valeur est renfermée dans un plus petit objet, et que, légale ment appréciée, on peut capricieusement l'échanger contre tout autre.

La monnaie est si bien une marchandise, et marchandise universelle, qu'il s'en fait toujours un commerce actif. Chez un peuple industrieux, une certaine somme de numéraire est indispensable pour les besoins de la circulation, et si, pour quelque cause que ce soit, il devient rare, son prix s'élève, et son importation devient lucrative.

Toute monnaie est un alliage: le métal moins précieux rend plus malléable le métal fin. Le titre des monnaies doit donc s'entendre de la quantité de métal fin qu'elles renferment. Ce titre n'est point partout le même ; la science a de sûrs moyens \de le reconnaître exactement; aussi, hors des frontières d'un état, la monnaie n'a plus que sa valeur réelle, seule base du commerce des monnaies. Sous le rapport commercial, et dans les relations de voyage, la variété du titre des monnaies, dans les divers états, est un grave inconvénient. A l'intérieur il se fait moins sentir; mais lors même que les objets de consommation s'élèveraient en proportion de l'abaissement du titre, l'altération pratiquée fréquemment par des gouvernements despotiques n'en serait pas moins un odieux mensonge, un vol scandaleux, que des peuples civilisés ne souffriraient plus; il n'est pas plus permis d'être faux monnoyeur sur un trône que dans une caverne.

Les déplorables variations que l'on a fait subir aux monnaies ont excité tant et de si légitimes plaintes, que l'humeur a poussé les choses à l'excès. On a été jusqu'à désirer que le gouvernement n'eût plus le monopole de la fabrication des monnaies, et qu'elles ne portassent plus l'effigie du chef de l'état. Il y a là erreur et puérilité: qu'importe l'effigie? c'est un signe facile à reconnaître, voilà tout, et c'est un avantage. D'un autre côté, la surveillance d'un gouvernement éclairé et dûment surveillé lui-même par une véritable représentation nationale, inspirera toujours plus de confiance, et sera une garantie supérieure à toutes les garanties. Il arrive fréquemment, en économie politique, que l'on raisonne trop sous l'impression d'abus actuels contre lesquels il est beau mais quelquefois dangereux de se passionner.

Les différences de titre, de forme, de graduation, qui existent dans la monnaie des nations, sont un mal. On a rêvé une langue universelle ; que ne rêve-t-on aussi un système monétaire universel? Il est tout trouvé : le système décimal appliqué au numéraire est une des plus magnifiques institutions dont la révolution française ait fait présent à la France? L'Europe tarde trop à l'adopter; les personnes qui ont voyagé en Italie, en Allemagne et surtout en Suisse peuvent seules comprendre tout ce qu'a de déplorable cette incroyable variété dans le système des monnaies, qui gêne horriblement les transactions, occasionne d'énormes pertes de temps et d'argent, et désoriente à chaque lieue que l'on parcourt, sur l'estimation des produits.

Les monnaies n'ont pas des différences de valeur entre les nations seulement, sous le rapport du

titre ; le même phénomène s'observe, en ce qui concerne la mesure de la valeur des produits, dans les différentes provinces d'un même empire, et cette observation devrait avoir quelque influence sur la répartition des impôts, s'il est équitable que l'impôt soit réparti avec quelque justice. Un franc a beaucoup plus de valeur et procure plus d'objets de consommation dans un hameau isolé et pauvre que dans les grands centres de population : le sacrifice que le petit contribuable en fait à l'état est donc plus onéreux pour lui que pour le riche proprié

taire citadin.

Nous avons dit qu'une certaine quantité de numéraire était indispensable à une nation pour faciliter ses transactions intérieures, et que si le commerce des matières d'or et d'argent n'est point entravé par des lois impolitiques, cette quantité se maintient toujours en équilibre avec les besoins, sauf des oscillations de peu de gravité. Nous devons ajouter qu'il parait impossible jusqu'ici d'évaluer avec précision la somme de numéraire que possède un état, et que dans des conditions de prospérité données, cette somme peut être de beaucoup réduite par l'usage du papier-monnaie. Ce mot a conservé un caractère effrayant pour les personnes qui ont vu les assignats, et qui en gardent des monceaux dans leurs archives de famille. Les assignats, qui furent peut-être une inévitable nécessité du moment, se répandirent en France pour une valeur fabuleuse de 45 milliards, et ils n'avaient pas en numéraire circulant 2 milliards de garantie; aussi furent-ils dépréciés en peu de temps et tombèrent-ils même au-dessous de la valeur qu'ils étaient chargés de représenter. Leur discrédit devint total, parce que la monnaie ne vaut pas uniquement par l'usage qu'on en peut faire, mais aussi par la valeur intrinsèque ou par la garantie qui y est affectée. Les billets de la banque de France, par exemple, sont tout simplement une petite feuille de papier fin, comme l'étaient les assignats, mais ils portent un timbre et des signatures dans lesquels on a confiance, parce qu'on sait que ce papier peut être sur-le-champ converti en numéraire. Si donc l'émission des assignats eût été proportionnée au crédit d'alors, ils eussent conservé leur valeur nominale, ils eussent été aussi commodes pour la circulation que l'est ce torrent de banknots qui roule dans la Grande-Bretagne, s'échappant sans cesse des nombreuses banques provinciales pour y rentrer sans cesse après avoir fécondé l'industrie et rendu faciles les moindres transactions. Les contrefaçons malheureusement sont très multipliées, malgré l'extrême sévérité de la loi qui s'ap

plique avec une rigueur que l'intérêt général rend peut-être nécessaire.

MONOCOTYLÉDONS. HISTOIRE NATURELLE. On nomme ainsi les végétaux dont l'embryon n'offre qu'un seul cotylédon, et que, pour cette raison, on appelle embryon monocotylédoné. Ces végétaux constituent l'un des trois groupes primordiaux du règne végétal. Voyez BOTANIQUE.

MONOCHROME. BEAUX-ARTS. Peinture d'une

seule couleur. Ce genre de travail est très-ancien ; les Étrusques l'ont connu. La peinture n'eut d'abord qu'une scule teinte, et les figures n'étaient formées que par des lignes d'une seule couleur, qui était ordinairement le rouge fait avec le cinabre et le minium. Au lieu du rouge on employait quelquefois le blanc. Quintilien dit de Polygnote, et Pline de Zeuxis, qu'ils firent des monochromes en blanc. Les tombeaux antiques des Tarquins, près de Corneto, offraient des figures formées par des couleurs blanches couchées sur un fond obscur.

MONOGRAMME. BEAUX-ARTS. On appelle monogramme une figure qui réunit plusieurs lettres, de manière qu'elles semblent n'en faire qu'une. Le monogramme diffère de la ligature, qui n'est qu'un trait d'union qui joint ensemble plusieurs lettres. C'est surtout sur les monnaies grecques que l'usage des monogrammes est le plus fréquent. Les premiers graveurs en bois et en taille douce, ainsi que plusieurs peintres, lors de la renaissance des arts, ont eu la coutume d'indiquer quelquefois, sur leurs ouvrages, leur nom, non pas en toutes lettres, mais seulement par les monogrammes : la connaissance et l'explication de ces monogrammes sont importantes pour l'histoire de l'art.

MONOGRAPHIQUE. BEAUX-ARTS. Dessin mo

nographique, dessin exécuté par un seul trait sans hachures: c'est ce qu'on appelle aujourd'hui dessiner au trait. Les calques, la damasquinure, les caractères d'imprimerie sont des monographies. Les estampes d'après les bas-reliefs de Flaxmann sont des monographies, ainsi que les dessins-patrons pour les broderies, etc.

MONOLOGUE. BELLES-LETTRES. Scène dramatique, où un personnage parait et parle seul. Toutes les fois que, dans un ouvrage de poésie, celui qu'on fait parler n'est censé avoir ni interlocuteurs ni témoins, on appelle son discours un monologue.

La parole est un acte si familier à l'homme, si fortement lié par l'habitude avec la pensée et le sentiment, elle donne tant de facilité, de netteté à la

conception, , par les signes qu'elle attache aux idées, que, dans une méditation profonde, dans une vive émotion, il est tout naturel de se parler à soi-même. Les qualités essentielles du monologue sont le mouvement et la vérité; les idées y doivent être liées, mais par un fil imperceptible. Plus les sentiments qu'il exprime naissent en foule et en désordre, plus il imite le trouble, les combats, le flux et le reflux des passions; plus il est dans la vraisemblance: jamais il n'est si naturel que lorsqu'il est au plus haut point de véhémence et de chaleur. C'est là surtout que sont placés ces mouvements d'une ame qui se roule sur elle-même, comme les vagues de la mer, lorsque des vents opposés les soulèvent du fond de l'abime.

Dans le monologue, ce n'est pas toujours à soimême qu'on adresse la parole: c'est quelquefois à un être insensible, ou à quelque absent, dont on oublie que l'on ne peut être entendu. Ce délire suppose l'égarement de la passion, ou une rêverie qui approche du songe.

MONOMANIE. Voyez MANIE.

MONOPOLE. Voyez PRIVILEGES.

MONTAGNES. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE. On entend généralement par montagnes un ensemble d'inégalités plus ou moins considérables, élevées audessus de la surface du globe. Suivant le savant géographe Ritter, on regarde comme simples collines toutes les hauteurs qui ne dépassent pas 2,000 pieds; il appelle montagnes de premier ordre celles dont l'élévation va depuis 2,000 jusqu'à 4,000 pieds; il nomme montagnes de second ordre celles dont la hauteur est comprise entre 4,000 et 6,000 pieds. Les pointes qui s'élèvent de 6,000 à 10,000 pieds, sont pour lui des monts Alpins; il range enfin parmi les montagnes gigantesques tous les sommets qui dépassent ces limites. Il faut distinguer les montagnes des plateaux, qui sont de grandes masses de terre élevées, formant d'ordinaire les noyaux du continent ou des îles, mais qui ont des pentes moins rapides et plus étendues. Un plateau peut renfermer des montagnes, des plaines et des vallées.

Il existe très-peu de montagnes isolées dans la nature, elles se trouvent presque toujours réunies, et forment ainsi des masses qui s'étendent dans des directions déterminées, en jetant des ramifications à droite et à gauche. C'est à ces masses, résultant de la réunion de plusieurs montagues, que l'on donne le nom de chaîues. Pour les former, les montagnes se sont groupées d'une infinité de manières, et de là il est résulté plusieurs accidents, dont l'é

tude est de la plus haute importance pour l'histoire physique de notre planète. Une chaîne peut être définie par une suite de montagues dont la base se touche; un groupe est l'union de plusieurs chaines, et un système est l'ensemble de plusieurs groupes. Le point où les chaînes de montagues se réunissent s'appelle nœud.

La chaîne la plus simple que l'on puisse se figurer est celle qui serait formée par une suite de montagnes placées sur une même ligne droite; les montagues étant du reste disposées à côté les unes des autres d'une manière quelconque. Alors l'ensemble des pieds de chaque montagne forme le pied de la chaîne, de même que l'ensemble des flancs forme ceux de la chaîne, que l'on désigue en les rapportant aux points cardinaux. Les flancs d'une chaîne ont reçu de M. d'Aubuisson le nom de versants. Le faite de la chaine est formé par l'ensemble des crètes et des sommets qui établissent les lignes de partage des eaux.

Les montagues en se réunissant laissent entre elles des dépressions plus ou moins considérables, que l'on appelle vallées; les flancs qui laissent entre eux ces dépressions sont les versants; la courbe résultant de l'intersection de ces deux surfaces, celle que suivent les eaux qui tombent dans la vallée, se nomme thalweg. Les vallées se réunissent par l'espace, plus ou moins étendu, suivant la forme et le rapprochement des montagnes, qui sépare les deux sommets ou les deux crêtes; cet espace porte le nom de col. Ainsi les cols sont des crans dans le faite d'une chaîne, qui fout communiquer entre elles les vallées des deux versants opposés : dans les Pyrénées, ces passages portent le nom de ports. On nomme rameaux les ramifications qui partent de la masse principale pour s'étendre ensuite dans plusieurs directions: chaque rameau peut être considéré comme une chaîne simple; les ramifications qu'ils jettent se nomment contreforts. Les chaines, les rameaux et les contreforts forment entre eux une multitude de vallées plus ou moins larges, que l'on divise ordinairement en vallées du 1er du 2o et du 3 ordre. Les vallées du premier ordre sont celles qui descendent à peu près perpendiculairement à la direction du faîte et qui vont tomber dans les vallées longitudinales; les vallées du second ordre sont aussi à peu près perpendiculaires aux crêtes des rameaux et aboutissent aux vallées du premier ordre; il en est de même des vallées du troisième ordre par rapport à celles du second. Vers leur origine, les vallées du troisième ordre se divisent souvent en plusieurs parties, qui divergent entre elles et vont mourir plus ou moins loin du

faîte ces parties se nomment vallons, quand elles sont assez larges et qu'elles n'ont point d'escarpements; gorges, quand elles sont étroites et trèsescarpées; et ravins, quand les gorges sont très petites. Le thalweg s'élève à mesure que l'on s'approche du faîte; mais cette élévation n'est point uniforme; souvent l'uniformité dans la pente existe jusqu'à l'extrémité supérieure; et là elle augmente considérablement. En général, les vallées se rétrécissent en approchant de leur origine; mais quel quefois elles s'élargissent et forment des espèces de cirques. Cependant les vallées affectent en général un parallélisme vraiment remarquable dans les flancs qui les bordent.

Les versants des vallées présentent des faits qui méritent de fixer l'attention. On peut les diviser en trois espèces ceux dont les deux flancs sont en pente douce; ceux dont les flancs présentent, l'un une pente douce et l'autre un escarpement; ceux dont les flancs sont des escarpements. — Quand les deux versants sont en pente douce, les vallées sont en général très-évasées, et assez régulières dans leurs cours, le thalweg se trouve à peu près à égale distance des deux versants, et si dans quelques endroits la pente devient rapide, on voit que la courbe s'infléchit vers ce point. — Lorsqu'une vallée est comprise entre des montagnes dont les unes présentent des escarpements aux pentes douces des autres, ce qui arrive pour tous les ordres et particulièrement pour les vallées longitudinales, on remarque beaucoup d'irrégularité dans le cours des eaux; le thalweg est toujours beaucoup plus rapproché de l'escarpement que de la pente douce, et son inclinaison n'est plus régulière. — Les vallées formées par deux versants escarpés sont en général très-étroites et très-irrégulières; on y remarque beaucoup d'étranglements et de rétrécissements, peu de correspondance dans les angles rentrants et saillants: la courbe du thalweg présente, dans le sens horizontal et vertical, une infinité d'inflexions, mais elle se rapproche toujours du côté le plus escarpé.

Les chaines des montagnes entre elles sont rarement isolées, elles tiennent toutes plus ou moins directement les unes aux autres; les limites que l'on assigne ne sont le plus souvent que de pure convention, et il est même bien rare que les géographes s'accordent dans cette dénomination. L'Europe et l'Asie sont traversées, dans leur plus grande longueur, par une grande bande élevée. Celle de l'Europe a sa partie centrale au Saint-Gothard; à partir de là, l'inclinaison générale baisse dans tous les sens; au nord, vers la Hollande et la Baltique ; à l'est, vers la mer Noire; à l'ouest, vers l'océan At

lantique; et au sud, vers la Méditerranée. Toutes ces pentes sont découpées par les lits des fleuves en diverses chaînes qui appartiennent évidemment à un même système, celui des grandes Alpes: par leurs faites ces chaînes se rattachent directement ou indirectement à la contrée centrale. C'est ainsi que le Jura se rattache aux Alpes suisses, les Vosges au Jura, les Ardennes aux Vosges, etc. La suite des chaînes qui bordent le Danube au nord, et qui semblent faire un système particulier, tient à la suite de celles qui sont au sud, et qui forment le système alpin proprement dit, par les montagnes de la Souabe, au milieu desquelles ce fleuve prend sa source. Les points ou plateaux où se réunissent les diverses chaînes d'un mème système, sont les nœuds du système, et les grandes vallées qui en partent, sont les vallées principales des régions.

MONTGOLFIÈRE. PHYSIQUE. Appareil sphérique propre à s'élever et à se soutenir dans l'air, inventé par Montgolfier. L'art de s'élever dans les airs est incontestablement d'origine française. Quelques savants étrangers exprimèrent néanmoins, dès le XIVe siècle, l'opinion qu'au moyen d'une substance plus légère que l'air, enfermée dans un ballon, on pourrait gagner la partie supérieure de l'atmosphère. Ce fut Albert Saxony, moine augus tin, qui mit au jour cette idée : en introduisant de l'air atmosphérique dans ce ballon, ajoutait-il, on le ferait descendre par la même raison que l'eau pénétrant dans un vaisseau le fait couler bas. Deux siècles plus tard, le jésuite portugais Mendoza, et l'Allemand Gaspard Schott, s'occupèrent de semblables spéculations, et concurent même le projet d'une véritable navigation aérienne dirigée par des voiles, des rames, et des gouvernails. Un autre jesuite, François Lana, qui vivait en 1670, proposait un ballon de cuivre extrêmement mince, duquel on soutirerait tout l'air, et qui deviendrait ainsi plus léger que notre atmosphère: c'était au moment des découvertes de Torricelli, et de l'invention de la machine pneumatique. En 1755, on imprima à Avignon un livre intitulé l'Art de naviguer dans les airs. Le père Gallien, auteur de cet ouvrage, paraît avoir bien senti en quoi consistait principalement le moyen de surmonter la difficulté d'élever des corps creux dans l'air. Il remarque judicieusement, que ce n'est qu'en augmentant considérablement la capacité de ces corps, qu'on pourra parvenir à les faire flotter dans ce fluide, en les remplissant d'un air beaucoup plus rare. Mais c'est seulement à l'époque où les sciences naturelles furent mieux étudiées qu'on eut une véritable théo

rie de l'ascension des corps dans l'atmosphère; et la découverte du gaz hydrogène et de sa grande légèreté spécifique, par Cavendish, contribua pour beaucoup au développement de cette invention. Le docteur Black, d'Édimbourg, pensa qu'un ballon de verre mince devait s'élever en l'air. Cavallot entreprit, en 1782, des expériences à ce sujet, et trouva que le verre était trop lourd et le papier trop faible pour contenir le gaz ; mais que des bulles d'eau de savon remplies de gaz hydrogène s'élevaient rapidement jusqu'au plancher.

Dans la même année, les frères Montgolfier furent conduits par un heureux hasard à l'invention des aérostats. Madame Montgolfier, ayant placé un jupon sur un de ces paniers d'osier à claire-voie, dont des femmes font usage pour sécher leur linge, l'air de l'intérieur fut tellement raréfié par la chaleur, que le jupon fut élevé jusqu'au plancher. C'est de ce fait que MM. Montgolfier sont partis pour construire leur aérostat. En novembre 1782, M. Montgolfier l'aîné réussit à faire monter dans sa chambre jusqu'au plafond, et ensuite dans un jardin jusqu'à la hauteur de 36 pieds, un parallélipipède fait en taffetas de Lyon, d'une capacité de 40 pieds cubes, dont on avait échauffé l'intérieur avec du papier brûlé. Enfin, après plusieurs tentatives, avec des appareils de plus en plus volumineux, et dont le succès alla toujours croissant, eut lieu, le 5 juin 1783, l'expérience en grand dont nous avons parlé

à l'article Aérostat.

A une époque où l'appel de la patrie en danger fut entendu par les plus hautes capacités intellectuelles, par le savoir le plus éminent, on résolut de tirer parti de l'art aérostatique, et l'on forma un corps d'aéronautes destinés à faire des reconnaissances et à donner des signaux. Ils furent employés pour la première fois à la bataille de Fleurus par le général Jourdan. Mais de tout le savoir et de l'expérience qui furent déployés par les aéronantes, il ne reste plus rien. Il faudrait tout retrouver, tout refaire, si l'art des ballons était appelé encore une fois à seconder la valeur française. Pour se former une idée de cet art, de ses ressources et des obstacles qu'il doit surmonter, il faut lire l'intéressante notice que le colonel Coutelle, ancien commandant des aéronautes, a fait insérer dans la Revue encyclopédique de septembre 1826. En terminant cette notice, M. Coutelle regarde la direction des aérostats comme impossible. Cependant Monge et Meunier n'étaient pas de cet avis. Malheureusement pour l'art aéronautique, les événements politiques empêchèrent ces deux savants de s'en occuper, et de tous les travaux scientifiques con

cernant les aérostats, il ne reste qu'un rapport fait à l'Académie des sciences par Meunier, sur les ballons et sur leur emploi. Depuis l'impression de cet écrit, qui remonte avant 1789, les ballons n'ont servi qu'à élever dans l'air des observateurs ou des signaux. De loin en loin, quelques essais mal conçus et mal dirigés ont ramené la curiosité publique vers la principale destination de ces appareils; mais les sciences n'ont pris aucune part à ces entreprises. Ainsi, le mémoire de Meunier est encore aujourd'hui même le tableau le plus complet, le plus fidèle de ce que la mécanique et la physique ont fait en faveur de la navigation aérienne. Voici l'analyse succincte de ce mémoire.

Meunier avait considéré son objet sous l'aspect le plus vaste; il allait jusqu'aux limites de la carrière, et il ne se proposait rien moins que de faire servir les ballons à des voyages de long cours. Il fallait donc prévoir toutes les chances d'une telle navigation, se mettre en état de résister au choc des tempêtes, de traverser impunément des couches atmosphériques, bouleversées par les orages. On savait alors, ce que les aéronautes paraissent avoir oublié depuis, que des causes absolument incapables de troubler la navigation navale suffisent pour faire chavirer un ballon et sa nacelle. Guyton-Morveau ne l'ignorait point, lorsque, parcourant les environs de Dijon dans un aérostat à plus de 600 mètres de hauteur, entraîné par un vent très-faible, il prévoyait les secousses que sa nacelle ne manquerait point d'éprouver en passant au-dessus du ruisseau du Suzòn, qui, vu de cette hauteur, ne semblait être qu'un filet argenté. Meunier a donc commencé son mémoire par des recherches sur les conditions de stabilité du système du ballon et de sa nacelle, et il a déterminé le métacentre de ce système par des formules analogues à celles qui fixent le même point dans un vaisseau. Mais il fallait pourvoir à d'autres besoins également impérieux : de fréquents attérages étaient nécessaires, et les navigateurs y étaient exposés à plus d'une sorte de périls: jeter l'ancre et s'arrêter, appareiller, s'élever à la hauteur convenable, et redescendre au besoin; obtenir la faculté de se mouvoir dans un air tranquille, et de modifier sa direction et sa vitesse, voilà ce qu'il fallait faire sous peine de n'avoir rien fait. La nécessité de conserver le gaz hydrogène était aussi une des conditions du problème à résoudre. Après avoir terminé ces recherches préparatoires, Meunier en vient aux applications : il détermine la forme et les dimensions d'un aérostat capable de transporter, outre ses divers agrès, un équipage pour les manœuvres, les observateurs

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